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23/01/2006 | FRANCE | N°284788

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 23 janvier 2006, 284788


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 13 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BLAUZAC, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BLAUZAC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 24 août 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, suspendu l'exécution de la délibération de son conseil municipal en date du 24 mai 2005 portant exercice du droit de préemption sur l'immeuble cadastré AB n°144 et, d'autre part, mis

sa charge une somme globale de 1 000 euros à verser à la SCI Victor et à...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 13 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BLAUZAC, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BLAUZAC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 24 août 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, suspendu l'exécution de la délibération de son conseil municipal en date du 24 mai 2005 portant exercice du droit de préemption sur l'immeuble cadastré AB n°144 et, d'autre part, mis à sa charge une somme globale de 1 000 euros à verser à la SCI Victor et à la SARL « Pain de Blauzac » au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par la SCI Victor et la SARL « Pain de Blauzac » ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Victor et de la SARL « Pain de Blauzac » une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de la COMMUNE DE BLAUZAC et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SCI Victor et de la SARL « Pain de Blauzac »,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que, par l'ordonnance du 24 août 2005 dont la COMMUNE DE BLAUZAC demande l'annulation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, sur la demande de la SCI Victor et de la SARL « Pain de Blauzac », d'une part, suspendu l'exécution de la délibération du conseil municipal de Blauzac en date du 24 mai 2005 portant exercice du droit de préemption sur un immeuble cadastré AB n° 144, constitué d'un local à usage d'habitation et d'un local commercial occupé par une boulangerie, et, d'autre part, mis à la charge de la commune une somme globale de 1 000 euros à verser aux sociétés requérantes en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la déclaration d'intention d'aliéner adressée à la mairie de Blauzac par le notaire chargé de la vente de l'immeuble mentionné ci-dessus désignait la SCI Victor comme le bénéficiaire de cette vente ; que ce motif suffisait à justifier de la qualité d'acquéreur évincé dont se prévalait la SCI Victor devant le juge des référés ; qu'en déduisant de cette qualité que la SCI Victor avait intérêt pour agir à l'encontre de la décision de préemption du 24 mai 2005, ce dernier n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant, pour estimer remplie la condition d'urgence énoncée à l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative, qu'eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets à l'égard de l'acquéreur évincé, cette condition devait en principe être regardée comme satisfaite lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision et que les sociétés requérantes se prévalaient, sans être contredites, de l'imminence de la conclusion de l'acte authentique de vente, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ; que, ce faisant et compte tenu de l'argumentation en défense dont il était saisi, il a suffisamment motivé sa décision ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à l'office que lui attribuent les articles L. 511 ;1 et L. 521 ;1 du code de justice administrative, le juge des référés a pu, sans commettre d'erreur de droit, retenir, en l'état de l'instruction comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption litigieuse les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision, du vice de procédure l'entachant en l'absence de consultation du service des domaines, de la méconnaissance de l'article L. 213 ;1 du code de l'urbanisme en ce qu'il exclut du droit de préemption les immeubles compris dans une unité de production cédée en application de l'article L. 622 ;17 du code de commerce et de l'absence de justification de l'existence d'un projet suffisamment précis au regard des exigences de l'article L. 210 ;1 du code de l'urbanisme ; qu'en statuant ainsi, il n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant, toutefois, que si, dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui ;ci, être fait droit à ces conclusions, les conclusions propres à chaque requérant ne sauraient en revanche être accueillies sans que leur recevabilité ait été admise ; que, par suite, si le juge des référés a pu, sans erreur de droit, admettre la recevabilité des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 24 mai 2005 en se fondant sur ce que la SCI Victor avait justifié de son intérêt pour agir à l'encontre de la décision de préemption litigieuse, il ne pouvait se dispenser de vérifier la recevabilité de la demande de la SARL « Pain de Blauzac » pour faire droit aux conclusions présentées devant lui au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative en tant qu'elles émanaient de cette dernière ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE BLAUZAC est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a mis à sa charge une somme globale de 1 000 euros à verser à la SCI Victor et à la SARL « Pain de Blauzac » au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, de statuer sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que, si l'ensemble des formalités qu'implique la constitution d'une société à responsabilité limitée n'étaient pas accomplies à la date de l'introduction de la demande de suspension, il n'est pas contesté qu'étaient intervenus les premiers actes de création de la SARL « Pain de Blauzac », notamment la signature de ses statuts par les associés et la présentation à l'enregistrement ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que la constitution de cette société a été entreprise en vue d'acquérir et d'exploiter le fonds de commerce de boulangerie rattaché à l'immeuble faisant l'objet de la décision de préemption litigieuse ; que, par suite, les fins de non ;recevoir tirées du défaut de capacité et d'intérêt pour agir de cette société en cours de constitution doivent être écartées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNE DE BLAUZAC le versement, respectivement, à la SCI Victor et à la SARL « Pain de Blauzac » d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles devant le tribunal administratif de Montpellier et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ces sociétés, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par la COMMUNE DE BLAUZAC à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 24 août 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La COMMUNE DE BLAUZAC versera, respectivement, une somme de 1 500 euros à la SCI Victor et à la SARL « Pain de Blauzac » au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE BLAUZAC est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BLAUZAC, à la SCI Victor, à la SARL « Pain de Blauzac » et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 284788
Date de la décision : 23/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jan. 2006, n° 284788
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : BLONDEL ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:284788.20060123
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