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14/02/2006 | FRANCE | N°289178

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 14 février 2006, 289178


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme X, demeurant ... ; Mme X demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision du 13 décembre 2005 prise par le consul adjoint de l'ambassade de France au Togo refusant de lui accorder un visa ;

2°) d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le visa sollicité, d'appliquer la convention judiciaire entre le Togo et la France en reconnaissant le juge

ment d'annulation et de reconstitution de son acte de naissance et en le t...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme X, demeurant ... ; Mme X demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision du 13 décembre 2005 prise par le consul adjoint de l'ambassade de France au Togo refusant de lui accorder un visa ;

2°) d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le visa sollicité, d'appliquer la convention judiciaire entre le Togo et la France en reconnaissant le jugement d'annulation et de reconstitution de son acte de naissance et en le transcrivant dans les registres centraux de Nantes , de rembourser les frais de visa et la taxe de regroupement à titre de dédommagement, et de corriger les informations la concernant dans le système d'information de Schengen ;

elle soutient qu'il a été fait une application rétroactive illégale de la loi de mars 2005 à sa demande de visa déposée et enregistrée le 27 février 2004 ; que la notification du refus de visa n'a pas respecté les exigences de l'article 1er du décret n° 2005-170 du 23 février 2005 pris pour l'application des articles 47 et 170-1 du code civil ; que cette décision de refus est non conforme aux articles XXII et XXXVII de la convention judiciaire entre le Togo et la France et méconnaît les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que le regroupement familial a été accordé ; que le refus contesté est fondé sur l'allégation d'une falsification d'actes d'état civil alors qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre ce qui démontre le caractère arbitraire et abusif de ce refus ; que ces éléments démontrent le caractère urgent de la demande ;

Vu la décision dont la suspension est demandée et le recours formé devant la commission de recours contre les refus de visa en France ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 7 février 2006, présenté par le ministre des affaires étrangères qui tend au rejet de la requête au motif que les conclusions à fin d'injonction n'entrent pas dans le champ de celles que peut prononcer un juge des référés ; que s'agissant de la demande de suspension, en premier lieu, les moyens invoqués ne sont pas de nature à susciter un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la circonstance que la décision contestée ne comporte pas l'indication des voies et délais de recours est sans incidence sur sa régularité ; qu'il n'a été fait aucune application rétroactive des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France qui sont entrées en vigueur en mars 2005 et étaient applicables au moment où la décision de refus a été prise ; que cette décision a été prise sur le fondement de l'article 111-6 du code précité et ne viole pas les articles 47 alinéa 2 et 170-1 du code civil ; que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne sont pas applicables à la procédure en cause qui est administrative ; que la décision contestée ne met pas en cause les stipulations de la convention judiciaire entre la France et le Togo puisque ce jugement se prononce sur un acte de naissance qui n'est pas celui de la requérante ; qu'enfin, compte tenu des motifs d'ordre public qui fondent cette décision, il ne peut être reproché au consul de faire obstacle à un regroupement familial autorisé ou aux stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction à laquelle a procédé l'autorité consulaire que le document présenté par Mme X à l'appui de sa demande de visa de long séjour ne correspond à aucun acte figurant dans les registres de l'état civil concerné ; que s'agissant de l'urgence, rien n'établit que l'état de santé de l'intéressée justifie une procédure d'urgence ;

Vu enregistrées comme ci-dessus les 7 et 9 février 2006, les observations en réplique présentées pour Mme X qui tendent aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; elles tendent, en outre, à l'allocation d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la requérante fait valoir aussi que la décision contestée a admis que l'acte de naissance la concernant porte bien le n° 426/registre 5 et qu'il ne peut par suite être avancé l'argument selon lequel ce dernier acte porte une mention indiquant « sexe masculin » au lieu de « sexe féminin » ce qui ne peut être que le résultat d'une erreur matérielle ; que le jugement supplétif a bien rétabli ce dernier acte que les autorités françaises sont tenues de prendre en compte ; qu'en l'espèce, il n'y a eu aucune fraude et que la requérante est de bonne foi ; qu'une attestation jointe établit les problèmes de santé de l'intéressée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme X et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 10 février 2006 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme X ;

- M. Kodjo Mawupé WALLA X ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que Mme X fait valoir en premier lieu, que sa demande de visa ayant été déposée et enregistrée le 27 février 2004, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entré en vigueur le 1er mars 2005 en vertu des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 24 novembre 2004, ne lui étaient pas applicables et que cette application rétroactive viole les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que la décision de refus de visa qui lui a été opposée par le consul adjoint de l'ambassade de France au Togo a été prise le 13 décembre 2005 ; qu'elle expose en deuxième lieu, que la notification de ce refus n'a pas respecté les exigences de l'article 1er du décret du 23 février 2005 pris pour l'application des articles 47 et 170-1 du code civil tels qu'ils ont été modifiés par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité alors que l'article 48 de cette même loi a pris soin de modifier l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu l'article 111-6 du code précité, en prévoyant expressément la possibilité, « par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 47 du code civil», pour les agents diplomatiques et consulaires « de procéder, de leur propre initiative …à la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa … » ; qu'elle fait valoir en troisième lieu, qu'elle est de bonne foi et que l'acte d'état civil qu'elle a produit, n'est entaché d'aucune fraude alors qu'il ressort des pièces du dossier que ce document ne correspond pas aux souches des registres d'état civil locaux qui d'ailleurs visent des personnes de sexe masculin, et comporte des discordances en ce qui concerne sa rédaction et ses énonciations et la signature de l'officier du registre avec lesdites souches ; que la requérante soutient que l'autorité consulaire, en refusant de tenir compte du jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Kpalimé en date du 29 juillet 2004 qui a estimé que la pièce qu'elle détenait était entachée d'erreur matérielle et a annulé la souche de l'acte de naissance n° 424 du 11 novembre 1976 et ordonné la reconstitution de cette souche, a méconnu les stipulations de la convention judiciaire conclue entre la France et le Togo alors que l'annulation prononcée par ce jugement porte sur une souche d'acte de naissance qui ne concerne pas l'intéressée et n'a donc pu venir suppléer les inexactitudes affectant la déclaration de naissance qu'elle produit ;

Considérant enfin que si Mme X se prévaut de la rectification dont ce jugement a été l'objet, et qui porte tout à la fois sur l'annulation des actes argués d'irrégularité et sur l'injonction faite d'ordonner la reconstitution de sa filiation, cette rectification a été effectuée le 19 décembre 2005, soit postérieurement à la décision contestée et ne saurait donc être prise en compte pour apprécier sa légalité ; qu'elle pourra, en revanche, être utilement invoquée devant la commission de recours contre les refus de visas saisie par la requérante dès le 26 décembre 2005 ; que d'ailleurs, les représentants de l'administration ont exposé au cours de l'audience que cette rectification ferait l'objet des vérifications d'usage au cours de la procédure suivie devant cette commission et que les représentants de la demanderesse se sont engagés de leur côté à fournir tous les éléments utiles de nature à étayer leur argumentation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués par Mme X ne peut être regardé comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa demande de suspension de cette décision ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme X et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 289178
Date de la décision : 14/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-03-01 PROCÉDURE. - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE. - MOYEN PROPRE À CRÉER UN DOUTE SÉRIEUX SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION. - ABSENCE - MOYEN TIRÉ DE CE QU'UN REFUS DE VISA FONDÉ SUR LE DOUTE RESSENTI SUR L'AUTHENTICITÉ D'UN DOCUMENT D'ÉTAT CIVIL PRÉSENTÉ À L'APPUI DE LA DEMANDE N'A PAS ÉTÉ NOTIFIÉ EN RESPECTANT LES EXIGENCES DE L'ARTICLE 1ER DU DÉCRET DU 23 FÉVRIER 2005 PRIS POUR L'APPLICATION DES ARTICLES 47 ET 170-1 DU CODE CIVIL TELS QU'ILS ONT ÉTÉ MODIFIÉS PAR LA LOI DU 26 NOVEMBRE 2003 RELATIVE À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION.

54-035-02-03-01 N'est pas susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité d'un refus de visa fondé sur le doute ressenti sur l'authenticité d'un document d'état civil présenté à l'appui de la demande le moyen tiré de ce que le refus n'a pas été notifié en respectant les exigences de l'article 1er du décret du 23 février 2005 pris pour l'application des articles 47 et 170-1 du code civil tels qu'ils ont été modifiés par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2006, n° 289178
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:289178.20060214
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