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13/02/2006 | FRANCE | N°279180

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 13 février 2006, 279180


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE, dont le siège est 20 place de l'Iris à Courbevoie (92400), et FIDUCIAL EXPERTISE, dont le siège est 20 place de l'Iris à Courbevoie (92400) ; les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE et FIDUCIAL EXPERTISE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 19 octobre 2004 autorisant la société CEGID SA à prendre le contrôle de la soc

iété CCMX Holding, conformément à un protocole d'accord signé entre le...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE, dont le siège est 20 place de l'Iris à Courbevoie (92400), et FIDUCIAL EXPERTISE, dont le siège est 20 place de l'Iris à Courbevoie (92400) ; les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE et FIDUCIAL EXPERTISE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 19 octobre 2004 autorisant la société CEGID SA à prendre le contrôle de la société CCMX Holding, conformément à un protocole d'accord signé entre les parties le 23 juin 2004, dans le secteur des logiciels de gestion à destination des petites et moyennes entreprises et des experts comptables ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 février 2006, présentée pour les SOCIETES FIDUCIAL EXPERTISE et FIDUCIAL INFORMATIQUE ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE FIDUCIAL INFORMATIQUE et de la SOCIETE FIDUCIAL EXPERTISE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société CEGID SA et de la société CCMX Holding,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE ET FIDUCIAL EXPERTISE demandent l'annulation de la décision du 19 octobre 2004, publiée le 26 avril 2005 au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a autorisé la société CEGID SA à prendre le contrôle de la société CCMX Holding, sans demander l'avis du Conseil de la concurrence ni subordonner cette autorisation au respect d'aucun engagement ; que par ordonnance du 19 mai 2005, le juge des référés du Conseil d'Etat a suspendu l'exécution de cette décision ; que, par sa décision du 20 juillet 2005, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avant dire droit sur la requête au fond, a saisi le Conseil de la concurrence, en sa qualité d'autorité administrative indépendante, habilitée à analyser, en les complétant par ses propres investigations, les informations réunies par l'administration sur un projet de concentration notifié, afin d'éclairer l'autorité compétente sur les atteintes que ce projet est susceptible de porter à la concurrence et, le cas échéant, sur le caractère suffisant des contributions apportées au progrès économique pour compenser ces atteintes, (...) aux fins d'examiner, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article L. 430-6 du code de commerce, l'opération de concentration, telle qu'elle a été notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de remettre son avis au Conseil d'Etat dans le délai de trois mois à partir de la transmission qui lui sera faite par le ministre du dossier de cette opération ;

Considérant que ce délai de trois mois, qui avait commencé à courir le 23 août, a été suspendu le 27 septembre par une requête présentée, sous le numéro 285648, par les SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE ET FIDUCIAL EXPERTISE demandant que le Conseil d'Etat, interprétant sa décision du 20 juillet, ordonne au Conseil de la concurrence de respecter le principe du contradictoire à leur égard à tous les stades de sa procédure, dise que toutes les pièces réunies par ce conseil devront leur être communiquées au fur et à mesure de l'avancement de cette procédure, dise que les rapporteurs devront leur communiquer le rapport dans un délai permettant d'y répondre et dise qu'elles pourront participer à la totalité de la séance au cours de laquelle l'affaire sera examinée par le Conseil de la concurrence ; que par décision du 19 octobre 2005, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a rejeté cette requête, après avoir relevé que la décision du 20 juillet 2005 impliquait nécessairement que le Conseil de la concurrence suive, pour rendre son avis, la procédure prévue à l'article L. 430-6 du code de commerce, dont le caractère pleinement contradictoire n'est prévu qu'à l'égard des parties à la concentration litigieuse et qu'il en résultait que les concurrents contestant cette opération, à laquelle ils ne sont pas partie, n'ont pas à recevoir communication du rapport établi par les rapporteurs, sans préjudice de la possibilité pour le Conseil de la concurrence, de décider de les entendre, hors la présence des parties, si cette audition lui paraît utile à son information ; que le Conseil de la concurrence a rendu son avis le 14 décembre 2005 ;

Considérant que les requérantes demandent que cet avis soit écarté du dossier au motif que, dès lors qu'il n'a pas été établi selon une procédure contradictoire à leur égard, son examen vicierait l'équité du procès, garantie par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si les stipulations ainsi invoquées ne s'appliquent pas à la présente instance, qui, engagée par un tiers qui n'est pas partie à la concentration, n'est pas une contestation portant sur des droits de caractère civil au sens de cette convention, le bien-fondé du moyen ainsi exprimé doit néanmoins être apprécié au regard des règles générales de la procédure contentieuse, qui ont le même objet ;

Considérant que si les règles générales de la procédure contentieuse interdisent au juge de se fonder sur des pièces qui n'auraient pas été soumises au débat contradictoire, ces règles n'imposent pas pour autant que, dans tous les cas, l'avis que le juge recueille d'un tiers ait lui-même été établi à la suite d'une procédure contradictoire ; que si ce tiers est amené, avant de rendre son avis, à entendre l'une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, il est en principe nécessaire qu'il associe l'autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d'un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s'y oppose pas ; que dans ce dernier cas, il appartient au juge d'apprécier si, eu égard notamment à l'instance consultée et à l'objet du litige, les conditions dans lesquelles l'avis a été élaboré sont de nature à vicier l'équité du procès, par exemple parce qu'elles auraient favorisé l'une des parties dans l'administration de la preuve ;

Considérant que les investigations auxquelles se livre le Conseil de la concurrence pour apprécier la portée économique d'une concentration impliquent qu'il prenne connaissance d'informations couvertes par le secret des affaires, ce qui exclut que les concurrents hostiles à cette concentration y soient contradictoirement associés ; qu'eu égard à l'indépendance et aux méthodes de travail de cette autorité collégiale, qui, contrairement à ce qui est allégué, a mené ces investigations sans le concours de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le fait que les sociétés requérantes n'ont pas été contradictoirement associées aux dites investigations ne saurait suffire à faire regarder l'examen de cet avis comme viciant l'équité du procès, alors surtout que, d'une part, le raisonnement développé qui soutient ses conclusions laisse toute latitude à la contestation ultérieure devant le juge et que, d'autre part, les requérantes ont bénéficié des mêmes garanties procédurales que si l'avis avait été rendu dans le cadre de la procédure administrative suite à la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre ;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner le bien fondé de la décision attaquée, au regard des éléments nouveaux ou complémentaires retenus par le ministre, qui invoque son droit à justifier sa décision par d'autres motifs que ceux initialement retenus, dès lors qu'il ne porte atteinte, ce faisant, à aucune garantie procédurale liée au motif substitué ;

Sur le marché pertinent et la part détenue par les parties à la concentration :

Considérant que, selon le Conseil de la concurrence, le marché pertinent sur lequel doivent être observés les effets de la concentration est le marché français de l'offre, à la profession des experts comptables libéraux (PCL), y compris ceux qui sont regroupés au sein des centres de gestion agréés, des progiciels de gestion spécialisés et des services associés, tels que l'adaptation des progiciels aux exigences du client et l'assistance-dépannage, à l'exclusion des services de formation ; que cette analyse, qui ne diffère de celle initialement faite par le ministre qu'en tant qu'elle inclut les centres de gestion agréés et exclut les services de formation, conduit à reconnaître au nouveau groupe résultant de la concentration une part représentant 45 % du marché, tant en valeur (part des 80 millions d'euros représentant le chiffre d'affaires total réalisé sur ce marché) qu'en volume (part des 15650 sites de production, répertoriés en fonction de leur progiciel de production principal), et à son plus proche concurrent (le groupe SAGE) des parts de 25-30 % en valeur et de 19,3 % en volume ; que ni l'observation des sociétés requérantes, selon laquelle la pondération des sites de production en fonction du nombre d'experts comptables dépendant effectivement de chaque site conduirait à reconnaître respectivement au nouveau groupe et à SAGE des parts en volume de 60 % et de 23 %, ni les réserves du ministre qui, comme les sociétés requérantes, conteste l'inclusion des centres de gestion agréés au nombre des sites déjà susceptibles d'acquérir des progiciels de gestion comptable, ne modifient le constat selon lequel la concentration conduit à une situation dans laquelle, si les deux sociétés principales se partagent une grande part du marché, une part significative de ce marché est détenue par de nombreux autres opérateurs très actifs, notamment les groupes Isagri-Agiris, Cador-Dorac et Azur Conception ;

Sur les barrières à l'entrée sur ce marché :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du Conseil de la concurrence, que, s'il est malaisé de faire évoluer un progiciel de gestion conçu pour les entreprises, pour le transformer en progiciel adapté à la PCL, le développement d'un tel progiciel ne rencontre aucune barrière liée à la technologie ou aux coûts d'investissement ; que si la constitution d'un réseau de démarcheurs spécialisés pour la PCL implique, elle, un investissement notable, celui-ci pourrait être aisément effectué par plusieurs des éditeurs déjà présents sur le marché des progiciels entreprise, qui sont de grands groupes internationaux disposant d'une importante puissance financière ; que la véritable limite à une pénétration rapide sur le marché réside dans l'inertie des clients qui, même à l'occasion de l'indispensable renouvellement de leurs progiciels (tous les cinq ans environ), hésitent à supporter les risques migratoires et les coûts de formation impliqués par un changement de fournisseur, surtout si celui-ci n'a pas la notoriété du précédent ; que toutefois doivent être pris en compte les facteurs d'animation concurrentielle sur le marché des progiciels que constituent les modifications réglementaires, qui contraignent les clients à anticiper le renouvellement de leurs progiciels, l'accélération des innovations technologiques, telles que la fourniture d'applications en ligne, et la mobilité des équipes de salariés, qui développent ce type d'applications en changeant d'entreprise ;

Sur le bilan concurrentiel :

Considérant que, même dans la situation actuelle où le marché, dans sa structure résultant de la concentration litigieuse, n'est pas encore confronté à de tels comportements, d'abord aucun de ses deux membres n'aura, par hypothèse, intérêt à augmenter les prix affichés des licences, ensuite, le manque de transparence dans la fixation des remises effectivement octroyées sur les prix affichés exclut l'instauration de comportements coordonnés traduisant une position dominante collective, enfin, l'importance des acteurs présents sur le marché voisin des progiciels de gestion entreprise, au nombre desquels figure d'ailleurs le groupe SAGE, minimise la portée de l'avantage congloméral que le nouveau groupe pourrait tirer du pouvoir prescripteur des comptables libéraux auprès de leurs propres clients ; qu'ainsi qu'il a été déjà dit, la nouvelle entité est confrontée d'une part à un concurrent qui, non seulement, détient une part de marché représentant environ la moitié de la sienne, mais encore appartient à un groupe international beaucoup plus puissant qu'elle, d'autre part à une importante frange du marché, dans laquelle sont actifs de nombreux autres opérateurs ; qu'au demeurant le conseil supérieur de l'ordre des experts comptables, se faisant l'écho de la très grande majorité de la profession qu'il représente, a estimé que l'opération ne menaçait pas la concurrence sur le marché des progiciels destinés à la PCL, du fait notamment de l'apparition régulière de nouveaux acteurs réactifs ;

Considérant que les éléments nouveaux ou complémentaires invoqués devant le Conseil d'Etat par le ministre confirment en substance les conclusions de la décision attaquée, d'une part en explicitant les motifs pour lesquels cette dernière avait relevé la faiblesse des barrières à l'entrée sur le marché concerné et d'autre part en ajoutant le triple constat sus-analysé, relatif à l'absence d'effets horizontaux, unilatéraux ou coordonnés, et d'effets congloméraux de l'opération ; que ces précisions et compléments corrigent l'apparente contradiction qui résultait, dans la décision attaquée, de la disproportion entre les développements consacrés à l'inertie de ce marché de renouvellement et aux difficultés d'y pénétrer sans avoir constitué un réseau de démarcheurs spécialisés et acquis une notoriété préalable et l'affirmation que la faiblesse des barrières à l'entrée justifiait néanmoins l'autorisation de la concentration ; que, dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont fondées à soutenir ni que le ministre n'aurait pas pris la même décision au vu de ces éléments, ni qu'il aurait inexactement apprécié la portée de la concentration litigieuse sur la concurrence ; que leur requête doit donc être rejetée, ainsi que leur demande de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de chacune des deux sociétés requérantes la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société CEGID et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de faire droit aux conclusions que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie présente à l'encontre de ces sociétés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête des SOCIETES FIDUCIAL INFORMATIQUE et FIDUCIAL EXPERTISE est rejetée.

Article 2 : Les sociétés FIDUCIAL INFORMATIQUE et FIDUCIAL EXPERTISE verseront chacune la somme de 2 500 euros à la société CEGID SA, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FIDUCIAL INFORMATIQUE, à la SOCIETE FIDUCIAL EXPERTISE, à la société CEGID, à la SOCIETE CCMX Holding, au Conseil de la concurrence et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 279180
Date de la décision : 13/02/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - CONSEIL DE LA CONCURRENCE - PROCÉDURE APPLICABLE DEVANT LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE - A) PROCÉDURE NON CONTRADICTOIRE À L'ÉGARD DES TIERS À L'OPÉRATION DE CONCENTRATION (ART - L - 430-6 DU CODE DE COMMERCE) - B) CONSÉQUENCES DANS L'HYPOTHÈSE OÙ LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE S'EST PRONONCÉ À LA DEMANDE D'UNE JURIDICTION DANS LE CADRE D'UNE PROCÉDURE CONTENTIEUSE - 1) APPLICABILITÉ - DEVANT LA JURIDICTION - DES RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE - 2) PRINCIPE - NÉCESSITÉ DE STATUER AU VU DES PIÈCES SOUMISES AU DÉBAT CONTRADICTOIRE - DANS LE RESPECT TOUTEFOIS DU SECRET DES AFFAIRES À L'ÉGARD DES TIERS À L'OPÉRATION - 3) RESPECT DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - CONDITIONS - 4) APPLICATION - JURIDICTION STATUANT AU VU DE L'AVIS ÉMIS PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE - ABSENCE DE MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE.

14-05-005 a) Au soutien de leur requête tendant à l'annulation de la décision ministérielle autorisant une opération de concentration concernant deux sociétés tierces, les requérants demandent que l'avis émis sur cette opération par le Conseil de la concurrence, à la demande du Conseil d'Etat statuant avant dire droit et conformément à la procédure prévue à l'article L. 430-6 du code de commerce, dont le caractère pleinement contradictoire n'est prévu qu'à l'égard des parties à la concentration litigieuse, soit écarté du dossier au motif que, dès lors qu'il n'a pas été établi selon une procédure contradictoire à leur égard, son examen vicierait l'équité du procès, garantie par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.,,b) 1) Si les stipulations ainsi invoquées ne s'appliquent pas à l'instance, qui, engagée par des tiers qui ne sont pas parties à la concentration, n'est pas une « contestation portant sur des droits de caractère civil » au sens de cette convention, le bien-fondé du moyen ainsi exprimé doit néanmoins être apprécié au regard des règles générales de la procédure contentieuse, qui ont le même objet.,,2) Si les règles générales de la procédure contentieuse interdisent au juge de se fonder sur des pièces qui n'auraient pas été soumises au débat contradictoire, ces règles n'imposent pas pour autant que, dans tous les cas, l'avis que le juge recueille d'un tiers ait lui-même été établi à la suite d'une procédure contradictoire. Si ce tiers est amené, avant de rendre son avis, à entendre l'une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, il est en principe nécessaire qu'il associe l'autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d'un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s'y oppose pas.... ...3) Dans ce dernier cas, il appartient au juge d'apprécier si, eu égard notamment à l'instance consultée et à l'objet du litige, les conditions dans lesquelles l'avis a été élaboré sont de nature à vicier l'équité du procès, par exemple parce qu'elles auraient favorisé l'une des parties dans l'administration de la preuve.,,4) Les investigations auxquelles se livre le Conseil de la concurrence pour apprécier la portée économique d'une concentration impliquent qu'il prenne connaissance d'informations couvertes par le secret des affaires, ce qui exclut que les concurrents hostiles à cette concentration y soient contradictoirement associés. Eu égard à l'indépendance et aux méthodes de travail de cette autorité collégiale, qui, contrairement à ce qui est allégué, a mené ces investigations sans le concours de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le fait que les sociétés requérantes n'ont pas été contradictoirement associées aux dites investigations ne saurait suffire à faire regarder l'examen de cet avis comme viciant l'équité du procès, alors surtout que, d'une part, le raisonnement développé qui soutient ses conclusions laisse toute latitude à la contestation ultérieure devant le juge et que, d'autre part, les sociétés requérantes ont bénéficié des mêmes garanties procédurales que si l'avis avait été rendu dans le cadre de la procédure administrative à la suite d'une saisine du Conseil de la concurrence par le ministre.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - CONTRÔLE DE LA CONCENTRATION ÉCONOMIQUE - RÈGLES DE FOND - CRITÈRES D'APPRÉCIATION - BARRIÈRES À L'ENTRÉE ET EFFETS HORIZONTAUX - UNILATÉRAUX - COORDONNÉS OU CONGLOMÉRAUX.

14-05-01-03 Les conclusions tendant à l'annulation d'une décision ministérielle autorisant une opération de concentration doivent être rejetées dès lors que les barrières à l'entrée sur le marché concerné sont faibles et que l'opération n'induit pas d'effets horizontaux, unilatéraux ou coordonnés, ni d'effets congloméraux.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - CONTESTATION PAR DES TIERS D'UNE OPÉRATION DE CONCENTRATION ÉCONOMIQUE - CONSÉQUENCE - ABSENCE D'INCIDENCE SUR L'APPLICABILITÉ DES RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE PRÉVUES PAR LE DROIT NATIONAL.

26-055-01-06-01 Si les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'appliquent pas à l'instance qui, engagée par des tiers qui ne sont pas parties à la concentration, n'est pas une « contestation portant sur des droits de caractère civil » au sens de cette convention, le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par la juridiction statuant sur la légalité de la décision autorisant cette opération doit néanmoins être apprécié au regard des règles générales de la procédure contentieuse, qui ont le même objet.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DEVOIRS DU JUGE - JURIDICTION STATUANT AU VU D'UN AVIS REQUIS PAR DÉCISION AVANT DIRE DROIT - AVIS RENDU - EN L'OCCURRENCE PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE - SELON UNE PROCÉDURE NON CONTRADICTOIRE À L'ÉGARD DES REQUÉRANTS - CONSÉQUENCES - A) APPLICABILITÉ - DEVANT LA JURIDICTION - DES RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE - B) PRINCIPE - NÉCESSITÉ DE STATUER AU VU DES PIÈCES SOUMISES AU DÉBAT CONTRADICTOIRE - DANS LE RESPECT TOUTEFOIS DU SECRET DES AFFAIRES À L'ÉGARD DES TIERS À L'OPÉRATION - C) RESPECT DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - CONDITIONS - D) APPLICATION - JURIDICTION STATUANT AU VU DE L'AVIS ÉMIS PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE - ABSENCE DE MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE.

54-07-01-07 Au soutien de leur requête tendant à l'annulation de la décision ministérielle autorisant une opération de concentration concernant deux sociétés tierces, les requérants demandent que l'avis émis sur cette opération par le Conseil de la concurrence, à la demande du Conseil d'Etat statuant avant dire droit et conformément à la procédure prévue à l'article L. 430-6 du code de commerce, dont le caractère pleinement contradictoire n'est prévu qu'à l'égard des parties à la concentration litigieuse, soit écarté du dossier au motif que, dès lors qu'il n'a pas été établi selon une procédure contradictoire à leur égard, son examen vicierait l'équité du procès, garantie par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.,,a) Si les stipulations ainsi invoquées ne s'appliquent pas à l'instance, qui, engagée par des tiers qui ne sont pas parties à la concentration, n'est pas une « contestation portant sur des droits de caractère civil » au sens de cette convention, le bien-fondé du moyen ainsi exprimé doit néanmoins être apprécié au regard des règles générales de la procédure contentieuse, qui ont le même objet.,,b) Si les règles générales de la procédure contentieuse interdisent au juge de se fonder sur des pièces qui n'auraient pas été soumises au débat contradictoire, ces règles n'imposent pas pour autant que, dans tous les cas, l'avis que le juge recueille d'un tiers ait lui-même été établi à la suite d'une procédure contradictoire. Si ce tiers est amené, avant de rendre son avis, à entendre l'une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, il est en principe nécessaire qu'il associe l'autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d'un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s'y oppose pas.... ...c) Dans ce dernier cas, il appartient au juge d'apprécier si, eu égard notamment à l'instance consultée et à l'objet du litige, les conditions dans lesquelles l'avis a été élaboré sont de nature à vicier l'équité du procès, par exemple parce qu'elles auraient favorisé l'une des parties dans l'administration de la preuve.,,d) Les investigations auxquelles se livre le Conseil de la concurrence pour apprécier la portée économique d'une concentration impliquent qu'il prenne connaissance d'informations couvertes par le secret des affaires, ce qui exclut que les concurrents hostiles à cette concentration y soient contradictoirement associés. Eu égard à l'indépendance et aux méthodes de travail de cette autorité collégiale, qui, contrairement à ce qui est allégué, a mené ces investigations sans le concours de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le fait que les sociétés requérantes n'ont pas été contradictoirement associées aux dites investigations ne saurait suffire à faire regarder l'examen de cet avis comme viciant l'équité du procès, alors surtout que, d'une part, le raisonnement développé qui soutient ses conclusions laisse toute latitude à la contestation ultérieure devant le juge et que, d'autre part, les requérantes ont bénéficié des mêmes garanties procédurales que si l'avis avait été rendu dans le cadre de la procédure administrative à la suite d'une saisine du Conseil de la concurrence par le ministre.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2006, n° 279180
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:279180.20060213
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