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22/02/2006 | FRANCE | N°279363

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 22 février 2006, 279363


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour Mme Nadine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 28 septembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 6,5 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable au titre du quatrième trimestre 2004, ensemble la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;

2°) de mettre à l

a charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour Mme Nadine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 28 septembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 6,5 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable au titre du quatrième trimestre 2004, ensemble la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article 1er, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, en vertu de l'article 3 du décret, « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire » ; que l'article 7 du décret précise que « La prime modulable est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut. Elle est versée mensuellement./ Le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part (…), est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés./ Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé :/ - pour les magistrats exerçant en juridiction, (…) par le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel pour chaque magistrat du siège de leur ressort (…) sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré (…) » ; que l'arrêté interministériel du 17 septembre 2004, pris pour l'application de ce décret et applicable à la prime modulable attribuée au titre du premier trimestre 2005, précise à son article 2 : « Le taux moyen de la prime modulable (…) est fixé à 8 %./ Le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime est fixé à 15 % (…) » ;

Considérant que Mme A, juge au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 28 septembre 2004, par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 6,5% le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable au titre du quatrième trimestre 2004, ensemble la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, doivent notamment être motivées les décisions qui infligent une sanction ou qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;

Considérant, d'une part, que la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine, dans les conditions fixées par le décret cité du 26 décembre 2003 et l'arrêté du 17 septembre 2004 pris pour son application, le montant des indemnités d'un magistrat au regard de sa contribution au bon fonctionnement du service public de la justice, n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort d'aucune des dispositions réglementaires fixant le régime de la prime modulable non plus que d'aucun texte législatif ni d'aucun principe, que les magistrats aient droit à ce que cette prime leur soit attribuée à un taux déterminé ; qu'il suit de là qu'en fixant au taux de 6,5% la prime modulable litigieuse, la décision attaquée n'a refusé à l'intéressée aucun avantage dont l'attribution constituerait un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que la requérante n'a pas été mise à même de présenter préalablement ses observations :

Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les agents susceptibles de bénéficier d'une prime qui tient compte de leur manière de servir doivent être mis à même de présenter leurs observations préalablement à la décision de l'administration d'en fixer le taux ou de modifier celui-ci, quel qu'ait été le montant antérieurement accordé ; que, par ailleurs, la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine le taux de la prime modulable d'un magistrat ne revêt, comme il a été dit ci-dessus, aucun caractère disciplinaire et ne relève pas non plus de l'évaluation statutaire prévue par l'ordonnance organique portant statut de la magistrature ; que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ne s'applique pas dans les relations entre l'administration et ses agents ; que la Charte européenne sur le statut des juges est, en tout état de cause, dépourvue de toute portée normative ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2004 :

Considérant que l'article 7 du décret du 26 décembre 2003 a renvoyé à un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget la seule détermination du taux moyen et du taux maximal d'attribution individuelle de la prime ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que les auteurs de l'arrêté du 17 septembre 2004, pris pour l'application de ce décret, auraient méconnu l'étendue de leur propre compétence en ne précisant ni les critères d'attribution de la prime, d'ailleurs fixés par l'article 3 du décret, ni la date à laquelle le taux de prime est déterminé, ni la période prise en compte ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2004 doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité des circulaires des 20 février et 5 juillet 2004 :

Considérant que la requérante soutient que le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait légalement, par ses circulaires des 20 février et 5 juillet 2004, investir les chefs de cour du pouvoir de fixer les critères d'attribution de la prime modulable ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de ces circulaires, qui n'ont pas eu pour effet et n'auraient pu avoir légalement pour objet de conférer un tel pouvoir aux chefs de cour, que le ministre s'est borné à inviter ceux-ci à lui faire part des aspects de la contribution au bon fonctionnement du service public de la justice qu'ils entendaient plus particulièrement prendre en compte à l'occasion de la fixation des taux individuels de prime des magistrats placés sous leur responsabilité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des circulaires des 20 février et 5 juillet 2004 doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :

Considérant que si la requérante soutient la décision attaquée du premier président ne repose pas sur un examen particulier des circonstances de fait et de droit propres à sa situation, mais sur des considérations budgétaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le taux de prime litigieux aurait été déterminé sans examen particulier du dossier de l'intéressée, en fonction de motifs étrangers à l'appréciation portée sur sa contribution au bon fonctionnement du service public de la justice ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au regard de la contribution au bon fonctionnement du service public de la justice assurée par la requérante, le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en fixant le taux de prime contesté à 6,5 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros que demande le garde des sceaux, ministre de la justice, au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Nadine A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 fév. 2006, n° 279363
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/02/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 279363
Numéro NOR : CETATEXT000008261967 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-02-22;279363 ?
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