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28/12/2005 | FRANCE | N°265089

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 28 décembre 2005, 265089


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars 2004 et 25 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS, dont le siège est 5, rue Henri-Jadart à Reims (51100) ; la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 août 2003 par laquelle la Commission bancaire lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes les mesures nécessaires destinées à ramener

son coefficient d'exploitation à un niveau inférieur à 100 % à compter ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars 2004 et 25 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS, dont le siège est 5, rue Henri-Jadart à Reims (51100) ; la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 août 2003 par laquelle la Commission bancaire lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes les mesures nécessaires destinées à ramener son coefficient d'exploitation à un niveau inférieur à 100 % à compter du 31 décembre 2004, ensemble la décision implicite et la décision du 27 janvier 2004 de ladite commission rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Bonnot, Rapporteur,

- les observations de Me Ricard, avocat de la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Reims et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Commission bancaire et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de la ville de Reims :

Considérant que la ville de Reims a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS demande l'annulation de la décision d'injonction prise par la commission bancaire en date du 28 août 2003, ainsi que de la décision implicite puis explicite de rejet de son recours gracieux en date du 27 janvier 2004 prises par ladite commission ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier : « La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés. Elle examine les conditions de leur exploitation et veille à la qualité de leur situation financière. Elle veille au respect des règles de bonne conduite de la profession... » ; qu'aux termes de l'article L. 613-16 du même code : « La commission bancaire peut...adresser à tout établissement de crédit...une injonction à l'effet notamment de prendre dans un délai déterminé toutes mesures destinées à restaurer ou renforcer sa situation financière, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l'adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement » ; que, sur le fondement de ces dispositions, la Commission bancaire a, par décision du 28 août 2003, enjoint à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS, de « prendre toutes mesures nécessaires destinées à ramener son coefficient d'exploitation à un niveau inférieur à 100 % à compter du 31 décembre 2004 » ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que les membres de la commission bancaire présents au cours des trois réunions au cours desquelles elle a examiné la situation de la caisse requérante n'étaient pas les mêmes d'une réunion à l'autre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la commission bancaire de se prononcer dans une même formation aux diverses étapes de la procédure d'injonction engagée dans le cadre de sa mission administrative de surveillance des établissements de crédit ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'injonction contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, la qualité du signataire de l'injonction figure sur la décision contestée ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'injonction ne serait pas conforme à l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 du fait de l'absence de cette mention, manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que l'injonction attaquée en date du 28 août 2003 et la décision de rejet du recours gracieux en date du 27 janvier 2004 seraient fondées sur des motifs distincts, à le supposer établi, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier : « Les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque au sens de l'article L. 311-1... » ; que selon l'article L. 511-9 du même code : Les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution financière spécialisée. / Les banques mutualistes ou coopératives et les caisses de crédit municipal peuvent effectuer toute opération de banque dans le respect des limitations qui résultent des textes législatifs et réglementaires qui les régissent ; qu'aux termes de l'article L. 514-1 du code : Les caisses de crédit municipal sont des établissements publics communaux de crédit et d'aide sociale. Elles ont notamment pour mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole. Elles peuvent réaliser toutes opérations avec les établissements de crédit, recevoir des fonds des personnes physiques et des personnes morales, mettre à la disposition de ces personnes des moyens de paiement et réaliser avec elles des opérations connexes au sens de l'article L. 311.2. (...) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions ainsi que de celles de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier que, bien qu'elles aient le caractère d'établissements publics administratifs à vocation sociale, les caisses de crédit municipal constituent des établissements du secteur bancaire soumis aux règles générales des établissements de crédit et au contrôle de la commission bancaire ; que celle-ci peut adresser une injonction à une caisse de crédit municipal dès lors que les informations dont elle dispose font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes ; qu'il appartient toutefois à la commission bancaire, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de tenir compte des particularités du statut de ces établissements et notamment, lorsque ceux-ci ont une activité de prêt sur gage, de leur vocation sociale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS dispose, à sa demande, d'un agrément délivré le 23 octobre 1993 par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement qui limite son activité à l'octroi de prêts sur gages corporels et qu'elle est liée à la ville de Reims par une convention de financement souscrite le 3 février 1995 qui prévoit de lui apporter le soutien financier nécessaire ; que la commission bancaire a refusé d'intégrer la subvention annuelle de la ville dans le calcul des produits d'exploitation de la caisse et par conséquent dans le calcul du coefficient d'exploitation qui est le rapport entre les frais généraux et les dotations nettes aux amortissements d'une part et les produits d'exploitation d'autre part ;

Considérant que si la commission bancaire peut, pour apprécier la situation financière d'une caisse de crédit municipal dont l'activité est limitée à l'octroi de prêts sur gages corporels, retenir le mode de calcul du coefficient d'exploitation donné par le règlement n° 99-06 du comité de réglementation bancaire et financière, il lui appartient toutefois, eu égard à la vocation exclusivement sociale d'une telle caisse, de prendre en compte, le cas échéant, dans les produits d'exploitation, une subvention publique dont le montant couvre les besoins d'exploitation et dont le versement revêt, en vertu de dispositions législatives ou de stipulations conventionnelles, un caractère certain et suffisamment stable ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la convention de financement souscrite par la ville de Reims avec la caisse requérante que, si le montant de la subvention est fixé après production par la caisse de son projet de budget et peut être rectifié par la suite, ce montant est néanmoins susceptible d'être plafonné par décision de la ville ; qu'en outre, cette convention prévoit à son article 7 qu'elle peut être résiliée par l'une ou l'autre partie avec un préavis de trois mois ; qu'ainsi la commission bancaire a pu légalement estimer que la subvention de la ville à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS n'était, nonobstant son versement régulier depuis 1995, pas assimilable à un produit d'exploitation ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige, contrairement à ce que soutient la caisse requérante, la commune actionnaire de la caisse à garantir l'équilibre d'exploitation de celle-ci ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 511-42 du code monétaire et financier qui prévoient l'intervention du gouverneur de la Banque de France, lorsque la situation d'un établissement de crédit le justifie, aux fins d'inviter les actionnaires de cet établissement à lui fournir le soutien nécessaire, n'ont pas pour objet d'imposer aux actionnaires d'assurer de façon régulière l'équilibre d'exploitation d'un établissement de crédit et ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées à cet égard ; que, dès lors, la commission bancaire a pu, sans retenir des faits inexacts ni commettre d'erreur de droit ou d'appréciation, calculer les produits d'exploitation de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS indépendamment des aides de la ville ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission bancaire a demandé à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS de ramener son coefficient d'exploitation de 132 % à moins de 100 %, ce dernier taux correspondant à un taux moins rigoureux que celui usuellement imposé aux établissements de crédit ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, qui fait valoir que ses charges sont incompressibles et que son activité ne lui permet pas d'établir les conditions d'une rentabilité suffisante, la commission bancaire a pris en compte les spécificités de son activité et sa vocation sociale ; que l'injonction attaquée, contrairement à ce que soutient la caisse requérante, n'a ni pour objet ni pour effet de mettre fin au caractère social de son activité mais de la conduire à rechercher une amélioration de son équilibre de gestion ; que, la commission bancaire n'a pas, par suite, entaché sa décision ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE REIMS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la ville de Reims est admise.

Article 2 : La requête de la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DE CRÉDIT MUNICIPAL DE REIMS, à la ville de Reims, à la Commission bancaire et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 265089
Date de la décision : 28/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

13-04-01 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. BANQUES. COMMISSION BANCAIRE. - CHAMP D'APPLICATION DES POUVOIRS DE CONTRÔLE - INCLUSION - A) CAISSES DE CRÉDIT MUNICIPAL [RJ1], Y COMPRIS LORSQU'ELLES ONT UNE ACTIVITÉ EXCLUSIVE DE PRÊT SUR GAGE - B) LIMITE - PRISE EN COMPTE DE LA VOCATION SOCIALE DE CES ÉTABLISSEMENTS [RJ1] - PORTÉE - PRISE EN COMPTE, POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT D'EXPLOITATION, D'UNE SUBVENTION PUBLIQUE COUVRANT LES BESOINS D'EXPLOITATION ET DONT LE VERSEMENT REVÊT, EN VERTU DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES OU DE STIPULATIONS CONVENTIONNELLES, UN CARACTÈRE CERTAIN ET SUFFISAMMENT STABLE.

13-04-01 a) Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-9, L. 514-1 et L. 613-1 du code monétaire et financier que, bien qu'elles aient le caractère d'établissements publics administratifs à vocation sociale, les caisses de crédit municipal constituent des établissements du secteur bancaire soumis aux règles générales des établissements de crédit et au contrôle de la commission bancaire. Celle-ci peut donc adresser une injonction à une caisse de crédit municipal dès lors que les informations dont elle dispose font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes.,,b) Il appartient toutefois à la commission bancaire, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de tenir compte des particularités du statut des caisses de crédit municipal et notamment, lorsque celles-ci ont une activité de prêt sur gage, de leur vocation sociale. Si la commission bancaire peut ainsi, pour apprécier la situation financière d'une caisse de crédit municipal dont l'activité est limitée à l'octroi de prêts sur gages corporels, retenir le mode de calcul du coefficient d'exploitation donné par le règlement n° 99-06 du comité de réglementation bancaire et financière, il lui appartient toutefois, eu égard à la vocation exclusivement sociale d'une telle caisse, de prendre en compte, le cas échéant, dans les produits d'exploitation, une subvention publique dont le montant couvre les besoins d'exploitation et dont le versement revêt, en vertu de dispositions législatives ou de stipulations conventionnelles, un caractère certain et suffisamment stable.


Références :

[RJ1]

Cf. 28 juillet 2004, Caisse de crédit municipal de Strasbourg, T. p. 595.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2005, n° 265089
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Frédéric Bonnot
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : RICARD ; SCP COUTARD, MAYER ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:265089.20051228
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