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15/02/2006 | FRANCE | N°274997

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 15 février 2006, 274997


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Louis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article D. 320-2 du code de procédure pénale tel qu'il résulte du décret du 5 octobre 2004 en tant qu'il limite la constitution du pécule de libération des détenus en le plafonnant à 1 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale, en particulier les articles 728-1 et D. 320 ;

Vu la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d

'organisation et de réorganisation pour la justice ;

Vu le code de justice administ...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Louis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article D. 320-2 du code de procédure pénale tel qu'il résulte du décret du 5 octobre 2004 en tant qu'il limite la constitution du pécule de libération des détenus en le plafonnant à 1 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale, en particulier les articles 728-1 et D. 320 ;

Vu la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'organisation et de réorganisation pour la justice ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 728-1 du code de procédure pénale : Les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites à un compte nominatif ouvert à l'établissement pénitentiaire, sont divisées en trois parts : la première sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d'aliments peuvent faire valoir leurs droits ; la deuxième, affectée au pécule de libération, qui ne peut faire l'objet d'aucune voie d'exécution ; la troisième, laissée à la libre disposition des détenus. Les sommes destinées à l'indemnisation des parties civiles leur sont versées directement, sous réserve des droits des créanciers d'aliments, à la demande du procureur de la République, par l'établissement pénitentiaire. La consistance des valeurs pécuniaires, le montant respectif des parts et les modalités de gestion du compte nominatif sont fixés par décret. ;

Considérant que ces dispositions législatives ont entendu que les détenus soient incités à travailler durant l'exécution de leur peine et que les sommes qui leur échoient soient utilisées à la fois pour indemniser les victimes et créanciers d'aliments, pour constituer un pécule de libération destiné à favoriser la réinsertion des intéressés après leur libération, enfin pour leur permettre de disposer de certaines ressources disponibles durant leur condamnation ; que les trois parts prévues par l'article 728-1 du code de procédure pénale correspondent à ces trois objectifs ; que, si le pouvoir réglementaire, auquel la loi a laissé le soin de déterminer les règles de répartition entre ces trois parts, dispose à cet égard d'une marge d'appréciation étendue, il lui incombe de fixer des modalités d'application qui ne dénaturent pas la portée de l'équilibre voulu par le législateur ;

Considérant que le décret du 5 octobre 2004, dont les prescriptions sur ce point sont insérées aux articles D. 320-1 et D. 320-2 du code de procédure pénale, a prévu que la part affectée à l'indemnisation des parties civiles et créanciers d'aliments représenterait un pourcentage des sommes qui échoient aux détenus variant, de 20 % au moins à 30 % au plus, en fonction du montant des sommes perçues par les intéressés, et que 10 % de ces sommes seraient affectés au pécule de libération ; que l'article D. 320-2 plafonne toutefois à 1 000 euros le montant de ce pécule ; que M. A demande l'annulation de ces dispositions en tant qu'elles fixent une telle limite au pécule de libération ;

Considérant que, si le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que les dispositions attaquées ont été prises pour la mise en oeuvre des orientations fixées par le rapport annexé à la loi du 9 septembre 2002 d'organisation et de programmation pour la justice, ce rapport n'est pas revêtu de la portée normative qui s'attache aux dispositions de la loi et ne saurait donc servir de fondement aux prescriptions contestées ;

Considérant qu'en édictant, pour le pécule de libération, un plafonnement de 1 000 euros, qui ne tient aucun compte de la durée de la détention, l'article D. 320-2 du code de procédure pénale limite, d'une manière manifestement erronée, ce pécule à un niveau qui est de nature à dissuader les condamnés à de longues peines de travailler et qui, par le montant qu'il retient, dénature la portée de l'équilibre voulu par le législateur entre les trois parts qu'il a distinguées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'article D. 320-2 du code de procédure pénale en tant qu'il limite à 1 000 euros le montant du pécule de libération ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article D. 320-2 du code de procédure pénale est annulé en tant qu'il limite à 1 000 euros le montant du pécule de libération.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - ARTICLE D - 320-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE EN TANT QU'IL LIMITE À 1000 EUROS LE MONTANT DU PÉCULE DE LIBÉRATION QUE PEUVENT SE CONSTITUER LES DÉTENUS - DÉNATURATION DE LA PORTÉE DE L'ÉQUILIBRE PRÉVU PAR L'ARTICLE 728-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE.

01-04-02-02 Les dispositions législatives de l'article 728-1 du code de procédure pénale ont prévu que les valeurs pécuniaires des détenus seraient divisées en trois parts et ainsi entendu que les détenus soient incités à travailler durant l'exécution de leur peine et que les sommes qui leur échoient soient utilisées à la fois pour indemniser les victimes et créanciers d'aliments, pour constituer un pécule de libération destiné à favoriser la réinsertion des intéressés après leur libération, enfin pour leur permettre de disposer de certaines ressources disponibles durant leur condamnation. Si le pouvoir réglementaire, auquel la loi a laissé le soin de déterminer les règles de répartition entre ces trois parts, dispose à cet égard d'une marge d'appréciation étendue, il lui incombe de fixer des modalités d'application qui ne dénaturent pas la portée de l'équilibre voulu par le législateur. Or, le décret du 5 octobre 2004 a plafonné à 1000 euros la deuxième part, soit le pécule de libération. En édictant ainsi un plafonnement qui ne tient aucun compte de la durée de la détention, l'article D. 320-2 du code de procédure pénale limite, d'une manière manifestement erronée, ce pécule à un niveau qui est de nature à dissuader les condamnés à de longues peines de travailler et qui, par le montant qu'il retient, dénature la portée de l'équilibre voulu par le législateur entre les trois parts qu'il a distinguées.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - LIBERTÉS PUBLIQUES ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE - DROITS DES DÉTENUS - ARTICLE D - 320-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE FIXANT LA RÉPARTITION DES VALEURS PÉCUNIAIRES DES DÉTENUS ENTRE LES TROIS PARTS PRÉVUES À L'ARTICLE 728-1 DU MÊME CODE - ILLÉGALITÉ EN TANT QU'IL PLAFONNE À 1000 EUROS LE PÉCULE DE LIBÉRATION.

26-03 Les dispositions législatives de l'article 728-1 du code de procédure pénale ont prévu que les valeurs pécuniaires des détenus seraient divisées en trois parts et ainsi entendu que les détenus soient incités à travailler durant l'exécution de leur peine et que les sommes qui leur échoient soient utilisées à la fois pour indemniser les victimes et créanciers d'aliments, pour constituer un pécule de libération destiné à favoriser la réinsertion des intéressés après leur libération, enfin pour leur permettre de disposer de certaines ressources disponibles durant leur condamnation. Si le pouvoir réglementaire, auquel la loi a laissé le soin de déterminer les règles de répartition entre ces trois parts, dispose à cet égard d'une marge d'appréciation étendue, il lui incombe de fixer des modalités d'application qui ne dénaturent pas la portée de l'équilibre voulu par le législateur. Or, le décret du 5 octobre 2004 a plafonné à 1000 euros la deuxième part, soit le pécule de libération. En édictant ainsi un plafonnement qui ne tient aucun compte de la durée de la détention, l'article D. 320-2 du code de procédure pénale limite, d'une manière manifestement erronée, ce pécule à un niveau qui est de nature à dissuader les condamnés à de longues peines de travailler et qui, par le montant qu'il retient, dénature la portée de l'équilibre voulu par le législateur entre les trois parts qu'il a distinguées.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION PÉNALE - DROITS DES DÉTENUS - ARTICLE D - 320-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE FIXANT LA RÉPARTITION DES VALEURS PÉCUNIAIRES DES DÉTENUS ENTRE LES TROIS PARTS PRÉVUES À L'ARTICLE 728-1 DU MÊME CODE - ILLÉGALITÉ EN TANT QU'IL PLAFONNE À 1000 EUROS LE PÉCULE DE LIBÉRATION.

59-01 Les dispositions législatives de l'article 728-1 du code de procédure pénale ont prévu que les valeurs pécuniaires des détenus seraient divisées en trois parts et ainsi entendu que les détenus soient incités à travailler durant l'exécution de leur peine et que les sommes qui leur échoient soient utilisées à la fois pour indemniser les victimes et créanciers d'aliments, pour constituer un pécule de libération destiné à favoriser la réinsertion des intéressés après leur libération, enfin pour leur permettre de disposer de certaines ressources disponibles durant leur condamnation. Si le pouvoir réglementaire, auquel la loi a laissé le soin de déterminer les règles de répartition entre ces trois parts, dispose à cet égard d'une marge d'appréciation étendue, il lui incombe de fixer des modalités d'application qui ne dénaturent pas la portée de l'équilibre voulu par le législateur. Or, le décret du 5 octobre 2004 a plafonné à 1000 euros la deuxième part, soit le pécule de libération. En édictant ainsi un plafonnement qui ne tient aucun compte de la durée de la détention, l'article D. 320-2 du code de procédure pénale limite, d'une manière manifestement erronée, ce pécule à un niveau qui est de nature à dissuader les condamnés à de longues peines de travailler et qui, par le montant qu'il retient, dénature la portée de l'équilibre voulu par le législateur entre les trois parts qu'il a distinguées.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 fév. 2006, n° 274997
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 15/02/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 274997
Numéro NOR : CETATEXT000008258456 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-02-15;274997 ?
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