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17/02/2006 | FRANCE | N°290172

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 17 février 2006, 290172


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Aïssata X, domiciliée ... ; Mme X demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de procéder à l'instruction, dans un délai de cinq jours, de sa demande de visa au vu des motifs de l'ordonnance à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d

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elle expose, qu'étant de nationalité nigérienne, el...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Aïssata X, domiciliée ... ; Mme X demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de procéder à l'instruction, dans un délai de cinq jours, de sa demande de visa au vu des motifs de l'ordonnance à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle expose, qu'étant de nationalité nigérienne, elle est entrée en France en octobre 2004 pour un court séjour afin de rendre visite à sa fille Marianna, laquelle est titulaire d'une carte de résident ; qu'au cours de son séjour, a été diagnostiquée une affection hépatique (cirrhose virale B) ; qu'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois lui a été accordée du 25 mai 2005 au 24 novembre 2005 ; qu'avec l'accord de ses médecins, elle est repartie au Niger au mois de juillet 2005 pour un séjour qui ne devait pas excéder deux mois ; qu'au début du mois de septembre 2005, les services du consulat de France à Niamey ont estimé à tort qu'elle devait solliciter un visa de retour ; que ce dernier lui a été refusé au motif que la préfecture de police a émis un avis défavorable ; qu'elle a par la suite été invitée à constituer un dossier de visa médical en vue d'une transplantation d'organe nécessitée par son état de santé ; qu'en dépit du dépôt de son dossier auprès du consulat de France à Niamey depuis au moins le 9 janvier 2006, le chef de cabinet du ministre des affaires étrangères a, en réponse à une intervention de la Ligue des droits de l'homme, indiqué le 20 janvier qu'aucun dossier à son nom n'avait été enregistré auprès des services compétents ; que sa situation se trouvant ainsi bloquée, elle est conduite à saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il y a urgence dans la mesure où son état de santé est très gravement menacé à court terme ; qu'en effet, selon un certificat médical du 16 novembre 2005, « en l'absence de transplantation dans un délai de un an, l'évolution de sa maladie pourrait rapidement entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé, pouvant conduire au décès » ; qu'est en cause son droit au respect de son intégrité physique, droit issu notamment de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, le fait pour l'administration d'avoir exigé, en méconnaissance de la jurisprudence du Conseil d'Etat, un visa de retour est attentatoire à sa liberté d'aller et venir affirmée tant par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle se réfère le Préambule de la Constitution, que par l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en vertu aussi bien de la jurisprudence que de l'article L. 212-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle était en droit d'entrer en France au vu de son titre de séjour, pendant la durée de validité de ce dernier, sans avoir à solliciter un « visa de retour » ; que du fait de l'attitude de l'autorité consulaire elle n'a pas été en mesure de se présenter à la préfecture de police pour obtenir le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour ; que, dans ces circonstances, elle a cessé d'être prise en charge au titre de l'aide médicale d'Etat et de la couverture maladie universelle complémentaire ; qu'il en résulte des difficultés pour l'obtention d'un visa sanitaire en vue d'une transplantation d'organe ; que c'est à tort que l'autorité consulaire a subordonné l'instruction de la demande de visa à la production d'un certificat du ministre de la santé attestant que l'intervention envisagée ne peut être réalisée au Niger alors qu'un document en ce sens daté du 21 novembre 2005 figure à son dossier ; que c'est en violation des dispositions de l'article L. 211-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 2-2 du décret du 27 mai 1982 qu'a été demandé un justificatif d'hébergement ; que c'est encore à tort qu'a été exigé un justificatif de ressources dans la mesure où elle peut se prévaloir de la dispense prévue par le 4 de l'article 2 du décret du 27 mai 1982 ; qu'ainsi, l'administration, par son comportement, porte une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

Vu enregistrées, le 15 février 2006, les observations complémentaires relatives à la domiciliation de la requérante ;

Vu, enregistré le 15 février 2006, le mémoire en intervention présenté pour le Groupement d'information et de soutien des immigrés (GISTI) dont le siège est 3, Villa Marcis 75011 Paris, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 15 février 2006, le mémoire en intervention présenté pour la Ligue des droits de l'homme, dont le siège est 138, rue Marcadet, 75018 Paris, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu enregistrées le 16 février 2006 les observations présentées par le ministre des affaires étrangères en réponse à la communication qui lui a été donnée de la requête ; le ministre relève liminairement que si le refus de délivrer un « visa » de retour pourrait donner lieu à une interprétation erronée et, à ce titre, regrettable, il ne saurait cependant être considéré comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; le ministre indique également, qu'au vu de l'ensemble des pièces produites devant le Conseil d'Etat dans le cadre de la présente instance, il a donné pour instruction à l'autorité consulaire de délivrer le visa sollicité pour un motif humanitaire ; il en déduit qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction ; le ministre conclut enfin, au rejet des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses protocoles additionnels n° 1, 3, 4 et 5, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la convention et des protocoles précités ;

Vu le code l'action sociale et des familles, notamment ses articles L. 251-1 et L. 254-1 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 82-442 du 27 mai 1982 modifié ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-2, L. 761-1 et R. 632-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme X, le Groupement d'information et de soutien des immigrés et la Ligue des droits de l'homme et, d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 17 février 2006 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouhanna, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme X, du Groupement d'information et de soutien des immigrés et de la Ligue des droits de l'homme ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale… » ;

- Sur les interventions du Groupement d'information et de soutien des immigrés et de la Ligue des droits de l'homme :

Considérant que le Groupement d'information et de soutien des immigrés et la Ligue des droits de l'homme justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête présentée par Mme X ; que leur intervention doit par suite être admise ;

- Sur les conclusions de la requête aux fins d'injonction :

Considérant que postérieurement à l'introduction de la requête de Mme X, le ministre des affaires étrangères a donné pour instruction aux autorités consulaires françaises à Niamey (Niger) de délivrer à l'intéressée le visa d'entrée en France qu'elle sollicitait ; que cette mesure a pour conséquence de priver d'objet les conclusions de la requête aux fins d'injonction ; qu'il n'y a lieu dès lors pour le juge des référés du Conseil d'Etat d'y statuer ;

- Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros réclamée par Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions du Groupement d'information et de soutien des immigrés et de la Ligue des droits de l'homme sont admises.

Article 2 : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme X.

Article 3 : L'Etat versera à Mme X la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Aïssata X, au Groupement d'information et de soutien des immigrés, à la Ligue des droits de l'homme et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 290172
Date de la décision : 17/02/2006
Sens de l'arrêt : Non-lieu
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2006, n° 290172
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:290172.20060217
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