Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sorin X, sans domicile fixe, élisant domicile ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 août 2004 par lequel le préfet de Vaucluse a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Marc Dandelot, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ou si, pendant la durée de validité de son visa ou pendant la période de trois mois précitée, son comportement a constitué une menace pour l'ordre public ou si pendant cette même durée l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341 ;4 du code du travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité roumaine, est entré sur le territoire de l'espace Schengen le 13 août 2004 ; que, se trouvant ainsi sur le territoire depuis moins de trois mois, il a été interpellé le 23 août 2004 pour le vol à l'étalage de quatre jeux vidéo pour un montant de 229,53 euros dans une grande surface de distribution d'Orange (Vaucluse) ; que, si M. X a reconnu les faits lors de l'enquête de flagrance, ce fait ne suffit pas, en l'absence de circonstances particulières, à établir que sa présence en France est constitutive d'une menace pour l'ordre public ; qu'il a d'ailleurs restitué les produits dans leur état d'origine ; que, par suite, en ordonnant la reconduite à la frontière de M. X en raison de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France, le préfet de Vaucluse a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 24 août 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 28 août 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 24 août 2004 du préfet de Vaucluse décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Sorin X, au préfet de Vaucluse et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.