Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Emrullah A élisant domicile ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2004 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 776-1 du code de justice administrative, l'instruction et le jugement des recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ne sont soumis qu'aux dispositions des articles R. 776-2 et R. 776-20 dudit code, lesquelles ne prévoient pas que les observations produites en défense par l'administration doivent être communiquées au requérant ; que le requérant, qui ne conteste pas avoir été mis à même de prendre connaissance desdites observations avant l'audience, n'est pas fondé à soutenir que le jugement aurait été rendu en méconnaissance du principe général du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal a répondu au moyen tiré de ce qu'à la date à laquelle le titre de séjour que M. A sollicitait en qualité de conjoint de français lui a été refusé, il aurait résidé avec son épouse ; que le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. A, la décision du 15 juillet 2004 par laquelle le préfet de l'Oise lui a refusé un titre de séjour a été régulièrement notifiée le 24 juillet 2004 à l'adresse qu'il avait indiquée ; que M. A, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après cette notification ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : 1° A l'étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de Mme Stéphanie épouse A que la communauté de vie des époux A avait pris fin au début de juin 2004 ; que les motifs qui ont inspiré ces déclarations spontanées tout comme la circonstance que les époux n'aient été autorisés à résider séparément qu'à partir de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 14 septembre suivant sont sans incidence sur l'appréciation de la réalité de la vie commune ; que par suite et en tout état de cause, M. A n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions précitées serait illégal pour être fondé sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'étendue des liens familiaux de M. A en France n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Emrullah A, au préfet de l'Oise et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.