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28/12/2005 | FRANCE | N°281849

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 28 décembre 2005, 281849


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE POIGNY (Seine-et-Marne), représentée par son maire ; la COMMUNE DE POIGNY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés DFEAD-3B-2005 n° 16 du 2 mars 2005 du préfet de Seine-et-Marne autorisant le retrait des communes de Chalautre-la-Petite et Soisy-Bouy de la Communauté de communes de la

G.E.R.B.E. et de l'arrêté DFEAD-3B-2005 n° 17 du 2 mars 2005 du même pr...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE POIGNY (Seine-et-Marne), représentée par son maire ; la COMMUNE DE POIGNY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés DFEAD-3B-2005 n° 16 du 2 mars 2005 du préfet de Seine-et-Marne autorisant le retrait des communes de Chalautre-la-Petite et Soisy-Bouy de la Communauté de communes de la G.E.R.B.E. et de l'arrêté DFEAD-3B-2005 n° 17 du 2 mars 2005 du même préfet portant adhésion desdites communes à la Communauté de communes du Provinois ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de prononcer la suspension de l'exécution des arrêtés précités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la COMMUNE DE POIGNY, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la Communauté de communes du Provinois et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Communauté de communes de la GERBE,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales : La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave ; que selon l'article L. 5211-19 du même code : Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale (...) avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement (...)./ Le retrait est subordonné à l'accord des conseils municipaux exprimé dans les conditions de majorité requises pour la création de l'établissement (...) ; que l'article L. 5214-26 prévoit que : Par dérogation à l'article L. 5211-19, une commune peut être autorisée par le représentant de l'Etat dans le département après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (...) à se retirer d'une communauté de communes pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le conseil communautaire a accepté la demande d'adhésion ;

Considérant que, par deux arrêtés en date du 2 mars 2005, le préfet de Seine-et-Marne a autorisé le retrait des communes de Chalautre-La-Petite et de Soisy-Bouy de la Communauté de communes dite Guilde Economique Rurale de la Brie Est (GERBE) et leur adhésion à la Communauté de communes du Provinois ; que la COMMUNE DE POIGNY, membre du premier de ces établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), demande l'annulation de l'ordonnance du 12 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de ces deux décisions ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la Communauté de communes du Provinois :

Considérant que la circonstance que les seuls moyens présentés dans le délai du pourvoi par la COMMUNE DE POIGNY à l'appui de sa requête concernaient le rejet de sa demande de suspension dirigée contre celui des deux arrêtés autorisant les deux communes susmentionnées à se retirer de la Communauté de communes dite GERBE, n'a pas eu pour effet de rendre irrecevables les conclusions dirigées contre le refus de suspendre le second arrêté, autorisant l'adhésion de ces communes à la communauté de communes du Provinois, dès lors que la suspension du premier doit, d'office, entraîner par voie de conséquence celle du second ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du 12 mai 2005 :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 5214-1 précité du code général des collectivités territoriales selon lesquelles le territoire d'une communauté de communes est d'un seul tenant et sans enclave, doivent, sauf exception prévue par la loi, être regardées comme ayant une portée générale et doivent par suite être respectées non seulement lors de la création d'un tel établissement public de coopération intercommunale mais aussi, le cas échéant, lors d'évolutions ultérieures du territoire de cet établissement ; que, dès lors, si les communes membres d'une communauté de communes ont la possibilité de demander à s'en retirer selon la procédure prévue à l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales ou selon celle, dérogatoire, prévue à l'article L. 5214-26 du même code en vue de l'adhésion à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, cette possibilité ne peut s'exercer, que dans le respect de la règle de continuité territoriale rappelée plus haut ; qu'ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en estimant que n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté autorisant le retrait des deux communes en cause le moyen soulevé devant lui par la COMMUNE DE POIGNY et tiré de ce que ce retrait romprait la continuité territoriale de la Communauté de communes dite GERBE et créerait une enclave au sein de la Communauté de communes du Provinois, au motif que ni l'article L. 5211-9 ni l'article L. 5214-26 ne subordonnent la possibilité d'un retrait à la circonstance qu'elle n'ait pas pour effet d'enclaver une ou plusieurs communes ; que l'ordonnance doit donc être annulée en tant qu'elle a rejeté la demande de suspension de l'arrêté du 2 mars 2005 autorisant le retrait des communes de Chalautre-La-Petite et Soisy-Bouy de la Communauté de communes dite GERBE ;

Considérant, en second lieu, que l'adhésion de ces deux communes à la communauté de communes du Provinois est la justification même de leur retrait de la Communauté de communes dite GERBE selon la procédure de l'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales et a, en outre, pour effet d'enclaver la COMMUNE DE POIGNY au sein du territoire de la communauté de communes du Provinois ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a entaché son ordonnance d'une autre erreur de droit en estimant que la COMMUNE DE POIGNY ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l'arrêté autorisant cette adhésion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du 12 mai 2005 doit être annulée dans sa totalité ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d'une part, qu'eu égard au transfert de compétences et de ressources fiscales opéré par les arrêtés en cause, dont les effets se poursuivent de manière continue, et nonobstant le vote par les deux établissements publics de coopération intercommunale de leurs budgets pour 2005 selon le périmètre défini par les arrêtés litigieux, la condition d'urgence définie par l'article L. 521-1 du code de justice administrative précité doit, en l'espèce, être regardée comme remplie ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que les arrêtés préfectoraux litigieux ont été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 5211-18 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de l'article 175 de la loi du 13 août 2004 aux termes desquelles : I- ( ...) le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale peut être ultérieurement étendu (...) par adjonction de communes nouvelles : 1° Soit à la demande des conseils municipaux des communes nouvelles. Par dérogation à l'obligation de former un ensemble d'un seul tenant et sans enclave prévue par les articles L. 5214-1 (...), le représentant de l'Etat peut autoriser l'adhésion d'une ou plusieurs communes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dès lors que ces communes sont empêchées d'adhérer par le refus d'une seule commune. La modification est alors subordonnée à l'accord de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ;

Considérant que la COMMUNE DE POIGNY fait valoir à l'appui de sa demande de suspension que cette disposition, qui autorise le préfet à déroger au principe de continuité territoriale et de prohibition des enclaves dans la seule hypothèse où une commune isolée fait obstacle à l'extension du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale, est inapplicable en l'espèce et ne saurait être invoquée pour déroger aux dispositions de l'article L. 5214-1 afin de permettre à plusieurs communes de se retirer d'une communauté de communes pour adhérer à une autre ; qu'en l'état de l'instruction ce moyen est propre à créer un doute sérieux sur la légalité des deux arrêtés litigieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande, qu'il y a lieu de prononcer la suspension demandée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que demande la COMMUNE DE POIGNY au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Communauté de commune de la Guilde Economique Rurale de la Brie Est (GERBE), qui avait la qualité de demandeur en première instance conjointement avec la COMMUNE DE POIGNY, a été appelée à produire des observations ; que, si elle n'avait pas été mise en cause, elle aurait eu qualité pour former tierce opposition contre la décision préjudiciant à ses droits susceptible d'être rendue dans la présente instance ; qu'elle doit, par suite, être regardée comme une partie pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que demande la Communauté de communes de la Guilde Economique Rurale de la Brie Est au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE POIGNY la somme que demande la Communauté de communes du Provinois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 12 mai 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : L'exécution des arrêtés du préfet de la Seine-et-Marne en date du 2 mars 2005 est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE POIGNY la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat versera à la Communauté de communes de la Guilde Economique Rurale de la Brie Est (GERBE) la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Communauté de communes du Provinois tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE POIGNY, à la Communauté de communes de la Guilde Economique rurale de la Brie Est (GERBE), à la Communauté de communes du Provinois, à la commune de Chalautre-la-Petite, à la commune de Soisy-Bouy, au préfet de Seine-et-Marne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COOPÉRATION - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE - QUESTIONS GÉNÉRALES - COMMUNAUTÉS DE COMMUNES - PÉRIMÈTRE - CONDITION TENANT À CE QUE LE TERRITOIRE DE LA COMMUNAUTÉ SOIT D'UN SEUL TENANT ET SANS ENCLAVE (ART - L - 5214-1 DU CGCT) - CONDITION APPLICABLE EN CAS DE RETRAIT D'UNE COMMUNE D'UN ÉTABLISSEMENT DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (ART - L - 5211-19 ET L - 5214-26 DU CGCT).

135-05-01-05 Les dispositions de l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles le territoire d'une communauté de communes est d'un seul tenant et sans enclave, doivent, sauf exception prévue par la loi, être regardées comme ayant une portée générale et doivent par suite être respectées non seulement lors de la création d'un tel établissement public de coopération intercommunale mais aussi, le cas échéant, lors d'évolutions ultérieures du territoire de cet établissement. Dès lors, si les communes membres d'une communauté de communes ont la possibilité de demander à s'en retirer selon la procédure prévue à l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales ou selon celle, dérogatoire, prévue à l'article L. 5214-26 du même code en vue de l'adhésion à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, cette possibilité ne peut s'exercer, que dans le respect de la règle de continuité territoriale rappelée plus haut.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - CONCLUSIONS - CONCLUSIONS IRRECEVABLES - ABSENCE - CONCLUSIONS NON ASSORTIES DE MOYEN DANS LE DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX - MAIS DONT LE SORT EST LIÉ À CELUI DE CONCLUSIONS RECEVABLES.

54-07-01-03-02 La circonstance que les seuls moyens qu'une commune a présentés dans le délai du pourvoi à l'appui de sa requête tendant à l'annulation d'une ordonnance de référé rejetant sa demande de suspension de deux arrêtés concernaient le rejet de sa demande de suspension dirigée contre celui des deux arrêtés autorisant deux communes à se retirer d'une communauté de communes, n'a pas eu pour effet de rendre irrecevables les conclusions dirigées contre le refus de suspendre le second arrêté, autorisant l'adhésion de ces communes à une autre communauté de communes, dès lors que la suspension du premier doit, d'office, entraîner par voie de conséquence celle du second, en application de l'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 déc. 2005, n° 281849
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 28/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 281849
Numéro NOR : CETATEXT000008254921 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-12-28;281849 ?
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