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13/01/2006 | FRANCE | N°275444

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 13 janvier 2006, 275444


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2004 et 30 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. A demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision du 20 octobre 2004 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de rachat d'années d'études, présentée en application de l'article 45 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

2°) mette à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, en application de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossie...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2004 et 30 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. A demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision du 20 octobre 2004 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de rachat d'années d'études, présentée en application de l'article 45 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

2°) mette à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le décret n° 2003-1308 du 26 décembre 2003 ;

Vu le décret n° 2003-1310 du 26 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 45 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : Les périodes d'études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale sont prises en compte : / -soit au titre de l'article L. 13 ; / soit au titre du I ou du II de l'article L. 14 ; / - soit pour obtenir un supplément de liquidation au titre de l'article L. 13 sans que ce supplément soit pris en compte dans la durée d'assurance définie à l'article L. 14. / Cette prise en compte peut concerner au plus douze trimestres, sous réserve de l'obtention du diplôme et du versement des cotisations nécessaires dans des conditions de neutralité actuarielle pour le régime selon un barème et des modalités de paiement définis par décret./ (…) / Ces trimestres ne doivent pas avoir donné lieu à une affiliation à un régime de retraite de base obligatoire. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ;

Considérant que, par lettre du 8 septembre 2003, M. A, Conseiller d'Etat en position de détachement, a sollicité du service chargé de la gestion de sa carrière des renseignements sur la possibilité offerte, à compter du 1er janvier 2004, par les dispositions législatives précitées, de racheter celles des périodes d'études supérieures susceptibles d'être prises en compte pour la constitution de ses droits à pension ; qu'après que, par lettres des 25 mars et 28 mai 2004, le service des pensions du ministère de la justice auquel la demande de l'intéressé avait été transmise, lui eut délivré certains de ces renseignements, ce service lui a fait savoir, par lettre du 20 octobre 2004, que la demande de rachat qu'il entendait formuler était irrecevable dès lors qu'il ne pouvait, sans méconnaître les dispositions législatives précitées et celles, réglementaires, prises pour leur application, prétendre procéder à un tel rachat après l'âge de soixante ans ; que M. A demande l'annulation de cette décision ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 5 janvier 2004, M. Bernard Crosnier, chef du bureau des pensions, signataire de la décision attaquée, avait reçu délégation pour signer tous actes, arrêtés et décisions à l'exclusion des décrets ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre par laquelle, le 8 septembre 2003, M. A a demandé des renseignements sur la possibilité de racheter certaines de ses périodes d'études supérieures ne pouvait constituer une demande de rachat au sens des dispositions législatives précitées ; qu'il suit de là que les réponses que le garde des sceaux, ministre de la justice lui a adressées les 25 mars et 28 mai 2004 ne comportent par elles-mêmes aucune décision quant à la recevabilité de la demande que M. A se réservait, comme il l'indiquait par lettre du 20 avril 2004, de formuler, le moment venu, compte tenu des éléments de réponse qui lui seraient fournis ; que, dès lors, la décision du 20 octobre 2004, par laquelle il a été indiqué au requérant que toute demande de rachat de sa part serait irrecevable en raison de son âge, ne constitue pas une décision de retrait de décisions individuelles antérieures qui auraient créé des droits au bénéfice de M. A ; que, par suite, la circonstance qu'elle serait intervenue plus de quatre mois après la lettre du 28 mai 2004 est sans incidence sur sa régularité ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que cette décision serait intervenue sans que M. A ait été mis à même de présenter ses observations est sans influence sur sa régularité, dès lors que la décision attaquée ne constitue pas une décision prise en considération de la personne ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2003 ;1308 du 26 décembre 2003, pris pour l'application de l'article 45 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : En vue d'assurer la neutralité actuarielle des cotisations prévue à l'article 45 de la loi susvisée du 21 août 2003, le montant du versement à effectuer au titre de chaque trimestre est égal à la valeur, actualisée en fonction de l'âge de l'intéressé et majorée d'un coefficient forfaitaire représentatif des avantages familiaux et conjugaux, résultant de la différence entre : / a) D'une part, le montant de la pension à laquelle l'intéressé pourrait prétendre à l'âge de soixante ans en appliquant le pourcentage maximum de liquidation sur la base d'un traitement indiciaire déterminé selon les modalités mentionnées en annexe au présent décret ; / b) Et, d'autre part, au choix de l'intéressé, l'un des trois montants suivants : / 1° Pour une prise en compte d'un trimestre d'études permettant d'obtenir un supplément de liquidation au titre de l'article L. 13 du code susvisé des pensions civiles et militaires de retraite sans que ce supplément soit pris en compte dans la durée d'assurance définie à l'article L. 14 du même code, la valeur d'une pension liquidée dans les mêmes conditions, minorée d'un trimestre au titre de la durée des services et bonifications admissibles en liquidation, sans diminuer la durée d'assurance ; / 2° Pour une prise en compte d'un trimestre d'études au titre I ou du II de l'article L. 14 du même code, la valeur d'une pension liquidée dans les mêmes conditions, minorée d'un trimestre au titre de la durée d'assurance ; / 3° Pour une prise en compte d'un trimestre d'études au titre de l'article L. 13 du même code, la valeur d'une pension liquidée dans les mêmes conditions, minorée d'un trimestre au titre de la durée des services et bonifications admissibles en liquidation. / Le calcul des valeurs actualisées mentionnées ci-dessus est effectué selon les modalités figurant en annexe au présent décret, en appliquant un taux d'actualisation, fixé par décret, décroissant selon l'âge de l'intéressé à la date de sa demande ; que, selon l'article 1er du décret n° 2003 ;1310 du 26 décembre 2003, relatif au barème et aux modalités de paiement pour la prise en compte des périodes d'études pour le calcul de la pension : Les paramètres nécessaires à l'application de l'article 3 du décret n° 2003-1308 du 26 décembre 2003 (…) sont ainsi définis : / 1° Le taux de progression annuelle du traitement indiciaire de l'intéressé utilisé pour le calcul de ses cotisations est de 1,6 % (…) / 5° Le taux d'actualisation applicable est égal à 4 % si l'intéressé est âgé de 23 ans au plus à la date de la demande de prise en compte de périodes d'études. Ce taux est diminué de 0,05 point de pourcentage par année supplémentaire et est égal à 2,2 % si l'intéressé est âgé de 59 ans (…) ; qu'aucun des barèmes figurant, pour le calcul des cotisations de rachat, à l'article 2 du même décret, ne comporte d'indications relatives aux fonctionnaires âgés de plus de cinquante neuf ans ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions claires et précises que la formule de calcul à retenir pour instruire les demandes de rachat des périodes d'études repose sur un barème de cotisations de rachat exprimé en proportion du traitement indiciaire brut des fonctionnaires intéressés, constaté à la date de leur demande ; que cette formule se fonde sur une pension de référence au taux maximum, atteinte à l'âge de soixante ans et exclut nécessairement les demandes de rachat présentées après cette limite d'âge ; qu'il était loisible au pouvoir réglementaire, agissant sur le fondement de l'habilitation reçue du législateur, de fixer à soixante ans, soit l'âge légal de départ à la retraite retenu pour l'ouverture des droits à pension dans ce régime comme dans le régime général de la sécurité sociale, la limite d'âge de référence pour l'application du principe de neutralité actuarielle qu'il était légalement tenu de respecter, et d'écarter, à cette fin, tout rachat demandé après cette limite ; qu'ainsi, l'autorité investie du pouvoir réglementaire n'a pas, contrairement à ce que soutient M. A, méconnu les prescriptions de l'article L. 9 bis précité du code des pensions civiles et militaires de retraite en édictant ces dispositions pour son application ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande comme irrecevable ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre A, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 275444
Date de la décision : 13/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - ABSENCE DE VIOLATION - ARTICLE L - 9 BIS DU CODE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE RELATIF À LA PRISE EN COMPTE DES PÉRIODES D'ÉTUDES - CONFORMITÉ À CET ARTICLE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 DU DÉCRET N°2003-1308 DU 26 DÉCEMBRE 2003 ET DES ARTICLES 2 ET 3 DU DÉCRET N°2003-1310 DU MÊME JOUR - ORGANISANT LES MODALITÉS DU RACHAT DES PÉRIODES D'ÉTUDES ET ÉCARTANT À CET ÉGARD LES DEMANDES FORMULÉES APRÈS L'ÂGE DE 60 ANS.

01-04-02-01 Il résulte de l'ensemble des dispositions claires et précises de l'article 3 du décret n°2003-1308 du 26 décembre 2003 et des articles 2 et 3 du décret n°2003-1310 du même jour, prises en application de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, que la formule de calcul à retenir pour instruire les demandes de rachat des périodes d'études repose sur un barème de cotisations de rachat exprimé en proportion du traitement indiciaire brut des fonctionnaires intéressés, constaté à la date de leur demande. Cette formule se fonde sur une pension de référence au taux maximum, atteinte à l'âge de soixante ans et exclut nécessairement les demandes de rachat présentées après cette limite d'âge. Il était loisible au pouvoir réglementaire, agissant sur le fondement de l'habilitation reçue du législateur, de fixer à soixante ans, soit l'âge légal de départ à la retraite retenu pour l'ouverture des droits à pension dans ce régime comme dans le régime général de la sécurité sociale, la limite d'âge de référence pour l'application du principe de neutralité actuarielle qu'il était légalement tenu de respecter, et d'écarter, à cette fin, tout rachat demandé après cette limite. Ainsi, l'autorité investie du pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les prescriptions de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite en édictant ces dispositions pour son application.

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - LÉGISLATION APPLICABLE - PRISE EN COMPTE DES PÉRIODES D'ÉTUDES (ART - L - 9 BIS DU CODE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE) - LÉGALITÉ DES DISPOSITIONS FIXANT À 60 ANS LA LIMITE D'ÂGE POUR LE RACHAT DES PÉRIODES D'ÉTUDES (ART - 3 DU DÉCRET N°2003-1308 DU 26 DÉCEMBRE 2003 ET ART - 2 ET 3 DU DÉCRET N°2003-1310 DU MÊME JOUR).

48-02-01-01 Il résulte de l'ensemble des dispositions claires et précises de l'article 3 du décret n°2003-1308 du 26 décembre 2003 et des articles 2 et 3 du décret n°2003-1310 du même jour, prises en application de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, que la formule de calcul à retenir pour instruire les demandes de rachat des périodes d'études repose sur un barème de cotisations de rachat exprimé en proportion du traitement indiciaire brut des fonctionnaires intéressés, constaté à la date de leur demande. Cette formule se fonde sur une pension de référence au taux maximum, atteinte à l'âge de soixante ans et exclut nécessairement les demandes de rachat présentées après cette limite d'âge. Il était loisible au pouvoir réglementaire, agissant sur le fondement de l'habilitation reçue du législateur, de fixer à soixante ans, soit l'âge légal de départ à la retraite retenu pour l'ouverture des droits à pension dans ce régime comme dans le régime général de la sécurité sociale, la limite d'âge de référence pour l'application du principe de neutralité actuarielle qu'il était légalement tenu de respecter, et d'écarter, à cette fin, tout rachat demandé après cette limite. Ainsi, l'autorité investie du pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les prescriptions de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite en édictant ces dispositions pour son application.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 2006, n° 275444
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:275444.20060113
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