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16/01/2006 | FRANCE | N°275057

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 16 janvier 2006, 275057


Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2004 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Turquie comme pays d

e destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision ...

Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2004 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Turquie comme pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision sous astreinte de 160 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance

du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification,

le 22 novembre 2002, de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 novembre 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de la loi

du 25 juillet 1952 : Dans des conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (…) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2 du décret du 23 juin 1998 pris pour l'application de cette disposition : L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. Il peut demander au préalable l'assistance d'un interprète et peut être accompagné d'une personne de son choix ( …). L'audition donne lieu à un compte-rendu écrit ;

Considérant que, s'il résulte des dispositions précitées que l'étranger convoqué pour un entretien en préfecture peut demander au préalable l'assistance d'un interprète, il ne ressort des pièces du dossier ni que M. A ait été privé de la possibilité de recourir à un interprète, ni même qu'il en ait demandé l'assistance ;

Considérant que M. A ne peut utilement invoquer les dispositions du décret du 28 novembre 1983 qui est abrogé ni celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui ne s'appliquent pas aux cas où il est statué sur une demande, pour soutenir que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile territorial, serait irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire ;

Considérant que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est dépourvue de valeur contraignante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2° de son article 41 par la décision de refus d'asile territorial est inopérant ;

Considérant que les dispositions de l'article 43 du décret du 30 décembre 1993, en vigueur à la date de la mesure contestée, ont pour objet l'instruction des demandes de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française ; que, par suite, les dispositions précitées sont inopérantes s'agissant de la procédure d'audition en préfecture des demandeurs d'asile territorial, laquelle relève des dispositions du décret du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 ; qu'aucune disposition du décret du 23 juin 1998 n'impose au préfet de désigner nominativement un agent pour auditionner les demandeurs d'asile territoriale ;

Considérant que M. A ne peut se prévaloir, en tout état de cause, à l'appui de son moyen dirigé contre la décision de refus d'asile territorial, des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 25 juin 1998 qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;

Considérant que si M. A soutient qu'il craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il ne fournit aucune précision ni justification à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision

du 3 septembre 2002 refusant à M. A le bénéfice de l'asile territorial méconnaît les dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 ne peut qu'être écarté ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des

Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A avant de refuser de lui attribuer un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée pour prendre la décision de l'illégalité de laquelle il est excipé, doit être écarté ;

Considérant que si M. A soutient qu'il a noué en France des relations affectives et amicales très fortes, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du compte rendu d'entretien en date du 7 septembre 2001 effectué à la préfecture des Bouches-du-Rhône à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile territorial, que l'intéressé est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvu d'attache familiale en Turquie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident son père ainsi que ses six frères et soeurs ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions du séjour de

M. A en France, et eu égard aux effets d'une décision de refus de titre de séjour, le refus de titre de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 5 novembre 2002 pris à l'encontre de M. A n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si M. A soutient qu'il exerce une activité salariée depuis 1995, il ne présente à l'appui de ses allégations que trois bulletins de salaire pour

l'année 1998 et un contrat de travail à durée déterminée en date du 5 novembre 2002 ; que les circonstances que M. A dispose du contrat de travail précité et soit bien intégré à la société française ne suffisent pas à établir l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation faite par le préfet des Bouches-du-Rhône des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que si, aux termes des dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15, la compétence de cette commission ne s'étend pas aux décisions de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'était pas tenu de recueillir l'avis de cette commission avant de décider sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ;

Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. A réside habituellement en France depuis son entrée sur le territoire national le 15 décembre 1994, cette circonstance, qui est de nature, eu égard aux dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 selon lesquelles la carte de séjour portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...), à faire obstacle à l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière, est sans influence sur la légalité de cette même mesure qui s'apprécie à la date de l'arrêté attaqué ; que l'arrêté de reconduite à la frontière ayant été pris le 4 novembre 2004, le requérant ne pouvait, dès lors être regardé comme résidant habituellement en France depuis plus de dix ans ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que si M. , dont d'une part, la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 25 septembre 1995, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 25 juin 1996, et d'autre part, la demande d'asile territorial a été rejetée par le ministre de l'intérieur le 3 septembre 2002, soutient qu'il craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour en Turquie, il ne fournit aucune précision ni justification à l'appui de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A doivent être également rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... A, au préfet des

Bouches-du-Rhône et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 275057
Date de la décision : 16/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 2006, n° 275057
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:275057.20060116
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