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14/12/2005 | FRANCE | N°266377

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 14 décembre 2005, 266377


Vu l'ordonnance du 29 mars 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 avril 2004, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris, transmet, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par M. Jean-Noël X, demeurant ... ;

Vu la requête présentée le 15 mars 2004 par M. X contre l'ordonnance du 8 mars 2004 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugemen

t du 2 juillet 2003, par lequel le tribunal administratif de Melun, ...

Vu l'ordonnance du 29 mars 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 avril 2004, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris, transmet, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par M. Jean-Noël X, demeurant ... ;

Vu la requête présentée le 15 mars 2004 par M. X contre l'ordonnance du 8 mars 2004 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 juillet 2003, par lequel le tribunal administratif de Melun, d'une part, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2000 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie suspendant le versement de son allocation temporaire d'invalidité, d'autre part, n'a fait droit que partiellement à ses conclusions tendant ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser les arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 3 mars 1998, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 1998 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 12 janvier 2005 au secrétariat du contentieux, présenté par M. X ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 8 mars 2004 précitée du président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 26 mai 2000 et de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de son allocation temporaire d'invalidité à compter du 3 mars 1998, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 1998 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SCP Delaporte, Briard et Trichet, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 26 mai 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu le versement de l'allocation temporaire d'invalidité dont bénéficiait M. X, au motif de la commission par ce dernier de vols et de diverses malversations dans l'exercice de ses fonctions ; que, par un jugement du 2 juillet 2003, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de celui-ci tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2000 et n'a fait droit que partiellement à ses conclusions tendant ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser les arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 3 mars 1998, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 1998 ; que, par une ordonnance du 8 mars 2004, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. X tendant à l'annulation de ce jugement, que celui-ci se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction issue du décret du 14 juin 2001 : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est lui-même interrompu lorsque la demande de nouvelle délibération ou le recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 sont régulièrement formés par l'intéressé. / Le délai alors imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la nouvelle délibération du bureau ou de la décision prise sur le recours, ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X a régulièrement présenté le 2 octobre 2003 une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en appel devant la cour administrative d'appel de Paris contre le jugement du 2 juillet 2003, notifié le 23 septembre 2003, du tribunal administratif de Melun ; que par une première décision du 13 novembre 2003, dont M. X a reçu notification le 2 décembre 2003, le bureau d'aide juridictionnelle établi auprès du Conseil d'Etat a refusé l'aide juridictionnelle sollicitée ; qu'à la suite de la demande de M. X en date du 2 décembre 2003, d'une nouvelle délibération du bureau d'aide juridictionnelle, ce dernier, par une nouvelle décision du 11 décembre 2003, notifiée à l'intéressé le 13 avril 2004, lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que l'avocat de M. X a été désigné par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 avril 2004 ; qu'en application du deuxième paragraphe de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 précité, le dépôt du pourvoi ou des mémoires pouvait être effectué dans le délai courant à compter de la notification de cette décision de désignation ; que, dès lors, en jugeant que, au regard du délai déclenché par la notification de la première décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 novembre 2003, notifiée à l'intéressé le 2 décembre 2003, la requête d'appel n'avait pas été motivée dans le délai du recours contentieux, alors que, d'une part, à la date de l'ordonnance attaquée, le bureau d'aide juridictionnelle n'avait pas encore statué sur la demande de nouvelle délibération, de sorte que le délai prévu au deuxième paragraphe du décret du 19 décembre 1991 précité n'avait pas commencé à courir et que, d'autre part, M. X avait informé la cour de sa demande de nouvelle délibération, par un courrier du 2 décembre 2003, enregistré au greffe de la cour le 3 décembre 2003, la cour a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la légalité de la décision du 26 mai 2000 suspendant le versement de l'allocation temporaire d'invalidité :

Considérant, en premier lieu, que, si le premier alinéa de l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont les dispositions étaient applicables à la date des faits, dispose que : Le droit à (...) la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est également suspendue à l'égard de tout bénéficiaire du présent code qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office, le sixième alinéa de cet article prévoit que la même disposition est applicable, pour des faits qui auraient été de nature à entraîner la révocation ou la mise à la retraite d'office, lorsque les faits sont révélés ou qualifiés après la cessation de l'activité ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a été radié des cadres, par arrêté du ministre de l'intérieur du 25 mars 1997, à la suite de la condamnation pénale prononcée à son encontre le 6 décembre 1996 par le tribunal de grande instance de Paris ; que, postérieurement à cette décision, lors de sa séance du 23 septembre 1997, le conseil de discipline a qualifié les mêmes faits et émis l'avis qu'ils entraient dans le champ d'application de l'article L. 59 précité ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pouvait légalement, par son arrêté du 26 mai 2000, décider de suspendre l'allocation temporaire d'invalidité du requérant, sur le fondement de l'article L. 59 précité ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 55 du même code prévoit que la pension et la rente viagère d'invalidité peuvent être révisées ou supprimées en cas d'erreur matérielle ou d'erreur de droit ; que, toutefois, l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté contesté, soumet l'allocation temporaire d'invalidité, en matière de contentieux, aux règles applicables aux pensions et prévoit qu' elle fait l'objet, éventuellement, des suspensions et déchéances prévues aux articles L. 58 et L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée aurait méconnu les dispositions de l'article L. 55, au motif que les faits qui lui étaient reprochés n'entraient pas au nombre des cas de révision ou de suppression de l'allocation temporaire d'invalidité mentionnés à cet article ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant, d'une part, que la décision en date du 26 mai 2000 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu le versement de l'allocation temporaire d'invalidité de M. X, n'a porté, par elle-même aucune atteinte à la vie privée de celui-ci ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la suspension de l'allocation temporaire d'invalidité de M. X ait eu pour effet de le priver de toute ressource ; que, dès lors, cette mesure ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de ses biens, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

Sur les conclusions à fins de condamnation de l'administration à verser au requérant l'allocation temporaire d'invalidité :

Considérant que par le jugement du 2 juillet 2003, le président du tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à payer à M. X l'allocation temporaire d'invalidité pour la période allant du 3 mars 1998 à la date de notification de l'arrêté du 26 mai 2000 suspendant le versement de cette allocation ; qu'ainsi, la demande de M. X doit être regardée comme tendant au versement de l'allocation à compter du 22 juin 2000, date de la notification de cet arrêté :

Considérant qu'au soutien des conclusions sus-analysées, M. X se borne, sans présenter aucun moyen d'appel, à se référer aux moyens qu'il avait présentés devant le tribunal administratif et auxquels celui-ci a répondu ; qu'il y a lieu, par suite, par adoption des motifs retenus par le premier juge, de rejeter ces conclusions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2000 et n'a fait droit à ses conclusions concernant le versement des arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité que pour la période allant du 3 mars 1998 à la date de notification de l'arrêté du 26 mai 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que demande M. X, en faveur de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 8 mars 2004 du président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.

Article 2 : La requête d'appel de M. X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Noël X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 déc. 2005, n° 266377
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 14/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 266377
Numéro NOR : CETATEXT000008242108 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-12-14;266377 ?
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