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23/11/2005 | FRANCE | N°269151

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 23 novembre 2005, 269151


Vu, sous les n°s 269151 et 269152, les requêtes, enregistrées le 28 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler deux jugements du 17 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés du 10 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Z... Y et de X... Iris X épouse Y ;

2°) de rejeter les demandes de M. et de Mme Y devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
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Vu, sous les n°s 269151 et 269152, les requêtes, enregistrées le 28 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler deux jugements du 17 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés du 10 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Z... Y et de X... Iris X épouse Y ;

2°) de rejeter les demandes de M. et de Mme Y devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées du PREFET DE LA GIRONDE sont dirigées contre deux jugements en date du 17 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés en date 11 mai 2004, ordonnant la reconduite à la frontière respectivement de M. Y et de Mme Y, son épouse ; que ces requêtes présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date des arrêtés litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y, de nationalité albanaise, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification des décisions du 16 décembre 2003 par lesquelles le PREFET DE LA GIRONDE leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; que M. et Mme Y se trouvaient ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'à l'appui de leur demande d'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière, M. et Mme Y, entrés tous deux irrégulièrement sur le territoire français respectivement en 2000 et 2001, ont fait valoir que M. Y ne peut plus régulièrement occuper un emploi faute d'avoir obtenu la délivrance d'un titre de séjour, qu'ils ont deux enfants dont l'un est scolarisé et dont le second, qui est né en France en 2003, est sujet à des infections pulmonaires à répétition et à des bronchiolites nécessitant un traitement régulier et constant avec kinésithérapie et, qu'enfin, ils sont parfaitement intégrés sur le territoire national ; qu'en l'espèce, toutefois, et en l'absence de toute circonstance mettant les époux dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux, ces arrêtés n'ont pas, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, porté au droit des intéressés au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler les arrêtés attaqués, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur ce qu'ils méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme Y devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant que, par arrêté du 2 juin 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le PREFET DE LA GIRONDE a donné à M. Thierry Y..., sous-préfet, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Y... n'aurait pas été compétent pour signer les arrêtés attaqués doit être écarté ;

Considérant que si M. et Mme Y soutiennent qu'à la suite d'un changement politique en Albanie, M. Y, qui, dans le cadre de son service militaire, avait dû faire face à une attaque au cours de laquelle un leader politique du parti socialiste aurait été tué, est désormais exposé à des représailles et que Mme Y a fait l'objet en 2001 d'une agression, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que M. et Mme Y, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont d'ailleurs été rejetées par des décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la commission des recours des réfugiés et dont les demandes d'asile territorial ont été rejetées par décisions du ministre de l'intérieur, n'établissent pas l'existence des risques personnels que leur ferait courir leur retour en Albanie ; qu'ainsi les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que les décisions désignant l'Albanie comme pays de reconduite auraient méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à demander l'annulation des jugements du 17 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y et désignant l'Albanie comme pays de destination et le rejet des demandes présentées devant ce tribunal par M. et Mme Y ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les jugements du 17 mai 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par M. Y et par Mme Y sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à M. Z... Y, à X... Iris X épouse Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 nov. 2005, n° 269151
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 23/11/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 269151
Numéro NOR : CETATEXT000008237371 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-11-23;269151 ?
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