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16/12/2005 | FRANCE | N°286853

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 16 décembre 2005, 286853


Vu 1°), sous le n° 286853, la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société OM PHARMA, dont le siège est situé, ..., dans le canton de Genève en Suisse, représentée par son président directeur général en exercice ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 3 octobre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

(AFSSAPS) a retiré sous toutes ses présentations, à compter du 24 octobre 2005, ...

Vu 1°), sous le n° 286853, la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société OM PHARMA, dont le siège est situé, ..., dans le canton de Genève en Suisse, représentée par son président directeur général en exercice ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 3 octobre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a retiré sous toutes ses présentations, à compter du 24 octobre 2005, l'autorisation de mise sur le marché octroyée le 24 octobre 1995 à la spécialité pharmaceutique dénommée Imocur enfants, poudre orale en sachet, a ordonné au titulaire de l'autorisation de prendre toutes dispositions pour faire cesser sa délivrance au public et a interdit son exportation ;

- de mettre à la charge de l'Agence la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 286854, la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société OM PHARMA, dont le siège est situé, ..., dans le canton de Genève en Suisse, représentée par son président directeur général en exercice ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 3 octobre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a retiré sous toutes ses présentations, à compter du 24 octobre 2005, l'autorisation de mise sur le marché octroyée le 24 octobre 1995 à la spécialité pharmaceutique dénommée Imocur enfants, gélule, a ordonné au titulaire de l'autorisation de prendre toutes dispositions pour faire cesser sa délivrance au public et a interdit son exportation ;

- de mettre à la charge de l'Agence la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'elle est titulaire du brevet d'invention de la spécialité Imocur enfants et propriétaire de la marque Imocur ; qu'elle fabrique et commercialise les médicaments litigieux en France par l'intermédiaire de la société Zambon France ; que les décisions contestées remettent en cause la survie de la société ; qu'en effet, la spécialité Imocur enfants représente 51% de son chiffre d'affaire ; que les retraits du marché attaqués compromettent définitivement la possibilité d'obtenir l'enregistrement, en France, de spécialités immunostimulantes ; que les décisions litigieuses discréditent les produits Imocur et devraient se traduire par le retrait des autorisations délivrées dans d'autres pays ; que la rentabilité des investissements importants qu'elle a consacré à la fabrication et à la commercialisation d'immunostimulants est remise en cause ; que l'intérêt général tenant à la protection de la santé publique commande la suspension des mesures attaquées ; que la condition d'urgence doit, par suite, être considérée comme remplie ; que plusieurs moyens sont, en l'état de l'instruction, susceptibles de créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions du 3 octobre 2005 ; qu'elle n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire prévue à l'article R. 5121-47 du code de la santé publique et de la règle de l'examen particulier des circonstances ; que l'agence a entaché sa décision de trois erreurs de droit ; qu'en effet, elle s'est estimée liée par l'avis du 4 juillet 2005 du groupe de travail anti-infectieux ; qu'elle n'a pas procédé à une analyse individuelle du rapport bénéfice/risque des spécialités Imocur enfants mais s'est fondée sur des effets indésirables sévères signalés avec des spécialités de la classe des immunostimulants, prise dans son ensemble, ainsi que sur l'analyse globale du profil de tolérance de cette classe de médicaments ; qu'elle a motivé ses décisions par le caractère défavorable du rapport bénéfice/risque des spécialités litigieuses alors qu'aucune donnée nouvelle n'est venue remettre en cause ce rapport depuis le renouvellement des autorisations de mise sur le marché de ces médicaments ; que l'agence a, par ailleurs, inexactement apprécié les faits et commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le profil de sécurité d'emploi des produits Imocur enfants était préoccupant, qu'il n'existait pas suffisamment d'éléments élucidant le mécanisme de l'effet thérapeutique de ces spécialités, que la démonstration de l'efficacité clinique des deux médicaments était insuffisante et que, par suite, le rapport bénéfice/risque des produits était défavorable ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 16 novembre 2005, présentées à l'appui des requêtes n°s 286853 et 286854 pour la société OM PHARMA ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2005, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui tend au rejet de la requête ; elle soutient qu'il n'y a pas urgence ; que le marché français représente une part très minoritaire des ventes totales de la spécialité Imocur ; que la société peut continuer à commercialiser sa production dans plus de 80 autres pays où elle bénéficie d'une autorisation dès lors que l'interdiction d'exporter ne porte que sur les lots détenus sur le territoire français ; que les décisions attaquées ne font pas obstacle à la délivrance d'une nouvelle autorisation de mise sur le marché français ; que les décisions de retrait opérées par les autorités françaises n'impliquent pas nécessairement une réévaluation du produit dans les autres Etats où il est commercialisé ; qu'ainsi la rentabilité des investissements réalisés dans ce domaine n'est pas compromise ; que la suspension des décisions litigieuses serait sans effet immédiat sur la vente des produits qui ne peuvent être administrés aux patients qu'à la fin de l'été ; que l'intérêt public tenant à la sauvegarde de la santé publique commande le maintien des retraits contestés ; qu'il n'existe pas, en l'état de l'instruction, de moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité des mesures attaquées ; que le moyen tiré du défaut du caractère contradictoire de la procédure est inopérant dès lors que ce n'est pas la requérante mais le laboratoire Zambon, titulaire des autorisations, qui est le seul destinataire des décisions ; que ce dernier a, en tout état de cause bénéficié d'une procédure contradictoire et d'un examen particulier de son dossier ; que les décisions attaquées ne sont pas entachées d'erreurs de droit ; qu'en effet, le directeur général de l'agence, qui est libre de rependre à son compte le contenu des avis des groupes de travail, ne s'est pas estimé lié par l'avis du 4 juillet 2005 du groupe de travail anti-infectieux ; que les deux mesures sont principalement fondées sur des considérations propres à l'Imocur ; que le signalement d'effets indésirables graves en janvier 2003 constitue une information médicale nouvelle objective qui remet en cause le rapport bénéfice/risque des spécialités litigieuses nonobstant le renouvellement des autorisations de mise sur le marché des ces médicaments en août 2003 ; que l'agence a exactement apprécié les faits et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que les produits Imocur étaient susceptibles de provoquer des effets indésirables graves, que leur efficacité n'était pas démontrée et qu'en conséquence, le rapport bénéfice/risque était défavorable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 décembre 2005, présenté à l'appui des requêtes n°s 286853 et 286854 pour la société OM PHARMA ; elle reprend les conclusions et les moyens de sa requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société OM PHARMA et d'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 15 décembre 2005 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société OM PHARMA ;

- les représentants de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Considérant que les requêtes n°s 286853 et 286854 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu des les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant que la société OM PHARMA demande, sur le fondement de ces dispositions, la suspension de l'exécution des décisions en date du 3 octobre 2005 par lesquelles le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a retiré, à compter du 24 octobre 2005 et sous toutes leurs présentations, les autorisations de mise sur le marché octroyées le 24 octobre 2005 à la spécialité pharmaceutique dénommée Imocur enfants (gélule et poudre orale en sachet), a ordonné au titulaire de l'autorisation de prendre toutes dispositions pour faire cesser leur délivrance au public et a interdit leur exportation ; qu'elle fait valoir notamment que la condition d'urgence est, en l'espèce, satisfaite ;

Considérant que la société requérante ne conteste pas que les ventes qu'elle réalise en France de la spécialité Imocur enfants (gélule ou poudre orale en sachet) qui sont seules affectées par les décisions de l'AFSSAPS, représentent approximativement 5% de son chiffre d'affaires ; qu'elle fait, cependant valoir que cette spécialité représente 51% de son chiffre d'affaires total et qu'à la suite des décisions prises par l'AFSSAPS, elle est exposée à un risque de se voir retirer dans de nombreux autres pays, les autorisations de mise sur le marché dont elle dispose pour cette spécialité ; que toutefois, les décisions prises par les autorités de santé allemandes, grecques et suisses dont elle fait état, sans d'ailleurs préciser la part de chiffre d'affaires que représentent pour elle ces marchés, n'ont porté que sur la réévaluation de la spécialité Imocur et non sur son retrait ; que ces autorités ne sont en aucune manière liées par l'appréciation portée, en ce qui la concerne, par l'AFSSAPS ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les décisions de retrait de la spécialité Imocur enfants qui n'est qu'un médicament à visée préventive, pourraientt comporter des effets préjudiciables à la santé publique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'est pas satisfait à la condition d'urgence ; qu'ainsi et sans qu'il y ait lieu pour le juge des référés de prendre position sur le sérieux des moyens invoqués, les conclusions de la société OM PHARMA aux fins de suspension doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'AFSSAPS n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement des sommes réclamées par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de la société OM PHARMA sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société OM PHARMA et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 286853
Date de la décision : 16/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2005, n° 286853
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:286853.20051216
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