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10/03/2006 | FRANCE | N°291011

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 10 mars 2006, 291011


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdelatif A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 24 février 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, appelé à se prononcer sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision en date du 14 février 2006 du préfet de l'Essonne prescrivant sa recondui

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Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdelatif A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 24 février 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, appelé à se prononcer sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision en date du 14 février 2006 du préfet de l'Essonne prescrivant sa reconduite à la frontière à destination de la Tunisie, à ce qu'il soit enjoint au préfet de le remettre en liberté, sous une astreinte de 300 euros par jour de rétention supplémentaire à compter du prononcé de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de suspendre la décision en date du 14 février 2006 du préfet de l'Essonne, ordonnant sa reconduite à la frontière, ensemble la décision fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de le remettre en liberté, sous une astreinte de 300 euros par jour de rétention supplémentaire à compter de l'ordonnance à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il expose qu'il est retenu depuis le 14 février 2006 au centre de rétention de Palaiseau (Essonne) en vue de l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière ; que, condamné pour des faits commis le 22 décembre 1982, à huit ans de réclusion criminelle, il a fait l'objet le 26 février 1988 d'un arrêté d'expulsion qui n'a pas été mis à exécution ; que le 30 novembre 1992 il a été condamné à une peine de douze ans d'emprisonnement assortie d'une peine d'interdiction du territoire français dans une affaire de trafic de stupéfiants qui impliquait vingt sept personnes, dont l'une est le frère cadet du Président la République tunisienne ; qu'à sa sortie de prison il a été reconduit à destination de la Tunisie où il a été arrêté et détenu pendant vingt-cinq jours dans les locaux relevant de la sécurité d'Etat ; qu'il a subi des interrogatoires mettant en oeuvre des tortures physiques et des pressions psychologiques ; qu'il lui a été enjoint de garder le silence sur l'affaire de trafic de stupéfiants, sous peine de menaces de mort ; qu'afin d'échapper à ces menaces il a regagné la France où, après son interpellation le 1er août 2004, il a fait l'objet, le 2 février 2006, d'une condamnation à une peine de deux ans d'emprisonnement et à la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire pour infraction à la législation sur les étrangers et les stupéfiants ; que, libéré par l'effet d'une réduction de peine, il a été placé en rétention administrative par arrêté du préfet de l'Essonne du 14 février 2006 ; que ce même arrêté a prescrit son renvoi « à destination du pays dont il a la nationalité » ; que craignant pour sa sécurité il a engagé plusieurs démarches afin de ne pas être reconduit à destination de la Tunisie, que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête dont il l'avait saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'en effet, l'exécution de la mesure d'éloignement porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté personnelle en ce qu'elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en particulier, la décision fixant la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; ainsi qu'il ressort de la décision rendue par le juge des référés du Conseil d'Etat le 24 février 2003 sur requête de M. Fadiga ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 8 mars 2006, le mémoire présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire qui conclut, à titre principal, à ce que la requête soit déclarée sans objet au motif que, par une ordonnance du 7 mars 2006, prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu l'arrêté préfectoral du 14 février 2006 ; que subsidiairement, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'apporte pas à l'appui de ses allégations des justifications probantes sur la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que pour le surplus, l'autorité administrative compétente prendra en considération l'interprétation donnée des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Vu, enregistré le 8 mars 2006 le mémoire complémentaire par lequel M.

A conclut à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat après avoir déclaré sans objet ses conclusions principales du fait de l'intervention de l'ordonnance du premier juge du 7 mars 2006, n'en condamne pas moins l'Etat au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-2, L. 523-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 9 mars 2006 à 11 heures 15, au cours de laquelle a été entendu le représentant du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

- Sur les conclusions de la requête autres que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aussi bien le requérant que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire concluent à ce que le juge des référés constate que les conclusions principales de la requête sont devenues sans objet au motif que, par une ordonnance du 7 mars 2006 postérieure à l'introduction du pourvoi, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 14 février 2006 fixant implicitement la Tunisie comme pays de renvoi de l'intéressé en exécution de l'interdiction définitive du territoire prononcée à son encontre par le juge pénal ; que cette ordonnance ne rend cependant pas sans objet l'ensemble des conclusions présentées, indépendamment de sa demande relative au remboursement des frais de procédure, par M.

A ; que, dans ces conditions, les conclusions à fin de non-lieu formulées par le requérant doivent être regardées comme équivalant à un désistement ;

- Sur les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de M. Abdelatif A autres que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : L'Etat versera à M. Abdelatif A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Abdelatif A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Essonne.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 291011
Date de la décision : 10/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2006, n° 291011
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:291011.20060310
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