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09/12/2005 | FRANCE | N°271977

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 09 décembre 2005, 271977


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SERONO FRANCE, dont le siège est ..., représentée par son président ;directeur général en exercice ; la SOCIETE SERONO FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 13 août 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de la santé et de la protection sociale modifiant les prix de spécialités inscrites sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, d

'autre part, la décision implicite refusant de retirer la clause convention...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SERONO FRANCE, dont le siège est ..., représentée par son président ;directeur général en exercice ; la SOCIETE SERONO FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 13 août 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de la santé et de la protection sociale modifiant les prix de spécialités inscrites sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, d'autre part, la décision implicite refusant de retirer la clause conventionnelle prévoyant un abaissement du prix de la spécialité REBIF 44 microgrammes dans l'hypothèse où la proportion des ventes du REBIF 44 microgrammes dépasse 20 % des ventes de REBIF 44 microgrammes et REBIF 22 microgrammes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une nouvelle convention signée le 22 octobre 2003 entre le comité économique des produits de santé et la SOCIETE SERONO FRANCE qui exploite la spécialité REBIF, fixe le prix des deux dosages de cette spécialité, le REBIF 22 µg et le REBIF 44 µg, dans leur trois conditionnements et comporte une clause de révision du prix du REBIF 44 µg ainsi rédigée : « Les prix des (…) dosages tels que figurant dans la convention correspondent à un CTJ moyen de 195,49 F. Ces prix (…) sont liés à une proportion des ventes du REBIF 44 µg qui n'excède pas 20 % des ventes du 44 µg et du 22 µg. En cas de dépassement de cette proportion, le prix du dosage à 44 µg sera abaissé de sorte que le CTJ moyen des présentations en 44 µg soit porté de 243,96 F à 198,11 F » ; que, par lettre du 28 novembre 2003, le comité économique des produits de santé a informé la SOCIETE SERONO FRANCE que les conditions de mise en oeuvre de cette clause étaient réunies et l'a invitée à signer un avenant à la convention modifiant en conséquence les prix du REBIF 44 g ; que celle ;ci ayant refusé de signer l'avenant, le comité l'a informée par lettre en date du 12 juillet 2004, de son intention de proposer aux ministres de fixer par arrêté le prix du REBIF 44 µg, arrêté pris le 13 août 2004 et publié au Journal officiel du 27 août 2004 ; que la SOCIETE SERONO FRANCE qui, par lettre en date du 2 juillet 2004, avait sollicité que soit rapportée la clause de révision figurant dans la convention, demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté en tant qu'il abaisse le prix du REBIF 44 µg sous ses trois conditionnements et de la décision implicite du comité économique des produits de santé refusant de supprimer la clause conventionnelle de révision du prix ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision implicite de refus de supprimer la clause conventionnelle de révision du prix du REBIF 44 µg :

Considérant que, dans le délai de deux mois suivant l'enregistrement de sa requête, la SOCIETE SERONO FRANCE n'a soulevé aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non ;recevoir soulevée par le ministre, lesdites conclusions sont irrecevables ;

Sur la légalité de l'arrêté du 13 août 2004 en tant qu'il modifie le prix du REBIF 44 µg :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 162 ;16 ;4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors en vigueur : « Le prix de vente au public de chacun des médicaments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 162 ;17 est fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le comité économique des produits de santé conformément à l'article L. 162 ;17 ;4 ou, à défaut, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie, après avis du comité » ; que l'article L. 162 ;17 ;4 du même code dispose que : « En application des orientations qu'il reçoit annuellement des ministres compétents, le comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises ou groupes d'entreprises des conventions d'une durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés au premier alinéa de l'article L. 162 ;17. Ces conventions (…) déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise, et notamment : /1° Le prix de ces médicaments et, le cas échéant, l'évolution de ces prix, notamment en fonction des volumes de vente (…) » ; qu'il ressort des visas de l'arrêté attaqué que, pour modifier le prix du REBIF 44 µg, les ministres se sont fondés sur les dispositions des articles L. 162 ;16 ;4, L. 162 ;17 ;4 et L. 162 ;38 du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'une convention conclue entre le comité économique des produits de santé et une entreprise qui exploite un médicament fixe le prix de ce médicament en application des dispositions précitées des articles L. 162 ;16 ;4 et L. 161 ;17 ;4 du code de la sécurité sociale, les dispositions de l'article L. 162 ;38 du même code aux termes desquelles « les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale peuvent fixer par arrêté les prix et les marges des produits (…) pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale » ne s'appliquent pas pour la fixation du prix de cette spécialité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du septième alinéa de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale : « Lorsque les orientations reçues par le comité ne sont pas compatibles avec les conventions précédemment conclues, lorsque l'évolution des dépenses de médicaments n'est manifestement pas compatible avec le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ou en cas d'évolution significative des données scientifiques et épidémiologiques prises en compte pour la conclusion des conventions, le comité demande à l'entreprise concernée de conclure un avenant permettant d'adapter la convention à cette situation. En cas de refus de l'entreprise, le comité peut résilier la convention ou certaines de ses dispositions. Dans ce cas, le comité peut proposer aux ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie de fixer le prix de ces médicaments par arrêté, en application de l'article L. 162 ;16 ;1. » ; qu'aux termes du huitième alinéa du même article : « Lorsqu'une mesure d'interdiction de publicité a été prononcée par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans les conditions prévues à l'article L. 5122 ;9 du code de la santé publique, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent prononcer, après avis du comité économique des produits de santé et après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière à l'encontre de ladite entreprise. » ; enfin, qu'en vertu de l'article R. 163 ;11 de ce code, lorsque le prix d'un médicament a été fixé par arrêté, ainsi que dans les cas mentionnés aux septième et huitième alinéas de l'article L. 162 ;17-4, ce prix peut, à défaut d'accord conventionnel, être modifié par arrêté ; que la modification du prix du REBIF 44 µg décidée par l'arrêté attaqué et qui vise à mettre en oeuvre la clause de révision figurant dans la convention, n'entre dans aucun des cas prévus par les dispositions précitées ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article R. 162 ;20 ;1 du code de la sécurité sociale dispose que, lorsque, comme en l'espèce, l'évolution du prix de vente d'un médicament a été prévue par la convention, le comité économique des produits de santé « s'assure que les conditions d'évolution des prix fixées par la convention sont remplies. A cette fin, l'entreprise adresse les éléments d'information nécessaires (…) » et que le comité « informe l'entreprise (…) s'il considère que lesdites conditions sont remplies. Si elles le sont, le nouveau prix fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel (…) » ; qu'ainsi qu'il a été dit ci ;dessus, la modification du prix du REBIF 44 µg visait à mettre en oeuvre la clause d'évolution du prix de cette spécialité prévue par la convention ; que, dans ces conditions, cette modification ne pouvait intervenir que conformément aux dispositions précitées de l'article R. 162 ;20 ;1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, il appartenait au comité économique des produits de santé, dès lors qu'il avait constaté que les conditions prévues par la convention pour modifier le prix du REBIF 44 µg étaient réunies, de procéder à cette modification par un simple avis publié au Journal officiel, après en avoir préalablement informé l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la modification du prix du REBIF 44 µg en application de la clause conventionnelle ne pouvait légalement intervenir par arrêté interministériel pris après un refus de la SOCIETE SERONO FRANCE, de signer un avenant à la convention modifiant en ce sens ce prix alors au surplus, qu'un tel arrêté met en principe fin à la convention à l'égard de cette spécialité ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté du 13 août 2004 doit être annulé en tant qu'il modifie le prix du REBIF 44 µg ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SOCIETE SERONO FRANCE tendant à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du 13 août 2004 modifiant les prix de spécialités inscrites sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux est annulé en tant qu'il modifie le prix du REBIF 44 µg.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE SERONO FRANCE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SERONO FRANCE, au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 271977
Date de la décision : 09/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2005, n° 271977
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:271977.20051209
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