Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par Mme X... A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 janvier 2005, par laquelle le premier président de la cour d'appel de Paris a fixé à 7,94% le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable pour l'année 2005, ensemble le refus opposé le 21 mars 2005 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article 1er qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, en vertu de l'article 3 du décret, « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire » ; que l'article 7 du décret précise que « La prime modulable est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut. Elle est versée mensuellement./ Le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part (…), est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés./ Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé :/ - pour les magistrats exerçant en juridiction, (…) par le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel pour chaque magistrat du siège de leur ressort (…) sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré (…) » ; que l'arrêté interministériel du 17 septembre 2004, pris pour l'application de ce décret et applicable à la prime modulable attribuée pour l'année 2005, précise à son article 2 : « Le taux moyen de la prime modulable (…) est fixé à 8 %./ Le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime est fixé à 15 % (…) » ;
Considérant que Mme A, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 6 janvier 2005, par laquelle le premier président a fixé à 7,94 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable pour l'année 2005, ensemble le refus opposé le 21 mars 2005 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, pour fixer le taux de prime litigieux, le premier président s'est fondé sur la contribution de la requérante au bon fonctionnement du service public de la justice, correspondant à un taux initial de 8,5 %, avant de pratiquer une « péréquation » aboutissant au taux définitif contesté de 7,94 % ;
Considérant qu'il appartient aux chefs de cour, chargés de fixer, dans les limites déterminées par l'arrêté précédemment cité, le taux individuel de la prime modulable des magistrats affectés dans les différentes juridictions du ressort, de procéder, à cette occasion, à une harmonisation des taux proposés par les chefs de juridiction, dès lors que cette harmonisation vise à assurer, dans le respect de l'enveloppe budgétaire allouée à cette cour, une prise en compte équitable des contributions respectives de l'ensemble des magistrats du ressort au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la note d'information jointe à la décision contestée du 6 janvier 2005, que la « péréquation » appliquée par le premier président de la cour d'appel de Paris aux propositions formulées par les présidents de chambre de cette cour et les présidents des tribunaux de grande instance de son ressort, vise à faire coïncider le total des taux de prime attribués au sein de chaque chambre et de chaque tribunal avec une « enveloppe budgétaire », préalablement affectée à cette chambre ou à ce tribunal, dont le montant est déterminé par application, à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés, du taux moyen de prime prévu par l'article 7 du décret ; que les modalités de « péréquation » ainsi retenues ne permettent pas une prise en compte équitable de la qualité et de la quantité respectives du travail fourni par les magistrats du ressort de la cour d'appel, dès lors qu'elles aboutissent nécessairement à ce que la moyenne des taux individuels de prime soit identique au sein de chacune des chambres de cette cour et des juridictions de son ressort, alors que la valeur moyenne de la contribution de ces magistrats au bon fonctionnement du service public de la justice, seul critère d'attribution de la prime modulable prévue par le décret du 26 décembre 2003 est, par nature, susceptible de varier selon les chambres et les juridictions ; qu'il suit de là que le premier président de la cour d'appel de Paris a fait une application erronée de ce décret en procédant à une telle « péréquation » à l'occasion de la fixation du montant de la prime modulable allouée à la requérante ; qu'il en résulte que celle-ci est fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les décisions du 6 janvier 2005 et du 21 mars 2005 du premier président de la cour d'appel de Paris sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X... A et au garde des sceaux, ministre de la justice.