La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2006 | FRANCE | N°260047

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 février 2006, 260047


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 29 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEUBLES RAPP, dont le siège est 90, route de Guebwiller à Kingersheim (68265), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MEUBLES RAPP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 3 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 16 décembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg en

ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cot...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 29 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEUBLES RAPP, dont le siège est 90, route de Guebwiller à Kingersheim (68265), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MEUBLES RAPP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 3 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 16 décembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SOCIETE MEUBLES RAPP,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE MEUBLES RAPP est devenue, le 31 mai 1986, l'unique actionnaire de cinq de ses sociétés filiales, et a repris l'ensemble de leur actif et de leur passif en contrepartie d'une annulation des titres qu'elle détenait antérieurement, entraînant ainsi la confusion des patrimoines de ces sociétés ; que quatre de ces sociétés présentaient une situation nette négative d'un montant total cumulé de 3 548 940 F, et étaient débitrices envers une tierce société, la société Mobilier européen, à hauteur d'un montant total cumulé de 2 762 511 F ; qu'au cours du même exercice, la SOCIETE MEUBLES RAPP a procédé, par décision de son assemblée générale extraordinaire en date du 30 septembre 1986, à la fusion-absorption de la société Mobilier européen, avec effet rétroactif au 1er avril 1985, premier jour de l'exercice en cours de ces deux sociétés ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SOCIETE MEUBLES RAPP portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos entre 1985 et 1988, l'administration a, notamment, remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1986, de charges exceptionnelles d'un montant de 3 548 940 F correspondant aux mali de fusion cumulés nés de la confusion des patrimoines susmentionnés ; que la SOCIETE MEUBLES RAPP se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 16 décembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg en tant que, ne faisant que partiellement droit à sa demande, il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à raison de la réintégration de ces charges exceptionnelles dans ses bénéfices imposables au titre de l'exercice clos en 1986 ;

Considérant que, pour rejeter la requête de la SOCIETE MEUBLES RAPP, la cour s'est fondée sur la circonstance que des créances réciproques et exigibles existaient entre la société requérante, la société Mobilier européen et les cinq filiales reprises le 31 mai 1986, et en a déduit que ces créances s'étaient trouvées légalement compensées en application des articles 1289 et 1290 du code civil, minorant ainsi la situation nette négative des anciennes filiales ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier, et n'était d'ailleurs pas contesté, que ni la SOCIETE MEUBLES RAPP, ni davantage la société Mobilier européen, n'étaient débitrices des filiales en cause, et qu'ainsi, il n'existait pas entre celles-ci et celles-là de créances réciproques et exigibles, la cour administrative d'appel de Nancy a dénaturé les pièces du dossier soumis à son appréciation ; que, par suite, la SOCIETE MEUBLES RAPP est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société dont l'actif net fiscal est négatif est dissoute par confusion de son patrimoine avec celui d'une autre société, celle-ci peut en principe déduire le mali résultant de cette opération ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la dissolution par confusion des patrimoines des filiales de la société requérante, qui présentaient à la date de l'opération une situation nette négative d'un montant total cumulé de 3 548 940 F, a entraîné une diminution de même montant de l'actif net de la SOCIETE MEUBLES RAPP ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne conteste pas l'exactitude de la valeur de l'actif net des quatre filiales susmentionnées telle que la retrace la comptabilité de la société requérante, soutient que l'opération aurait entraîné des variations positives de l'actif net de la société requérante au sens et pour l'application des dispositions de l'article 38-2 précité du code général des impôts ; que toutefois la circonstance qu'une partie du passif ainsi repris au bilan de la SOCIETE MEUBLES RAPP aurait été constituée par les dettes de ces quatre filiales à son égard et à l'égard de la société Mobilier européen, ainsi que par les dettes de la société Sodia à l'égard des sociétés Delhomme et Codasi, est sans incidence sur la variation de l'actif net de la société requérante, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les créances correspondantes ont été régulièrement inscrites à l'actif de la société requérante ; qu'enfin, si le ministre soutient, à titre subsidiaire, qu'une fraction des sommes dont la réintégration est en litige correspond à des charges non déductibles fiscalement qui auraient été prises en compte à tort pour le calcul de la situation nette négative des quatre filiales dissoutes, il n'est pas contesté que ces charges ont été réintégrées par ces sociétés à leurs résultats respectifs régulièrement déclarés et imposés au titre du dernier exercice précédant leur dissolution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MEUBLES RAPP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 16 décembre 1998, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1986, et à demander la décharge de ces impositions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la SOCIETE MEUBLES RAPP au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 3 juillet 2003 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : La SOCIETE MEUBLES RAPP est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard y afférents demeurant à sa charge au titre de l'exercice clos en 1986.

Article 3 : Le jugement du 16 décembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE MEUBLES RAPP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MEUBLES RAPP et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - DISSOLUTION PAR CONFUSION DE PATRIMOINE - DÉTERMINATION DU MALI DÉDUCTIBLE - CALCUL OPÉRÉ À PARTIR DE L'ACTIF NET FISCAL DE LA SOCIÉTÉ.

19-04-01-04-03 Il résulte des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts que, lorsqu'une société dont l'actif net fiscal est négatif est dissoute par confusion de son patrimoine avec celui d'une autre société, celle-ci peut en principe déduire le mali résultant de cette opération, qui doit être calculé à partir de l'actif net fiscal de la société.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 fév. 2006, n° 260047
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/02/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 260047
Numéro NOR : CETATEXT000008221118 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-02-27;260047 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award