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16/01/2006 | FRANCE | N°274721

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 16 janvier 2006, 274721


Vu, 1°, sous le n° 274 721, la requête, enregistrée le 30 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE, dont le siège est 34, rue du Wacken, à Strasbourg (67913 Strasbourg Cedex 9), représentée par son président en exercice ; la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre chargé de la consommation de publier au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 30 septe

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Vu, 1°, sous le n° 274 721, la requête, enregistrée le 30 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE, dont le siège est 34, rue du Wacken, à Strasbourg (67913 Strasbourg Cedex 9), représentée par son président en exercice ; la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre chargé de la consommation de publier au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 30 septembre 2004 la recommandation du 27 mai 2004 émise par la commission des clauses abusives relative aux contrats de prêt immobilier ;

Vu, 2°, sous le n° 274422, la requête, enregistrée le 30 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE, dont le siège est 34, rue du Wacken, à Strasbourg (67913 Strasbourg Cedex 9), représentée par son président en exercice ; la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le point 5 de la recommandation du 27 mai 2004 émise par la commission des clauses abusives relative aux contrats de prêt immobilier ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions connexes et qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que la commission des clauses abusives a émis le 27 mai 2004 une recommandation relative aux contrats de prêt immobilier ; qu'elle a estimé, au point 5 de cette recommandation, qu'une clause qui laisse au seul prêteur le choix de la variation du taux ainsi que de son amplitude ou qui confère à son organe de direction un pouvoir de décision en cas de différend crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; que la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE, qui regroupe des caisses locales ayant conclu des contrats de prêt immobilier comportant une telle clause, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, sous le n° 274722, le point 5 de la recommandation, et, sous le n° 274221, la décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de publier la recommandation au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

Sur les conclusions dirigées contre le point 5 de la recommandation :

Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 132-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat / Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa » ; qu'aux termes de l'article L. 132-2 du même code : « La commission des clauses abusives, placée auprès du ministre chargé de la consommation, connaît des modèles de convention habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs. Elle est chargée de rechercher si ces documents contiennent des clauses qui pourraient présenter un caractère abusif » ; qu'aux termes de l'article L. 132-3 du même code : « Elle peut être saisie à cet effet soit par le ministre chargé de la consommation, soit par les associations agréées de défense des consommateurs, soit par les professionnels intéressés. Elle peut également se saisir d'office » ; enfin, qu'aux termes de l'article L. 132-4 de ce code : « La commission recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif. Le ministre chargé de la consommation peut soit d'office, soit à la demande de la commission, rendre publiques ces recommandations qui ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l'identification de situations individuelles » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la commission des clauses abusives, lorsqu'elle émet des recommandations, n'édicte pas des règles qui s'imposeraient aux particuliers ou aux autorités publiques, mais se borne à inviter les professionnels concernés à supprimer ou modifier les clauses dont elle estime qu'elles présentent un caractère abusif ; qu'il n'appartient qu'au juge compétent, en cas de litige, de prononcer la nullité de telles clauses ; que, par suite, les recommandations émises par la commission ne constituant pas des décisions administratives susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE n'est pas recevable à demander l'annulation du point 5 de la recommandation du 27 mai 2004 ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de publier la recommandation :

Considérant que la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie décide de publier une recommandation de la commission des clauses abusives est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, qui, saisi de moyens en ce sens, peut vérifier qu'elle n'est pas entachée d'illégalité externe, d'erreur de fait, d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir ; que, toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité ; que, sous réserve de la condition posée par l'article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d'identification de situations individuelles, l'appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n'est pas davantage susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se soit cru tenu de publier au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes la recommandation du 27 mai 2004 et ait ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le ministre n'avait pas, préalablement à cette publication, à s'assurer que la commission des clauses abusives avait fait une exacte application des dispositions du code de la consommation ;

Considérant que la recommandation du 27 mai 2004 concerne les contrats de prêt immobilier, sans mentionner les établissements bancaires concernés, et son point 5 se borne à évoquer en termes généraux une clause de variation du taux d'intérêt liée au statut coopératif du prêteur ; que, dans ces conditions, cette recommandation ne contient pas d'indications de nature à permettre l'identification de situations individuelles ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n° 274721 et 274722 de la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - DÉCISION PAR LAQUELLE LE MINISTRE DÉCIDE DE PUBLIER UNE RECOMMANDATION DE LA COMMISSION DES CLAUSES ABUSIVES - MOYENS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE INVOQUÉS.

54-01-01-01 La décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie décide de publier une recommandation de la commission des clauses abusives est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, qui, saisi de moyens en ce sens, peut vérifier qu'elle n'est pas entachée d'illégalité externe, d'erreur de fait, d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir. Toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité. Sous réserve de la condition posée par l'article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d'identification de situations individuelles, l'appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n'est pas davantage susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - AVIS ET PROPOSITIONS - RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DES CLAUSES ABUSIVES (ART - L - 132-2 DU CODE DE LA CONSOMMATION).

54-01-01-02-01 Il résulte des dispositions des articles L. 132-1 à L. 132-4 du code de la consommation que la commission des clauses abusives, lorsqu'elle émet des recommandations, n'édicte pas des règles qui s'imposeraient aux particuliers ou aux autorités publiques, mais se borne à inviter les professionnels concernés à supprimer ou modifier les clauses dont elle estime qu'elles présentent un caractère abusif. Il n'appartient qu'au juge compétent, en cas de litige, de prononcer la nullité de telles clauses. Par suite, les recommandations émises par la commission ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 jan. 2006, n° 274721
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 16/01/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 274721
Numéro NOR : CETATEXT000008243816 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-01-16;274721 ?
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