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09/12/2005 | FRANCE | N°287777

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 décembre 2005, 287777


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par :

1°) Mme Z...DF..., demeurant... ;

2°) Mme CE...EI...-R..., demeurant..., la Ferté-sous-Jouarre ;

3°) M. O...CG..., demeurant... ;

4°) M. BS...BD..., demeurant... ;

5°) M. BE...CQ..., demeurant... ;

6°) Mme CP...DG..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise;

°) M. C...CH..., demeurant... ;

8°) Mme BV...DP..., demeurant... ;

9°) M. DW...-AV...CI..., demeurant dans...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par :

1°) Mme Z...DF..., demeurant... ;

2°) Mme CE...EI...-R..., demeurant..., la Ferté-sous-Jouarre ;

3°) M. O...CG..., demeurant... ;

4°) M. BS...BD..., demeurant... ;

5°) M. BE...CQ..., demeurant... ;

6°) Mme CP...DG..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise;

7°) M. C...CH..., demeurant... ;

8°) Mme BV...DP..., demeurant... ;

9°) M. DW...-AV...CI..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise Hellemmes ;

10°) M. AV...AB..., demeurant... ;

11°) Mme BZ...CJ..., demeurant... ;

12°) Mme CT...AC..., demeurant... ;

13°) Mme DQ...CK..., demeurant... ;

14°) Mme DO...EC..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

15°) Mme Q...-EH...CL..., faisant élection de domicile 12, place du Panthéon, 75231 PARIS CEDEX 05 ;

16°) M. AS...AD..., demeurant... ;

17°) Mlle CN...J..., demeurant... ;

18)° Mme DR...AE..., demeurant... ;

19°) Mme DI...AF..., demeurant... ;

20°) M. CO...AG..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise Saint-Pierre la Palud ;

21°) M. BF...K..., demeurant... ;

22°) M. DW...-AV...AH..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise-Sur-Seine ;

23°) M. AN...AI..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

24°) M. BB...EB..., demeurant... ;

25°) Mme DA...L..., demeurant... ;

26°) M. BZ...AJ..., demeurant... ;

27°) Mme DH...AK..., demeurant... ;

28°) M. BR...DS..., demeurant... ;

29°) M. DW...-EJ...BJ..., faisant élection de domicile, 73 rue des Universités, Domaine Universitaire, BP 47, 38040 Grenoble ;

30°) M. BZ...DU..., demeurant... ;

31°) Mme Q...BK..., demeurant... ;

32°) M. AM...EG..., demeurant... ;

33°) Mme BT...M..., demeurant... ;

34°) M. BY...BL..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise-sous-Bois ;

35°) M. AN...DK..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise

36°) M. D...N..., demeurant... ;

37°) Mme BC...DV..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise Le Perreux-Sur-Marne ;

38°) M. DY...BM..., demeurant... ;

39°) Mme CS...DZ..., demeurant... ;

40°) Mme AZ...BO..., demeurant... ;

41°) M. CQ...ED..., demeurant... ;

42°) M. BY...B..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

43°) M. G...BP..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

44°) Mme DJ...P..., demeurant... ;

45°) Mme CF...BQ..., demeurant... ;

46°) M. AV...CV..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise Villenveuve-d'Ascq ;

47°) M. BZ...EE..., demeurant... ;

48°) M. DW...-EK...DX..., demeurant... ;

49°) M. AA...DT..., demeurant... ;

50°) Mme BH...AQ..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

51°) M. DB...CX..., demeurant... ;

52°) Mme DC...AR..., demeurant... ;

53°) M. AV...BU..., demeurant... ;

54°) M. DM...R..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise La Ferté-sous-Jouarre ;

55°) M. BI...CY..., demeurant... ;

56°) Mme CU...AT..., demeurant... ;

57°) M. A...BW..., demeurant... ;

58°) M. BY...BX..., demeurant... ;

59°) Mme AX...T..., demeurant... ;

60°) Mme CZ...CA..., demeurant... ;

61°) Mme AY...EF..., demeurant,dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise ;

62°) M. DB...DN..., demeurant... ;

63°) Mme DH...U..., demeurant... ;

64°) M. CB...AW..., demeurant... ;

65°) Mme AX...V...-BZ..., demeurant... ;

66°) Mme AO...DD..., demeurant... ;

67°) M. CR...V..., demeurant... ;

68°) M. CB...E..., demeurant... ;

69°) M. DL...DE..., demeurant... ;

70°) M. W...X..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise-Alfort ;

71°) Mme CW...Y..., demeurant à dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admiseSaint-Nicolas de la Baerme ;

72°) M. AL...CD..., demeurant... ;

73°) M. AU...BA..., demeurant... ;

74°) M. BB...EA..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise-sur-Somme ;

Mme DF...et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

- à titre principal, d'ordonner la suspension de l'état d'urgence déclaré par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 et prorogé par la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 ainsi que par voie de conséquence du décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, ou à défaut, d'enjoindre au Président de la République de prendre, dans un délai de trois jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, un décret mettant fin à l'état d'urgence ;

- à titre subsidiaire, d'enjoindre au Président de la République, dans le même délai que ci-dessus, de procéder à un réexamen des circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'état d'urgence pour déterminer si celui-ci doit être maintenu ;

les requérants exposent, par l'intermédiaire de l'un d'eux, M. CR...V..., agissant comme mandataire unique, qu'un décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 a déclaré l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire métropolitain ; qu'un décret n° 2005-1387 du même jour a décidé que certaines des dispositions de la loi du 3 avril 1955 permettant de renforcer l'état d'urgence dans des zones délimitées à cet effet recevraient également application ; que la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 a prorogé l'état d'urgence pour une durée de trois mois, tout en habilitant le chef de l'Etat à y mettre fin par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai ; que dès lors qu'il est patent qu'aujourd'hui, les conditions ne sont plus réunies pour que l'état d'urgence soit maintenu les requérants sont conduits à saisir le juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les conditions posées par ce texte sont remplies ; qu'il en va ainsi tout d'abord, de la condition d'urgence au motif que le rétablissement de l'ordre normal des libertés publiques est par définition urgent dès l'instant où il n'y a plus lieu de maintenir un régime d'exception ; qu'au demeurant, l'urgence est constituée dès lors que la décision critiquée est susceptible de faire l'objet de mesures d'application ; que le maintien de l'état d'urgence porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales au motif que sont susceptibles d'être restreintes notamment, la liberté d'aller et venir, la liberté de réunion et l'inviolabilité du domicile ; que cette atteinte est à la fois grave et manifestement illégale ; que la gravité résulte de ce que l'état d'urgence est un régime d'exception particulièrement rigoureux ; qu'il l'est davantage que celui de l'état de siège ; que, pour sa mise en oeuvre, il confie aux autorités publiques un pouvoir d'exécution d'office ; qu'il crée une incrimination spécifique pouvant conduire à une condamnation à une peine d'emprisonnement de deux mois en cas de méconnaissance d'une prohibition instituée en application de la loi du 3 avril 1955 ; que l'atteinte aux libertés fondamentales est " manifestement illégale " en fonction de trois ordres de considérations ; qu'en premier lieu, les troubles à l'ordre public qui avaient justifié l'instauration initiale de l'état d'urgence ont complètement cessé tant et si bien que la condition posée par l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, laquelle n'autorise la déclaration de l'état d'urgence qu'en cas de " péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ", a cessé d'être remplie ; qu'en deuxième lieu, c'est en vain que pourrait être invoqué le pouvoir d'appréciation dont dispose le Président de la République dans la mesure où la situation de fait montre que ne se trouvent caractérisés aucun péril non plus qu'aucune atteinte à l'ordre public, autres que ceux existant dans les circonstances les plus courantes ; qu'est ainsi en cause, non un pouvoir d'appréciation mais le champ d'application du texte ; qu'en troisième lieu, le maintien de l'état d'urgence est contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à cet égard, le maintien en vigueur de l'ensemble des pouvoirs définis par la loi du 3 avril 1955 emporte une violation directe des droits contenus dans la convention qu'il s'agisse de l'article 8, en ce qui concerne l'inviolabilité du domicile, de l'article 10, en ce qui concerne la liberté d'expression, et de l'article 11, en ce qui concerne la liberté de réunion ; qu'il s'ensuit qu'en ne mettant pas fin à l'état d'urgence, alors qu'aucune circonstance de fait ne justifie son maintien, l'Etat français suspend, sans justification, l'application de l'essentiel de la convention sur le territoire métropolitain ; que cette suspension ne peut trouver de fondement dans les stipulations de l'article 15 de cette convention dès lors que les conditions posées par cet article ne sont pas réunies ; qu'à la vérité, il pourrait même être décidé par le juge du référé liberté que la loi de prorogation de l'état d'urgence était, dès son adoption, ou compte tenu de l'évolution des circonstances de fait, contraire à l'article 15 de la convention ;

Vu la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et en particulier son article 3 dont il est demandé au juge des référés du Conseil d'Etat de prescrire la mise en oeuvre ;

Vu, enregistré le 6 décembre 2005, le mémoire en intervention présenté par " Les Verts ", parti politique constitué sous le régime de la loi du 11 mars 1988, dont le siège est 247 rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris, agissant poursuites et diligences de son secrétaire national ; il justifie son intérêt à intervenir au soutien de la requête par le double motif, qu'en tant que personne morale il peut être atteint par les mesures que l'état d'urgence permet d'édicter et que la prolongation de l'état d'urgence porte atteinte à des intérêts dont il a vocation par ses statuts à assurer la protection ; il s'associe aux moyens et conclusions de la requête ;

Vu, enregistré le 7 décembre 2005, le mémoire en intervention présenté par M. H..., Georges, AndréAP..., avocat au barreau de Paris, demeurant... ; il relève que les dispositions relatives à l'état d'urgence, qui sont susceptibles d'application sur l'ensemble du territoire métropolitain, mettent en jeu des libertés fondamentales, sans que les mesures autorisées soient proportionnées au regard des objectifs à atteindre ; que, pour ces raisons, il s'associe aux moyens de la requête ;

Vu, enregistré le 7 décembre 2005, le mémoire en intervention présenté par M. A... CC...demeurant..., qui reprend les conclusions et les moyens de la requête ;

Vu, enregistré le 6 décembre 2005, le mémoire en intervention présenté par M. F... CM..., demeurant..., qui reprend les conclusions et moyens de la requête ;

Vu, enregistré le 8 décembre 2005 le mémoire en intervention présenté par M. BN... BG..., demeurant dans un département qui a connu des violences urbaines auxquelles le régime de l'état d'urgence a pour but de mettre un terme, il justifie d'un intérêt pour que son intervention soit admise-Laffitte qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'en sa qualité de citoyen et de magistrat nommé par décret du 17 janvier 1978 il justifie d'un droit à intervention analogue à celui qui avait été reconnu à M. I... S...dans l'instance n° 286835 ;

Vu, enregistré le 8 décembre 2005 le mémoire en défense présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir liminairement que les conclusions présentées, à titre principal, par les requérants sont irrecevables au motif qu'il est demandé au juge des référés de prescrire une mesure qui excède sa compétence ; qu'en effet, l'injonction sollicitée aurait la même portée que celle qui résulterait de l'annulation du refus du Président de la République de prendre le décret mettant un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne pouvait légalement s'abstenir de le prendre, alors que le juge des référés ne peut ordonner que des mesures à caractère provisoire sans être habilité à prescrire des mesures qui présenteraient des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant pour défaut de base légale une décision administrative ; que seules les conclusions présentées à titre subsidiaire sont recevables ; qu'elles ne sont pas fondées faute que soit démontré que le maintien du régime de l'état d'urgence a perdu toute justification, alors qu'il ne s'est écoulé qu'un délai de trois semaines après la promulgation de la loi qui l'a prorogé pour trois mois ; qu'au regard de l'intensité des violences que la métropole a connues, de leur ampleur et de la rapidité de leur propagation, il serait inexact d'affirmer qu'elles sont désormais apaisées et que la France est à l'abri d'une résurgence ; qu'en outre, les violences n'ont pas disparu puisque chaque nuit, entre 40 et 60 véhicules sont encore incendiés ; que le caractère inédit des événements récents doit conduire à la plus grande prudence à l'approche des fêtes de fin d'année ; que la tension actuelle perdure dans de nombreux secteurs urbains ; que le risque d'atteinte à l'ordre public est renforcé par les caractéristiques propres aux violences urbaines qui se sont manifestées par des troubles sans revendications particulières et se sont étendues, dans le temps et dans l'espace, par un phénomène d'émulation ; qu'en tout état de cause, il a été fait jusqu'ici une application de l'état d'urgence proportionnée à la nature particulière des événements qui ont justifié son instauration ; que même s'il a été jugé souhaitable de porter à la connaissance du secrétaire général du Conseil de l'Europe la mise en oeuvre de l'état d'urgence, dans les conditions prévues à l'article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il apparaît que, compte tenu de l'usage qui a été fait des mesures autorisées par le législateur, il n'y a pas eu dérogation à ce même article ; qu'enfin, l'intention du Gouvernement est de procéder à un nouvel examen de la situation dès le mois de janvier 2006, au vu des conditions dans lesquelles se sera déroulée la période des fêtes de fin d'année ;

Vu, enregistré le 8 décembre 2005, le mémoire par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête en faisant siennes les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 5, 13, 34, 36 et 66 ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention et des déclarations et réserves ;

Vu la loi n° 55- 385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence modifiée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 et l'ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article préliminaire ;

Vu le décret n° 55-493 du 10 mai 1955 pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, complété par le décret n° 55-923 du 7 juillet 1955 ;

Vu le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

Vu le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 relatif à l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 521-2 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le mandataire unique des requérants, d'autre part, le Premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 8 décembre 2005 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- M. CR...V...en sa qualité de mandataire des requérants ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

- le représentant du Premier ministre ;

Vu la note en délibéré produite le 8 décembre 2005 par le mandataire des requérants ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale... " ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, à titre principal, d'ordonner la suspension de l'état d'urgence ou, à défaut, d'enjoindre au Président de la République de prendre un décret mettant fin, avant l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article 1er de la loi du 18 novembre 2005 susvisée, à la déclaration de l'état d'urgence décidée initialement par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 et dont certaines modalités de mise en oeuvre ont été définies par le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire aux conclusions présentées à titre principal :

Considérant que si, pour le cas où l'ensemble des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire " toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ", de telles mesures doivent, ainsi que l'impose l'article L. 511-1 du même code, présenter un " caractère provisoire " ; qu'il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant pour défaut de base légale une telle décision ;

Considérant que les mesures de suspension et d'injonction qu'il est demandé, à titre principal, au juge des référés de prescrire, auraient la même portée que l'obligation qui pèserait sur l'autorité administrative à la suite d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux annulant le refus du Président de la République de mettre un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne peut légalement s'abstenir de prendre un décret en ce sens ; que, pour les motifs précédemment indiqués, le prononcé des mesures demandées à titre principal par les requérants, qui n'ont pas un caractère provisoire à la différence de la mesure demandée par la voie de conclusions présentées à titre subsidiaire, excède la compétence du juge des référés ; qu'en conséquence, les conclusions formulées à titre principal ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de M. ED... :

Considérant que si large que puisse être l'intérêt à contester devant le juge administratif les mesures décidant de faire application à un territoire déterminé du régime de l'état d'urgence ainsi que les décisions ultérieures ayant une incidence sur le maintien en vigueur de ce régime, une personne qui, à la date de la saisine du juge, ne réside pas habituellement à l'intérieur de la zone géographique d'application des dispositions relatives à l'état d'urgence, ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour en contester le maintien en vigueur ; qu'il suit de là que M. ED..., professeur à l'Université de Paris Sud, en position de détachement à l'étranger pour une durée excédant la date d'effet de l'état d'urgence prévue par la loi, ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour saisir, en l'espèce, le juge des référés du Conseil d'Etat ;

Sur l'intervention présentée par M. AP... :

Considérant que pour être recevable, une intervention doit contenir des conclusions ; que dans le mémoire en intervention qu'il a présenté, M. AP... s'est borné à faire siens les moyens de la requête, sans s'associer, avant que l'instruction ne soit close, aux conclusions du pourvoi ; que son intervention ne peut, pour ce motif, être admise ;

Sur les interventions présentées par " Les Verts ", M. CC...et M. CM... :

Considérant que le parti politique " Les Verts ", de même que M.M. CC...etCM..., justifient, chacun en ce qui le concerne, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête ; qu'ainsi, leurs interventions respectives doivent être admises ;

Sur l'intervention présentée en défense par M. BG... :

Considérant qu'eu égard à la circonstance que M. BG... a la qualité de " citoyen " domicilié... ;

Sur le bien-fondé des conclusions présentées à titre subsidiaire par les requérants tendant qu'il soit enjoint au Président de la République de procéder à un réexamen de la situation :

Considérant que n'est en cause devant le juge des référés du Conseil d'Etat, ni le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 qui a déclaré l'état d'urgence à compter du 9 novembre à zéro heure et prévu, dans son principe, l'application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relatif au pouvoir de perquisition dévolu au ministre de l'intérieur et au préfet, ni le décret n° 2005-1387 pris le même jour que le précédent qui, dans la limite de la circonscription territoriale métropolitaine ayant fait l'objet de la déclaration d'état d'urgence, a défini des zones à l'intérieur desquelles s'appliquent des mesures venant compléter celles découlant de la déclaration d'état d'urgence ; que les requérants fondent leur action sur l'intervention de la loi du 18 novembre 2005 qui, après avoir, par son article 1er, prorogé l'état d'urgence " pour une période de trois mois à compter du 21 novembre 2005 " et précisé dans son article 2, qu'il emporte, pour sa durée, application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, énonce en son article 3 qu'" il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai ", tout en spécifiant qu'" en ce cas, il en est rendu compte au Parlement " ;

Considérant que pour critiquer le maintien en vigueur de l'état d'urgence, les requérants invitent le juge des référés à écarter l'application de la loi du 18 novembre 2005 en tant qu'elle a décidé la prorogation de ce régime d'exception en méconnaissance des engagements internationaux de la France et soutiennent que de toute façon, en s'abstenant de mettre un terme à l'état d'urgence conformément aux prévisions de l'article 3 de cette loi, le Président de la République a porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, atteinte à laquelle il incombe au juge des référés de remédier ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inconventionnalité des articles 1er et 2 de la loi du 18 novembre 2005 :

Considérant que les requérants, tout en relevant que, conformément à la réserve formulée par la France lors du dépôt de son instrument de ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les circonstances énumérées par l'article 1er de la loi du 3 avril 1955 pour la déclaration de l'état d'urgence " doivent être comprises comme correspondant à l'objet de l'article 15 " de ladite convention, font valoir que la loi de prorogation n'en est pas moins contraire aux stipulations de cet article au motif qu'aucun " cas de danger public menaçant la vie de la nation " ne justifie le maintien en vigueur de l'état d'urgence ;

Considérant toutefois, qu'eu égard à l'office du juge des référés, un moyen tiré de la contrariété de la loi à des engagements internationaux n'est pas, en l'absence d'une décision juridictionnelle ayant statué en ce sens, rendue soit par le juge saisi au principal, soit par le juge compétent à titre préjudiciel, susceptible d'être pris en considération ; qu'au demeurant, ainsi qu'il a été indiqué lors de l'audience de référé, le Gouvernement a, compte tenu des stipulations du paragraphe 3 de l'article 15 de la convention, informé des mesures prises au titre de l'état d'urgence et des motifs qui les ont inspirées, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe ; que ce dernier en a pris acte ;

En ce qui concerne le refus, à ce jour, de mettre un terme à l'état d'urgence :

Considérant qu'en décidant de proroger par la loi du 18 novembre 2005 la déclaration de l'état d'urgence pour une période de trois mois à compter du 21 novembre, le législateur a nécessairement estimé qu'à la date de promulgation de ce texte, les conditions mises par l'article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 à l'édiction de ce régime législatif de pouvoirs exceptionnels se trouvaient réunies ; qu'en maintenant, pour cette durée, l'application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 qui, comme il a été dit, autorise le recours à des perquisitions, il a pareillement considéré qu'à la date d'intervention de la décision de prorogation, une telle mesure s'avérait nécessaire ; qu'il ressort des débats qui ont précédé l'adoption de la loi que le Parlement a entendu ouvrir aux autorités administratives et judiciaires les pouvoirs étendus prévus par la loi du 3 avril 1955, sans pour autant soustraire leur usage effectif au contrôle des juridictions compétentes ; que le parti adopté sur ces différents points par le législateur s'impose au juge administratif, auquel il n'appartient pas d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été précédemment indiqué, l'article 3 de la loi prévoit cependant qu'il peut être mis fin à l'état d'urgence " par décret en conseil des ministres " avant l'expiration du délai de trois mois ; que le silence de la loi sur les conditions de mise en oeuvre de la faculté ainsi reconnue au Président de la République ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu'un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l'espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en oeuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité ;

Considérant en l'espèce, qu'en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l'éventualité de leur recrudescence à l'occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu'en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l'état d'urgence, le chef de l'Etat aurait, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d'une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence, ont sensiblement évolué ;

Considérant que dans la mesure où les conditions exigées pour la mise en oeuvre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ont un caractère cumulatif et où la condition tirée du caractère manifeste de l'illégalité dénoncée par les requérants fait défaut, les conclusions présentées à titre subsidiaire doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Les interventions au soutien de la requête du parti " Les Verts ", de M. A... CC...et de M. F... CM...sont admises.

Article 2 : L'intervention en défense de M. BN... BG...est admise.

Article 3 : L'intervention de M. H... AP...n'est pas admise.

Article 4 : La requête de Mme Z...DF...et autres est rejetée.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. CR... V..., mandataire unique des requérants, au parti " Les Verts ", à M. A... CC..., à M. F... CM..., à M. BN... BG..., à M. H... AP..., au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 287777
Date de la décision : 09/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POLICE - AGGRAVATION EXCEPTIONNELLE DES POUVOIRS DE POLICE - ÉTAT D'URGENCE - A) DEMANDE TENDANT À LA SUSPENSION DE L'ÉTAT D'URGENCE - COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS (ART - L - 521-2 DU CJA) - EXCLUSION - MESURES DE SUSPENSION DE L'ÉTAT D'URGENCE OU D'INJONCTION D'Y METTRE FIN - INCLUSION - MESURE D'INJONCTION DE RÉEXAMINER LES CIRCONSTANCES DE FAIT ET DE DROIT AYANT DONNÉ LIEU À LA MISE EN OEUVRE DE L'ÉTAT D'URGENCE - B) MISE EN OEUVRE DES POUVOIRS PRÉVUS PAR LA LOI DU 3 AVRIL 1955 - EXISTENCE D'UN CONTRÔLE DE L'USAGE EFFECTIF DE CES POUVOIRS PAR LES JURIDICTIONS COMPÉTENTES - C) MODALITÉS D'EXERCICE DU POUVOIR DE METTRE UN TERME À L'ÉTAT D'URGENCE (ART - 3 DE LA LOI DU 18 NOVEMBRE 2005) - 1) EXISTENCE D'UN CONTRÔLE DE LA PART DU JUGE DE LA LÉGALITÉ - 2) CONTRÔLE DE L'APPRÉCIATION PORTÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN L'ESPÈCE - ABSENCE D'ILLÉGALITÉ MANIFESTE À NE PAS AVOIR MIS FIN À L'ÉTAT D'URGENCE.

49-06-01 a) Les mesures de suspension de l'état d'urgence et d'injonction au Président de la République d'y mettre fin, qu'il est demandé au juge des référés de prescrire sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, auraient la même portée que l'obligation qui pèserait sur l'autorité administrative à la suite d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux annulant le refus du Président de la République de mettre un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne peut légalement s'abstenir de prendre un décret en ce sens. Le prononcé de telles mesures, qui n'ont pas un caractère provisoire à la différence d'une mesure enjoignant au Président de la République de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'état d'urgence, excède la compétence du juge des référés.,,b) Il ressort des débats qui ont précédé l'adoption de la loi du 18 novembre 2005 que le Parlement a entendu ouvrir aux autorités administratives et judiciaires les pouvoirs étendus prévus par la loi du 3 avril 1955, sans pour autant soustraire leur usage effectif au contrôle des juridictions compétentes.,,c) 1) Le silence de la loi sur les conditions de mise en oeuvre de la faculté reconnue au Président de la République de mettre fin à l'état d'urgence par décret en conseil des ministres ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu'un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l'espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en oeuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité.,,2) En l'espèce, en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l'éventualité de leur recrudescence à l'occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu'en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l'état d'urgence, le chef de l'Etat aurait, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d'une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence ont sensiblement évolué.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE MESURES NÉCESSAIRES À LA SAUVEGARDE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE (ART - L - 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA MESURE DEMANDÉE - ATTEINTE GRAVE ET MANIFESTEMENT ILLÉGALE À UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE - ATTEINTE GRAVE ET MANIFESTEMENT ILLÉGALE - ABSENCE À LA DATE OÙ LE JUGE DES RÉFÉRÉS A STATUÉ - DÉCISION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE NE PAS METTRE FIN À L'ÉTAT D'URGENCE AU VU D'UN RÉEXAMEN DES CONDITIONS AYANT JUSTIFIÉ SA MISE EN OEUVRE (ART - 3 DE LA LOI DU 18 NOVEMBRE 2005).

54-035-03-03-01-02 Le silence de la loi sur les conditions de mise en oeuvre de la faculté reconnue au Président de la République de mettre fin à l'état d'urgence par décret en conseil des ministres ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu'un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l'espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en oeuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité. En l'espèce, en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l'éventualité de leur recrudescence à l'occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu'en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l'état d'urgence, le chef de l'Etat aurait, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d'une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence ont sensiblement évolué.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE MESURES NÉCESSAIRES À LA SAUVEGARDE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE (ART - L - 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - MESURES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ORDONNÉES PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS - MESURES À CARACTÈRE PROVISOIRE - A) PRINCIPE - EXCLUSION - ANNULATION D'UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE OU MESURES DONT LES EFFETS SERAIENT EN TOUS POINTS IDENTIQUES - B) APPLICATION - EXCLUSION DES MESURES DE SUSPENSION DE L'ÉTAT D'URGENCE OU D'INJONCTION D'Y METTRE FIN - INCLUSION DE L'INJONCTION DE RÉEXAMINER LES CIRCONSTANCES DE FAIT ET DE DROIT AYANT DONNÉ LIEU À LA MISE EN OEUVRE DE L'ÉTAT D'URGENCE.

54-035-03-04-01 a) Si, pour le cas où l'ensemble des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale », de telles mesures doivent, ainsi que l'impose l'article L. 511-1 du même code, présenter un « caractère provisoire ». Il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant pour défaut de base légale une telle décision.,,b) Les mesures de suspension de l'état d'urgence et d'injonction au Président de la République de suspendre l'état d'urgence qu'il est demandé au juge des référés de prescrire auraient la même portée que l'obligation qui pèserait sur l'autorité administrative à la suite d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux annulant le refus du Président de la République de mettre un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne peut légalement s'abstenir de prendre un décret en ce sens. Pour les motifs précédemment indiqués, le prononcé de telles mesures, qui n'ont pas un caractère provisoire à la différence d'une mesure enjoignant au Président de la République de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'état d'urgence, excède la compétence du juge des référés.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2005, n° 287777
Publié au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:287777.20051209
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