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14/12/2005 | FRANCE | N°275185

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 14 décembre 2005, 275185


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. José Ramon X, détenu à la Maison d'Arrêt Hommes, ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 30 janvier 2004 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités espagnoles en vue de l'exécution d'un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement délivré le 7 mai 2001 par le juge au tribunal d'instruction n° 6 de l'Audience nationale de Madrid pour des faits d'appartenance à un groupe

terroriste et de collaboration à un groupe terroriste ;

2°) de mettre à ...

Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. José Ramon X, détenu à la Maison d'Arrêt Hommes, ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 30 janvier 2004 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités espagnoles en vue de l'exécution d'un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement délivré le 7 mai 2001 par le juge au tribunal d'instruction n° 6 de l'Audience nationale de Madrid pour des faits d'appartenance à un groupe terroriste et de collaboration à un groupe terroriste ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 13, 21 et 55 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1958, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la loi n° 79 ;587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu la loi n° 2004 ;204 du 9 mars 2004 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Ricard, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe :

Considérant que le partage des compétences entre le Président de la République et le Premier ministre, tel qu'il résulte des articles 13 et 21 de la Constitution du 4 octobre 1958, a pour effet de rendre inapplicables les dispositions de l'article 18 de la loi du 10 mars 1927, qui donnaient compétence au Président de la République pour signer les décrets d'extradition ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que le décret du 30 janvier 2004, pris par le Premier ministre, accordant son extradition aux autorités espagnoles serait entaché d'incompétence ;

Considérant qu'il ressort des mentions d'une ampliation certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que l'ampliation notifiée à M. X n'avait pas à être revêtue de ces signatures ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'incompétence ou de vice de forme ;

Considérant que le décret attaqué vise la demande d'extradition présentée par les autorités espagnoles et l'avis émis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, indique les faits reprochés à M. X, énonce que ces faits répondent aux exigences de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, sont punissables en droit français, ne sont pas prescrits et n'ont pas un caractère politique et, enfin, que la demande d'extradition n'a pas été présentée aux fins de poursuivre l'intéressé en raison de ses opinions politiques ; qu'ainsi, il satisfait aux exigences de motivation posées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : « Il sera produit à l'appui de la requête : a) L'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante ; b) Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiqués le plus exactement possible ; et c) Une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé ou tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition était accompagnée de toutes les pièces requises par ces stipulations ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant que, si la loi du 10 mars 1927, alors applicable, prévoit en son article 5, désormais repris à l'article 696 du code de procédure pénale, que l'extradition n'est pas accordée pour un crime ou un délit commis en France, ces dispositions ne sauraient prévaloir sur les stipulations de la convention européenne d'extradition, qui a une autorité supérieure à celle de la loi en vertu des prescriptions de l'article 55 de la Constitution et qui était applicable à la date du décret attaqué ; que l'article 7 de cette convention, aux termes duquel « la Partie requise pourra refuser d'extrader l'individu réclamé à raison d'une infraction qui, selon sa législation, a été commise en tout ou en partie sur son territoire », implique que les autorités d'un Etat signataire de cette convention puissent accorder l'extradition d'un étranger pour des faits commis sur le territoire de cet Etat ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Gouvernement ait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de cette faculté de refus concernant l'extradition de M. X pour des faits de maniement d'armes et d'explosifs ainsi que de vol de véhicule commis en France ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la même convention : « Une partie requise pourra refuser d'extrader un individu réclamé si cet individu fait l'objet de sa part de poursuites pour le ou les faits à raison desquels l'extradition est demandée » ; que cette stipulation ne revêt pas de caractère impératif et ne faisait dès lors pas obstacle à ce que le Gouvernement français décidât, dans le cas de l'espèce, d'accorder l'extradition demandée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : « L'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction (…) ; La même règle s'appliquera si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons » ; que la circonstance que les infractions reprochées à M. X, qui ne constituent pas des infractions politiques par leur nature, auraient été commises dans le cadre d'une lutte pour « l'indépendance du pays basque » ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire regarder comme ayant un caractère politique ; que l'intéressé ne démontre pas que sa situation serait aggravée s'il était jugé en Espagne plutôt qu'en France ; qu'ainsi, le décret attaqué ne méconnaît pas les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 30 janvier 2004 accordant son extradition aux autorités espagnoles ni, par voie de conséquence, à demander l'application à son profit des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. José Ramon X et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 275185
Date de la décision : 14/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2005, n° 275185
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:275185.20051214
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