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28/12/2005 | FRANCE | N°272808

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 28 décembre 2005, 272808


Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Amine YX ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la ch

arge de M. YX la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justic...

Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Amine YX ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. YX la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Gaëlle Dumortier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. YX,

- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. YX :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SCP Vial, Pech de Laclause, Escale et Knoepffler a été habilitée, par lettre du 17 septembre 2004, par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à le représenter dans la présente instance ; que, dès lors, la fin de non-recevoir doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : I. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. YX, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 juin 2004, de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 juin 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. YX a fait valoir qu'il s'est marié, à Marseille, le 31 janvier 2004 avec une ressortissante française et qu'un enfant devait naître de cette union, il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté attaqué, le mariage contracté par M. YX, qui est entré sur le territoire français en 2001 et conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, présentait un caractère récent ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée du séjour de l'intéressé en France ainsi que des conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire national, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect d'une vie familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. YX devant le juge administratif ;

En ce qui concerne l'illégalité, soulevée par voie d'exception, de la décision du 21 juin 2004 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à M. YX le titre de séjour sollicité :

Considérant que M. Christophe Y, signataire de la décision du 21 juin 2004, a été habilité, par arrêté du 8 avril 2004, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat du 16 avril 2004, à signer notamment les refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ; que, contrairement aux allégations de l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que M. YX est entré irrégulièrement sur le territoire français ; que cette circonstance pouvait, à elle seule, justifier la décision par laquelle le préfet a rejeté la demande de titre de séjour en tant que conjoint de Français présentée par l'intéressé ; que, dès lors, en prenant la décision attaquée, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 du même accord : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit (...) 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de délivrer à M. YX un titre de séjour, ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive ; qu'ainsi, le préfet n'a méconnu ni les stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales » ; que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions, figurent notamment celles qui résultent des dispositions combinées du 7° de l'article 12 bis et de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que le préfet n'est, toutefois, tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ;

Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. YX au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, le préfet, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision ;

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

Considérant que M. ZY, signataire de l'arrêté attaqué, a été habilité par un arrêté du 23 août 2004, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 23 août 2004, à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 1er septembre 2004 manque en fait ;

Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, et notamment eu égard à la brièveté de son mariage avec une ressortissante française ainsi que des conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté de reconduite à la frontière n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation individuelle de M. YX et n'a pas, non plus, été pris en violation des stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que si M. YX a fait valoir que, de son union du 31 janvier 2004, avec une ressortissante française, devait naître un enfant, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, eu égard à la date à laquelle il a été pris ; que, dès lors, M. YX n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 1er septembre 2004 aurait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er septembre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par l'avocat de M. YX, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. YX la somme demandée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 septembre 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. YX devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à M. Amine YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 272808
Date de la décision : 28/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2005, n° 272808
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur public ?: Mme Roul
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:272808.20051228
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