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27/01/2006 | FRANCE | N°273155

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 27 janvier 2006, 273155


Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ruth A demeurant à la Croix rouge française

66, rue Dupont des Loges à Rennes (35000) ; Mme A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 septembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2004 par lequel le préfet de l'Ille-et-Vilaine a décidé sa reconduite à la frontière ;<

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2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner la nomination d'u...

Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ruth A demeurant à la Croix rouge française

66, rue Dupont des Loges à Rennes (35000) ; Mme A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 septembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2004 par lequel le préfet de l'Ille-et-Vilaine a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner la nomination d'un expert aux fins de déterminer la compatibilité de l'état de santé de son enfant mineur, avec un retour au Congo ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance

du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (…) : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité congolaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 juin 2004, de la décision en date du 14 juin 2004 par laquelle le préfet de l'Ille-et-Vilaine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas mentionné au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance

du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion (...) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...). Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du

30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (…). Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. L'état de santé défini au 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas du présent article ; que l'arrêté

du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressée peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ; qu'en se fondant sur un avis rendu par le médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-et-Vilaine qui ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour l'enfant de

Mme A de retourner sans risque vers la République démocratique du Congo, alors qu'il ressortait de l'avis médical que l'état de santé de l'enfant de l'intéressée pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à suivre un traitement dans ce pays, l'arrêté de reconduite à la frontière a été pris suivant une procédure irrégulière et est, par suite, entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A qui est recevable à soulever de nouveau en appel un moyen relevant à la légalité externe de l'arrêté attaqué, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté

du 10 août 2004 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa reconduite à la frontière ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 septembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 10 août 2004 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné la reconduite à la frontière de Mme A est annulé.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Ruth A, au préfet

d'Ille-et-Vilaine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jan. 2006, n° 273155
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur public ?: Mlle Verot

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 27/01/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 273155
Numéro NOR : CETATEXT000008237952 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-01-27;273155 ?
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