La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2005 | FRANCE | N°286593

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 décembre 2005, 286593


Vu 1°, sous le n° 286593, la requête, enregistrée le 2 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fondation HECTOR OTTO, dont le siège est 12, rue Princesse Florestine en Principauté de Monaco ; la fondation HECTOR OTTO demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :

1°) de mettre fin à la suspension du décret du Premier ministre du 22 mars 2005 autorisant l'exécution en France du legs consenti à la requérante par Mme Suzanne DA, veuve A, prononcée, à la de

mande de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA, pa...

Vu 1°, sous le n° 286593, la requête, enregistrée le 2 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fondation HECTOR OTTO, dont le siège est 12, rue Princesse Florestine en Principauté de Monaco ; la fondation HECTOR OTTO demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :

1°) de mettre fin à la suspension du décret du Premier ministre du 22 mars 2005 autorisant l'exécution en France du legs consenti à la requérante par Mme Suzanne DA, veuve A, prononcée, à la demande de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA, par une ordonnance du 12 septembre 2005 ;

2°) de mettre à la charge de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA la somme de 3 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la fondation HECTOR OTTO soutient qu'elle est recevable à demander, en raison d'éléments nouveaux, la suspension de l'ordonnance du 12 septembre 2005 ; que, contrairement à ce qui avait été indiqué au juge des référés, les bijoux de Mme A ont, à la demande de l'administrateur judiciaire de la succession, été vendus dès 2002 ; qu'il y a urgence à faire cesser la suspension prononcée, qui l'empêche de réaliser la résidence pour personnes âgées dans le besoin souhaitée par la testatrice ;

Vu l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 12 septembre 2005 ;

Vu 2°, sous le n° 286594, la requête, enregistrée le 2 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fondation HECTOR OTTO, dont le siège est 12, rue Princesse Florestine en Principauté de Monaco ; la fondation HECTOR OTTO demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'accueillir sa requête en tierce-opposition à l'encontre de l'ordonnance susvisée du 12 septembre 2005 ;

2°) de déclarer cette ordonnance nulle et non avenue ;

3°) de rejeter la requête à fin de suspension présentée par Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA et M. et Mme Gérard CA;

4°) de mettre à la charge de chacun des quatre auteurs de cette requête la somme de 1 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la fondation HECTOR OTTO soutient qu'elle est recevable à faire tierce-opposition à l'ordonnance du 12 septembre 2005, qui a été rendue sans qu'elle ait été mise en cause et qui préjudicie à ses droits ; que le moyen tiré de la méconnaissance de la volonté du testateur ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un décret qui autorise l'acceptation d'un legs ; que, subsidiairement, le décret attaqué prend en compte de manière correcte les codicilles faits en 1994 et 1995 par Mme A à son testament ; que l'administration n'ignorait pas que ces codicilles faisaient l'objet d'un contentieux devant le juge judiciaire ; que l'absence de précision du décret du 22 mars 2005 quant au caractère universel ou particulier du legs fait par cette dernière est sans incidence sur la légalité de ce décret ; que ce décret n'est entaché d'aucune erreur manifeste quant à l'appréciation de la situation respective des parties ; que, dès lors que l'ensemble des biens mobiliers de Mme A avait été vendu, à la demande de l'administrateur judiciaire dès 2002, aucune urgence ne justifiait la suspension ;

Vu, enregistrés le 6 décembre 2005, les mémoires en défense présentés sur les deux requêtes pour Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA et M. et Mme Gérard CA ; ils tendent au rejet des requêtes et à ce que, pour chacune de celles-ci, une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la fondation HECTOR OTTO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que la fondation HECTOR OTTO n'est pas recevable à présenter simultanément une tierce-opposition et une requête fondée sur l'article L. 521-4 du code de justice administrative ; que l'ordonnance du 12 septembre 2005 ne préjudicie pas aux droits de cette fondation dès lors que celle-ci indique avoir perçu le produit de la vente des actifs successoraux situés en France ; que la fondation ne peut se prévaloir d'aucune urgence ; qu'en revanche l'urgence justifie le maintien de la suspension prononcée ; que les éléments de fait produits par la fondation ne conduisent pas à lever le doute sérieux constaté par le juge des référés sur la légalité du décret contesté ; qu'en outre ce décret comporte une erreur et des omissions dans ses visas et des omissions dans ses contreseings ; que le dossier soumis au Conseil d'Etat était incomplet ; que l'administration n'a pas justifié qu'il avait effectivement été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur ;

Vu, enregistrées le 8 décembre 2005, les observations présentées sur les deux requêtes par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qui déclare s'en remettre à la sagesse du juge des référés du Conseil d'Etat ;

Vu, enregistrés le 12 décembre 2005, les mémoires en réplique présentés pour la fondation HECTOR OTTO et les productions complémentaires jointes à ces mémoires le 13 décembre 2005 ; ces mémoires en réplique tendent aux mêmes fins que les requêtes, par les mêmes moyens ; la fondation HECTOR OTTO soutient en outre qu'elle est recevable à présenter simultanément une tierce-opposition et une requête fondée sur l'article L. 521-4 du code de justice administrative ;

Vu, enregistrés le 14 décembre 2005, les nouveaux mémoires présentés pour Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA et M. et Mme Gérard CA ; ils tendent aux mêmes fins que leurs précédents mémoires en défense, par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que les pièces produites en annexe aux mémoires en réplique ont été présentées trop tardivement pour qu'ils soient en mesure d'y répliquer et devraient donc être écartées des débats ;

Vu, enregistrée le 14 décembre 2005, la note en délibéré présentée pour Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA et M. et Mme Gérard CA ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi du 4 février 1901 sur la tutelle administrative en matière de dons et legs, notamment ses articles 7 et 8 ;

Vu le décret n° 66-388 du 13 juin 1966 modifié relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations, notamment son article 3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la fondation HECTOR OTTO et d'autre part, Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA, M. et Mme Gérard CA et le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 14 décembre 2005 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Cossa, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la fondation HECTOR OTTO ;

- les représentants de la fondation ;

- Me Tiffreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA ;

Considérant que les deux requêtes de la fondation HECTOR OTTO présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même ordonnance ;

Sur la recevabilité des requêtes :

Considérant que la fondation HECTOR OTTO n'a pas été mise en cause dans l'instance à l'issue de laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat a, par une ordonnance du 12 septembre 2005, ordonné la suspension du décret du 22 mars 2005 autorisant l'exécution en France du legs consenti par Madame A à cette fondation ; que celle-ci est, par suite, recevable à former tierce-opposition à cette ordonnance, qui préjudicie à ses droits ; que rien ne s'oppose à ce qu'elle introduise simultanément, comme l'article L. 521-4 du code de justice administrative autorise tout intéressé à le faire, une requête tendant, à raison d'un élément nouveau, à ce que le juge des référés modifie les mesures qu'il avait ordonnées ou y mette fin ;

Sur la régularité de la procédure suivie dans le cadre des présentes instances devant le juge des référés du Conseil d'Etat :

Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative dispose : « L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence » ; que, pour l'examen d'une requête présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'instruction de l'affaire se poursuit à l'audience ; que, si la fondation HECTOR OTTO a produit la veille de l'audience diverses pièces à l'appui de ses mémoires en réplique, ces documents ont été communiqués aux autres parties, qui ont été à même de les discuter au cours de l'audience publique ; qu'ainsi la procédure a satisfait aux exigences du débat contradictoire ;

Sur le bien-fondé de la tierce-opposition :

En ce qui concerne le doute sérieux sur la légalité du décret du 22 mars 2005 :

Considérant que la légalité d'un décret autorisant l'exécution d'un legs est subordonnée à la condition que la volonté du testateur n'ait pas été méconnue ; qu'en cas de difficulté sérieuse, il appartient à la seule autorité judiciaire d'interpréter cette volonté ; qu'il incombe en conséquence à l'administration, lorsqu'ainsi qu'il lui appartient de le faire, elle mentionne la consistance du legs dont elle autorise l'exécution et rappelle les charges dont il est assorti, de respecter la volonté du testateur en réservant, le cas échéant, l'issue des contestations portées devant l'autorité judiciaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'autorisation donnée par le décret contesté porte sur le legs tel qu'il résulte du testament olographe établi par Mme A le 15 octobre 1990 ; que, toutefois, il ne mentionne que les deux premières charges dont ce legs était assorti, en omettant la troisième ; que, si la fondation HECTOR OTTO a assuré de son intention de se conformer à cette dernière charge, cette circonstance n'efface pas l'omission dont le décret contesté est entaché sur ce point ; qu'en outre il a été précisé au cours de l'audience publique du 14 décembre 2005 que les codicilles apportés en 1994 et 1995 au testament de Mme A font l'objet d'une procédure d'inscription de faux pendante devant le jugé pénal ; qu'il a enfin été confirmé que le juge civil est saisi de la question de savoir si le legs consenti par Mme A a le caractère d'un legs universel ou d'un legs particulier ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le décret contesté, qui ne comporte aucune réserve relative à l'issue des contentieux en cours devant l'autorité judiciaire, confère au legs dont il autorise l'exécution une portée qui méconnaît la volonté de la testatrice est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ce décret ; que la circonstance, invoquée par la fondation HECTOR OTTO, selon laquelle des poursuites pénales sont en cours à l'égard de M. CA est sans incidence à cet égard ;

En ce qui concerne l'urgence :

Considérant qu'à l'appui de sa requête, la fondation HECTOR OTTO fait valoir que, contrairement à ce qui avait été indiqué au juge des référés au cours de la procédure ayant conduit à l'ordonnance du 12 septembre 2005, les bijoux et les valeurs mobilières qui relèvent de la succession de Mme A ont, à la demande de l'administrateur judiciaire de la succession, été vendus dès 2002 ; que, toutefois, un appartement situé à Paris, qui relève également de cette succession, n'a pas été vendu ; que, même si cet immeuble est contrôlé par une société qui a son siège en Suisse, sa vente paraît, en l'état de l'instruction, subordonnée à l'application du décret contesté ; que les risques d'une vente suivie d'un transfert à l'étranger des fonds qui en seraient retirés sont de nature à constituer une situation d'urgence ; qu'ainsi, et alors même que la suspension du décret contesté fait obstacle à ce que la fondation HECTOR OTTO réalise la résidence pour personnes âgées souhaitée par Mme A, la condition d'urgence est remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'appui de la demande de suspension, que la fondation HECTOR OTTO n'est pas fondée à demander au juge des référés du Conseil d'Etat de déclarer nulle et non avenue l'ordonnance par laquelle il a suspendu l'exécution du décret du 22 mars 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les éléments invoqués par la fondation HECTOR OTTO ne sont pas de nature à justifier qu'il soit mis fin à la suspension prononcée par l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 12 septembre 2005 ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soient mises à la charge de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA, qui ne sont pas, dans la présente affaire, les parties perdantes, les sommes que la fondation HECTOR OTTO demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette fondation les sommes que Mlle Elodie AZ, M. Paul-Léon BA et M. et Mme Gérard CA demandent au même titre ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Les requêtes de la fondation HECTOR OTTO sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de Mlle Elodie AZ, de M. Paul-Léon BA et de M. et Mme Gérard CA tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la fondation HECTOR OTTO, à Mlle Elodie AZ, à M. Paul-Léon BA, à M. et Mme Gérard CA et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 286593
Date de la décision : 16/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2005, n° 286593
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:286593.20051216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award