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08/02/2006 | FRANCE | N°275161

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 08 février 2006, 275161


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA COTE D'OR ; le PREFET DE LA COTE D'OR demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 29 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 19 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ainsi que son arrêté du même jour décidant le placement en rétention administrative de l'intéressée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention e

uropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA COTE D'OR ; le PREFET DE LA COTE D'OR demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 29 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 19 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ainsi que son arrêté du même jour décidant le placement en rétention administrative de l'intéressée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., ressortissante marocaine, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et que sa situation n'a pas été régularisée par la suite ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si l'arrêté n° 411 en date du 27 août 2004 du PREFET DE LA COTE D'OR ne donnait délégation de signature à M. , directeur de cabinet du préfet, que dans tous les domaines relevant des attributions du cabinet du préfet et des services rattachés, dont il n'est pas contesté qu'elles n'incluaient pas les attributions en matière de police des étrangers, l'article 2 de l'arrêté n° 412 de la même date portant délégation de signature du PREFET DE LA COTE D'OR à M. Y, secrétaire général de la préfecture, prévoyait qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. Y la délégation de signature consentie par le préfet serait exercée par M. ; que cette délégation portait sur toutes les matières à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département, des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit ; qu'ainsi, en l'absence de M. Y, les dispositions de l'arrêté n° 412 du 27 août 2004, régulièrement publié le 31 août 2004 au recueil des actes administratifs de la préfecture, donnaient compétence à M. pour signer les arrêtés attaqués ordonnant la reconduite à la frontière et le placement en rétention administrative de Mlle X... ; que le PREFET DE LA COTE D'OR est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur l'incompétence de leur signataire pour annuler les arrêtés attaqués ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif de Dijon ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... :

Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ; que contrairement à ce que soutient Mlle X..., il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation familiale n'aurait pas été examinée par le préfet ;

Considérant que Mlle X... est entrée en France, selon ses dires, en 2002, alors qu'elle était âgée de 41 ans, pour rejoindre sa soeur, et qu'elle doit épouser un ressortissant français ; que toutefois, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère très récent de la relation dont elle se prévaut et de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que par suite le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant que si Mlle X... a été convoquée le 16 puis le 19 novembre 2004 par les services de police à la suite du dépôt de son dossier de mariage à la mairie, il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté attaqué, le PREFET DE LA COTE D'OR a voulu mettre fin à la situation irrégulière de Mlle X..., dont il n'avait pu avoir connaissance qu'à la suite de l'audition de cette dernière par les services de police, dès lors que l'intéressée n'avait jamais présenté de demande de régularisation de sa situation administrative, et non l'empêcher de se marier ; que par suite Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis un détournement de pouvoir en prenant l'arrêté attaqué dans le but de faire obstacle à son mariage ;

Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... n'ayant, ainsi qu'il a été dit, pas eu pour objet de faire échec à la célébration du mariage projeté par l'intéressée, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative de Mlle X... :

Considérant que compte tenu des circonstances de l'espèce, les conditions dans lesquelles Mlle X... a été convoquée par les services de police sont sans influence sur la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le placement en rétention administrative de Mlle X... n'a pas eu pour objet de s'opposer au mariage de l'intéressée dont la célébration n'était prévue que quinze jours plus tard ; que le moyen tiré d'un détournement de pouvoir entachant l'arrêté attaqué doit être dès lors rejeté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA COTE D'OR est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés en date du 19 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière et le placement en rétention administrative de Mlle X... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que Mlle X... demande au titre des frais exposés par elle en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon en date du 29 novembre 2004 est annulé.

Article 2 : La demande de Mlle X... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA COTE D'OR, à Mlle X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 275161
Date de la décision : 08/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2006, n° 275161
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mlle Sibyle Petitjean
Rapporteur public ?: M. Boulouis

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:275161.20060208
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