Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 24 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Ali A et de Mme Turkan A et des décisions distinctes fixant la Turquie comme pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A devant le tribunal administratif de Rennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, faite à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Andrieu, Auditeur,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, avocat de M. Ali A,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en vigueur à la date des arrêtés litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ali A et Mme Turkan A, de nationalité turque, n'ont pu justifier de la régularité de leur entrée sur le territoire français ; qu'ils se trouvaient ainsi l'un et l'autre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…) 7° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, (…) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour en France porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;
Considérant que, indépendamment de l'énumération par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A ont trois enfants mineurs dont l'un est né en France, qu'ils vivent chez le frère de M. A qui est marié à une ressortissante française, chef d'entreprise ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient conservé des liens familiaux dans leur pays d'origine ; que, dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, les liens personnels et familiaux en France de M. et Mme A étaient tels, à la date des arrêtés de reconduite à la frontière pris le 24 novembre 2004 à leur encontre, que le refus d'autoriser leur séjour a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que, dès lors, M. et Mme A pouvaient prétendre, à la date des arrêtés litigieux, à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour annuler les arrêtés attaqués ainsi que les décisions distinctes fixant la Turquie comme pays de destination ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête ;
D E C I D E :
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Article 1er : : La requête du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à M. Ali A, à Mme Turkan A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.