La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2005 | FRANCE | N°275019

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 05 décembre 2005, 275019


Vu, 1°), sous le numéro 275019, la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 21 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Fatiha YX et, d'autre part, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande de

Mlle YX ;

Vu, 2°), sous le numéro 280552, la requête, enregistrée le 16 mai 20...

Vu, 1°), sous le numéro 275019, la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 21 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Fatiha YX et, d'autre part, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande de Mlle YX ;

Vu, 2°), sous le numéro 280552, la requête, enregistrée le 16 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution du jugement du 3 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 21 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Fatiha YX et, d'autre part, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mlle YX,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes numéros 275019 et 280552 du PREFET DE POLICE tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle YX, ressortissante algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 août 2004, du refus de titre de séjour opposé le 30 juillet 2004 par le PREFET DE POLICE ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que pour annuler l'arrêté en date du 21 septembre 2004 par lequel le PREFET DE POLICE a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle YX, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la violation des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur ; que toutefois, ces dispositions qui, en tout état de cause, régissent la délivrance des cartes de séjour temporaire, ne sont pas applicables aux demandes de titre de séjour des ressortissants algériens qui sont soumises aux stipulations de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ces dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour annuler la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de Mlle YX ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par Mlle YX devant le tribunal administratif de Paris et le Conseil d'Etat ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour du 30 juillet 2004 :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit (...) 7° au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur ... ; que l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de cette disposition, prévoit que l'avis du médecin inspecteur précise si une prise en charge médicale de l'étranger est nécessaire, si son défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'état de santé, si le traitement peut être assuré dans le pays d'origine et indique enfin quelle est la durée prévisible du traitement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du PREFET DE POLICE rejetant la demande de titre de séjour de Mlle YX a été prise au vu de l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police qui indiquait que si l'état de santé de Mlle YX nécessitait une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait en bénéficier dans son pays d'origine ; qu'à la suite de la production d'un certificat médical par Mlle YX, le PREFET DE POLICE a saisi à nouveau le médecin chef du service médical de la préfecture de police qui, dans un second avis en date du 4 novembre 2003, pris au vu de ce certificat médical, a confirmé son précédent avis; qu'ainsi, même s'il ne mentionnait pas si l'intéressée pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, mention qui n'était pas rendue nécessaire par l'état de santé de la requérante, le médecin chef du service médical de la préfecture de police a fourni dans les avis transmis au PREFET DE POLICE toutes les précisions qu'il lui incombait de donner en application des dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999 ; que, par suite, Mlle YX n'est pas fondée à invoquer l'irrégularité de ces avis ;

Considérant que si l'état de santé de Mlle YX nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une extrême gravité, le PREFET DE POLICE établit que les soins dont a besoin l'intéressée peuvent lui être prodigués dans son pays d'origine ; que par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE POLICE aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié en date du 27 décembre 1968 doit être rejeté ;

Considérant que si les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée imposent au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées aux articles 12 bis et 15 de cette ordonnance, il résulte de ce qui précède que Mlle YX ne pouvait prétendre, comme elle le soutient, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié équivalentes aux dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant que si Mlle YX fait valoir que ses trois frères résident régulièrement en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mlle YX en France, qui est célibataire, sans charge de famille et dont la mère vit dans son pays d'origine, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si Mlle YX se prévaut de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté du 21 septembre 2004, par lequel le PREFET DE POLICE a décidé la reconduite à la frontière de Mlle YX, comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé;

Considérant que, eu égard à la possibilité, déjà indiquée, pour Mlle YX de suivre un traitement approprié dans son pays d'origine, l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de l'intéressée ; qu'il ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article 25-8° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant que, pour les raisons déjà indiquées et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de Mlle YX au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation des articles 1, 2 et 3 du jugement en date du 3 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 21 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle YX ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que la présente décision s'est prononcée sur les conclusions du PREFET DE POLICE à fin d'annulation du jugement attaqué du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ; que, par suite les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 280552 du PREFET DE POLICE.

Article 2 : Les articles 1, 2 et 3 du jugement en date du 3 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 21 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle YX sont annulés.

Article 3 : La demande de Mlle YX devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Fatiha YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 275019
Date de la décision : 05/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 déc. 2005, n° 275019
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Nathalie Escaut
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:275019.20051205
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award