Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ORNE ; le PREFET DE L'ORNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 2 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fathia Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Courtial, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour demander l'annulation du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen ayant annulé son arrêté prononçant la reconduite à la frontière de Mme Y, le PREFET DE L'ORNE soutient qu'aucune preuve de violences conjugales qu'allègue Mme Y n'est apportée, les attestations de proches ne suffisant à les établir, non plus que de la réalité de son divorce, qu'elle a demandé en renonçant à toute indemnité et à la garde de ses enfants, tandis que son intégration est compromise par l'absence de qualification professionnelle et le défaut d'aide de sa famille, partiellement demeurée au Maroc ; que, toutefois, Mme Y, divorcée de son conjoint qui l'a répudiée et est retourné au Maroc, travaille en France où elle élève ses six enfants dont le dernier est né sur le territoire français, où résident sa mère et ses soeurs ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a pu considérer que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y méconnaissait le droit à une vie familiale normale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ORNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté ;
Sur les conclusions présentées par Me Lalande :
Considérant que Mme Bendriss a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lalande renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE L'ORNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Lalande la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que Me Lalande renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ORNE, à Mme Fatiha Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.