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06/02/2006 | FRANCE | N°262312

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 06 février 2006, 262312


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Jacqueline Y, née YX, demeurant ... ; Mme Y demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 28 mai 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 17 novembre 2000 confirmant la décision de récupération de l'aide sociale prise son encontre le 22 juin 2000 par la commission d'admission à l'aide sociale de Périgueux ;

Vu les aut

res pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Jacqueline Y, née YX, demeurant ... ; Mme Y demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 28 mai 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 17 novembre 2000 confirmant la décision de récupération de l'aide sociale prise son encontre le 22 juin 2000 par la commission d'admission à l'aide sociale de Périgueux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000, notamment son article 5 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,

- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme Y née YX,

les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme YX, qui a bénéficié de l'aide sociale du 1er avril 1993 au 28 novembre 1999, avait souscrit, le 4 octobre 1990, un contrat d'assurance vie dont Mme Y, fille de l'assurée, était une des bénéficiaires en cas de décès de cette dernière ; qu'à la suite du décès de Mme YX le 28 novembre 1999, le département de la Dordogne a décidé d'exercer une action en récupération de sa créance d'aide sociale à l'encontre de Mme Y regardée comme ayant bénéficié d'une donation de sa mère du fait de ce contrat d'assurance vie ; que, par une décision en date du 17 novembre 2000, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a maintenu l'action exercée par le département de la Dordogne ; que cette décision a été confirmée en appel par une décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 28 mai 2003, contre laquelle Mme Y se pourvoit en cassation ;

Sur la composition de la commission centrale d'aide sociale :

Considérant que si, en application des dispositions du septième alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale, maintenu alors en vigueur par le I de l'article 5 de l'ordonnance du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de l'action sociale et des familles, un rapporteur, nommé soit parmi les membres du Conseil d'Etat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes, particulièrement compétentes en matière d'aide ou d'action sociale, est chargé de l'instruction des dossiers soumis à l'examen de la commission centrale d'aide sociale, ses attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne lui confèrent pas le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi, et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, la participation de celui-ci au délibéré de la commission centrale d'aide sociale n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe d'impartialité rappelé par les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le bien ;fondé de la décision :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, ultérieurement reprises au 2° de l'article L. 132 ;8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable à la date de l'ouverture des droits à l'aide sociale de Mme YX, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; d'autre part, qu'aux termes de l'article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte » ;

Considérant qu'un contrat d'assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132 ;1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé qu'un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l'échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n'a pas en lui ;même le caractère d'une donation, au sens de l'article 894 du code civil ; que, toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l'administration de l'aide sociale de rétablir, s'il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de l'aide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, d'une question préjudicielle ; qu'à ce titre, un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l'essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis ;à ;vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l'intention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l'importance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme s'étant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur l'assureur ; que, dans ce cas, l'acceptation du bénéficiaire, alors même qu'elle n'interviendrait qu'au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l'administration de l'aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l'application des dispositions relatives à la récupération des créances d'aide sociale ;

Considérant que pour déterminer si le département de la Dordogne était en droit d'exercer une action en récupération à l'encontre de Mme Y en application des dispositions précitées du b) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, la commission centrale d'aide sociale s'est fondée sur l'âge de la mère de la requérante au moment de la souscription du contrat d'assurance vie litigieux ainsi que sur l'importance des primes versées par rapport au patrimoine de l'intéressée ; qu'au vu de ces constatations, la commission centrale d'aide sociale a souverainement estimé, par une décision exempte de dénaturation, que la souscription d'un tel contrat procédait d'une intention libérale et que la preuve de son caractère rémunératoire en contrepartie des soins prodigués par Mme Y à sa mère n'était pas apportée ; qu'elle a pu légalement en déduire que Mme Y avait bénéficié d'une donation de la part de sa mère ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la commission, qui est compétente pour interpréter les dispositions du code civil et qui, pour établir l'intention libérale du souscripteur, n'a eu à se prononcer que sur des éléments essentiellement factuels ne concernant ni l'interprétation ni la validité du contrat litigieux, n'avait pas à procéder, par voie de question préjudicielle, à un renvoi devant les juridictions judiciaires,

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 28 mai 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a maintenu l'action exercée par le département de la Dordogne pour la récupération d'une créance d'aide sociale ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline Y née YX, au département de la Dordogne et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 262312
Date de la décision : 06/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AIDE SOCIALE - CONTENTIEUX DE L'AIDE SOCIALE ET DE LA TARIFICATION - CONTENTIEUX DE L'ADMISSION À L'AIDE SOCIALE - COMMISSION CENTRALE D'AIDE SOCIALE - COMPOSITION - PARTICIPATION DU RAPPORTEUR AU DÉLIBÉRÉ - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE [RJ1].

04-04-01-01 Si, en application des dispositions du septième alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale, maintenu alors en vigueur par le I de l'article 5 de l'ordonnance du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de l'action sociale et des familles, un rapporteur, nommé soit parmi les membres du Conseil d'Etat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes, particulièrement compétentes en matière d'aide ou d'action sociale, est chargé de l'instruction des dossiers soumis à l'examen de la commission centrale d'aide sociale, ses attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne lui confèrent pas le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction. Ainsi, et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, la participation de celui-ci au délibéré de la commission centrale d'aide sociale n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe d'impartialité rappelé par les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - PARTICIPATION DU RAPPORTEUR AU DÉLIBÉRÉ DE LA COMMISSION CENTRALE D'AIDE SOCIALE [RJ1].

26-055-01-06 Si, en application des dispositions du septième alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale, maintenu alors en vigueur par le I de l'article 5 de l'ordonnance du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de l'action sociale et des familles, un rapporteur, nommé soit parmi les membres du Conseil d'Etat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes, particulièrement compétentes en matière d'aide ou d'action sociale, est chargé de l'instruction des dossiers soumis à l'examen de la commission centrale d'aide sociale, ses attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne lui confèrent pas le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction. Ainsi, et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, la participation de celui-ci au délibéré de la commission centrale d'aide sociale n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe d'impartialité rappelé par les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Références :

[RJ1]

Rappr. Section, 3 décembre 1999, Leriche, p. 402, s'agissant de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins ;

3 décembre 2003, Pharmacie du soleil, T. p. 846, s'agissant de la commission supérieure des soins gratuits.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2006, n° 262312
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:262312.20060206
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