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07/12/2005 | FRANCE | N°268748

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 07 décembre 2005, 268748


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 15 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION CENTRE, dont le siège est Hôtel de Région, ... (45041), représentée par le président du conseil régional régulièrement habilité ; la REGION CENTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le recours gracieux formé par le président de la région exposante,

en date du 20 février 2004, dirigé contre l'arrêté du 29 décembre 2003 fixant...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 15 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION CENTRE, dont le siège est Hôtel de Région, ... (45041), représentée par le président du conseil régional régulièrement habilité ; la REGION CENTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le recours gracieux formé par le président de la région exposante, en date du 20 février 2004, dirigé contre l'arrêté du 29 décembre 2003 fixant le barème des redevances d'utilisation du réseau ferré national pour les années 2004 et 2005 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2001 / 14 / CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

Vu le décret n° 97-446 du 5 mai 1997 modifié ;

Vu le décret n° 2001-1116 du 27 novembre 2001 ;

Vu le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 ;

Vu l'arrêté du 30 décembre 1997 modifié ;

Vu l'arrêté du 10 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la REGION CENTRE et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Réseau ferré de France,

- les conclusions de Mme X... de Silva, Commissaire du gouvernement

Considérant que si l'arrêté du 10 décembre 2004 fixant le barème des redevances d'utilisation du réseau ferré national à compter du 1er janvier 2006 a mis fin à la possibilité de moduler le droit d'accès à la section élémentaire, cette circonstance n'a pas privé d'objet la présente requête dirigée contre l'arrêté du 29 décembre 2003 fixant le barème des redevances d'utilisation du réseau national pour 2004 et 2005 ;

En ce qui concerne le droit d'accès au réseau :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 30 décembre 1997 relatif aux redevances d'utilisation du réseau ferré national, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 juillet 1999 : « Le terme forfaitaire correspondant au droit d'accès à la section … est fixé de façon à ce que, au cours d'une année donnée, le total des redevances perçues au titre de ce terme par Réseau ferré de France ne dépasse pas 12 % du total des redevances perçues sur l'ensemble du réseau au titre des trois termes prévus à l'article 4 du décret du 5 mai 1997 » ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la modulation du droit d'accès prévue par l'arrêté attaqué conduise à un dépassement du plafond susmentionné ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 6 de l'arrêté du 30 décembre 1997 ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation de l'article 5 du décret du 5 mai 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 5 mai 1997 relatif aux redevances d'utilisation du réseau ferré national : « Le terme forfaitaire correspondant à l'accès au réseau est calculé en tenant compte des frais engagés par Réseau ferré de France. Il ne doit avoir aucun caractère discrétionnaire. Il est, pour une période donnée, indépendant de la capacité réservée » ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué : « (…) Pour chaque entreprise ferroviaire le prix unitaire DA du droit d'accès à la section élémentaire pour les catégories A, B, et N pourra faire l'objet d'un coefficient multiplicateur M en fonction de la durée de l'engagement contractuel souscrit par l'entreprise ferroviaire et des volumes mensuels de sillons réservés par catégorie tarifaire et par mois dans la catégorie pouvant faire l'objet de modulation » ;

Considérant, d'une part, que, si l'arrêté attaqué prévoit la possibilité de moduler le prix unitaire du droit d'accès à la section élémentaire, pour certaines catégories de lignes, en fonction de la durée de l'engagement d'utilisation de l'infrastructure souscrit par l'entreprise et des volumes mensuels de sillons réservés, les dispositions précitées du décret du 5 mai 1997 n'excluent pas une telle faculté ; qu'il ne résulte d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que le droit d'accès doive être uniforme sur l'ensemble du réseau ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que, par suite de la fixation par Réseau ferré de France d'une programmation pluriannuelle de l'allocation de sillons pour les lignes les plus utilisées, destinée à réduire ses coûts, la durée de l'engagement d'utilisation de l'infrastructure par l'entreprise ferroviaire tient compte des frais engagés par cet établissement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la modulation en fonction de cette durée, selon qu'elle est supérieure ou inférieure à cinq ans, serait contraire aux dispositions précitées de l'article 5 du décret du 5 mai 1997 ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité :

Considérant que la fixation de redevances différentes applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situations appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure ;

Considérant qu'il existe, entre les entreprises ferroviaires susceptibles d'utiliser le réseau ferré national, une différence de situation selon la durée de l'utilisation qu'elles font de l'infrastructure ferroviaire dès lors que le coût des services rendus varie selon cette durée ; que cette différence, dont la prise en compte constitue une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service, est de nature à justifier qu'il soit appliqué à ces entreprises des coefficients de modulation différents selon cette durée ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la modulation du droit d'accès en fonction de la durée d'engagement de l'utilisation du réseau ferré national par les entreprises ferroviaires entraîne une différence de tarification dans un rapport limité de 1 à 1,5 ; que cette différence n'est manifestement pas disproportionnée au regard de celles relatives au service rendu ; que, par suite, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas le principe d'égalité ;

Sur le moyen tiré de la violation de la directive du 26 février 2001 :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 ;3 de la directive 2001 / 14 (CE) du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d'infrastructures ferroviaires, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité : « Afin d'empêcher la discrimination, il est fait en sorte que les redevances moyenne et marginale d'un gestionnaire d'infrastructure donné soient comparables pour une utilisation équivalente de son infrastructure et que des services comparables fournis dans le même segment de marché soient soumis aux mêmes redevances. » ;

Considérant que l'utilisation de l'infrastructure ne peut être regardée comme équivalente quelle que soit la durée d'utilisation du réseau, dès lors que la brièveté de la période d'utilisation de celui-ci majore les coûts d'établissement des horaires ; que le service fourni ne peut, par suite, être regardé comme comparable quelle que soit la durée de cette utilisation ; qu'en conséquence, la modulation, en fonction de cette durée et dans une fourchette au demeurant limitée de 1 à 1,5, du terme de la redevance correspondant au droit d'accès au réseau, n'est pas discriminatoire au regard des objectifs de la directive ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 8 ;3 de celle-ci ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le droit de réservation :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 5 mai 1997 : « Le terme correspondant à la réservation est calculé à partir d'un prix kilométrique par catégorie ou par sous-catégorie de section élémentaire. Ce prix kilométrique peut être majoré pour tenir compte des aménagements réalisés sur la section élémentaire concernée. Il peut être modulé dans des conditions non discriminatoires pour tenir compte : a) de l'origine ou de la destination du trajet ; b) De la période horaire d'utilisation de la section élémentaire ; c) Du type de convoi ou de trafic ; d) De la qualité des sillons proposés ; e) De la rareté des capacités d'une ligne ou section de ligne saturée ; f) Du caractère limité des capacités d'une ligne ou section de ligne donnée ; g) Des coûts environnementaux, des coûts liés aux accidents et des coûts d'infrastructure non couverts dans les modes de transports concurrents ; h) Des engagements sur le délai d'acheminement ; i) De la régularité d'utilisation par le demandeur ; j) Du délai entre la demande et la date prévue pour l'utilisation de la capacité d'infrastructure ; (…) » ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté attaqué : « (…) Pour les sections élémentaires des catégories C* et D*, le barème des sections élémentaires de catégorie N3 est appliqué aux sillons réservés pour des convois voyageurs à grande vitesse./ Pour les réservations de sillons effectuées pour les convois de fret ou haut le pied (HLP), le prix unitaire de réservations des sillons DRS est affecté d'un coefficient K = 0,6. Ce coefficient K n'est pas applicable pour les sillons fret dont la longueur totale est supérieure ou égale à 300 km et dont la vitesse moyenne (hors arrêts demandés par l'entreprise ferroviaire qui exploite ledit convoi) est supérieure ou égale à 70 Km/h » ;

Considérant que, si la région requérante fait valoir que les différenciations tarifaires ainsi prévues pour certains convois en fonction de la longueur des sillons et de la vitesse du trafic, constituent des discriminations injustifiées et méconnaissent tant l'article 6 du décret du 5 mai 1997 que le principe d'égalité, il résulte des dispositions précitées que les différenciations retenues tiennent compte de la nature des convois et du type de trafic ainsi que de la spécificité des sillons de fret ; qu'en outre, les sillons de fret et ceux réservés pour les convois voyageurs à grande vitesse sont placés dans une situation différente de celle des sillons des autres convois au regard des critères prévus ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les différenciations tarifaires contestées méconnaissent tant le principe d'égalité que les dispositions de l'article 6 du décret du 5 mai 1997 ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la REGION CENTRE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté interministériel du 29 décembre 2003 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Réseau ferré de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la REGION CENTRE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la REGION CENTRE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Réseau ferré de France et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la REGION CENTRE est rejetée.

Article 2 : La REGION CENTRE versera à Réseau ferré de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la REGION CENTRE, à Réseau ferré de France, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 268748
Date de la décision : 07/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2005, n° 268748
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:268748.20051207
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