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15/03/2006 | FRANCE | N°276370

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 15 mars 2006, 276370


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier 2005 et 23 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laurent A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 octobre 2004 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer, pendant une durée de cinq ans, l'une quelconque des activités à l'occasion desquelles il a commis les manquements retenus, ainsi qu'une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;



2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le ve...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier 2005 et 23 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laurent A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 octobre 2004 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer, pendant une durée de cinq ans, l'une quelconque des activités à l'occasion desquelles il a commis les manquements retenus, ainsi qu'une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mars 2006, présentée pour ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général du conseil des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. Laurent A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant que, si M. A intervenait pour le compte de la société KBL France non en tant que salarié, mais en tant que gérant de la société Clivage, cette circonstance, contrairement à ce que soutient l'intéressé, n'imposait pas à l'Autorité des marchés financiers de mettre en cause cette société, dès lors qu'il résulte des termes mêmes de la convention conclue entre la société KBL France et la société Clivage que la première avait entendu s'attacher les services de M. A à titre personnel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'avoir mis en cause la société Clivage, l'Autorité des marchés financiers aurait entaché d'irrégularité la sanction prise à l'encontre de M. A ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en revanche, que le troisième des quatre griefs retenus par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'encontre de M. A, tiré de ce que celui-ci aurait acquis des titres à un prix inférieur à celui du marché en abusant de la confiance du vendeur, ne figurait pas dans la notification des griefs adressée à l'intéressé le 6 novembre 2003 par le président de la formation disciplinaire du conseil des marchés financiers, alors que ce document, qui ouvre la procédure disciplinaire et en délimite les contours, doit énoncer les griefs retenus afin de permettre à la personne mise en cause de faire valoir sa défense en présentant ses observations ; que, par suite, la décision attaquée est, dans cette mesure, entachée d'une méconnaissance des droits de la défense ;

Sur le bien fondé de la décision attaquée :

Considérant que quatre opérations ont été précisément reprochées à M. A ; qu'ainsi qu'il a été dit, la troisième d'entre elles ne pouvait être retenue à son encontre, le grief ne lui ayant pas été notifié ;

Considérant que, s'agissant de la première opération, exécutée le 11 juillet 2002 et consistant en l'achat à la société Nomura INTL Londres de titres Alcatel revendus à la banque Hapoalim, il a été reproché à M. A d'avoir procédé à une opération contraire à l'intérêt de son client et d'avoir méconnu certaines des procédures prévues par le règlement général du conseil des marchés financiers, notamment d'avoir négocié avec la société Nomura INTL Londres en utilisant son téléphone portable sans qu'à aucun moment, on puisse identifier le passage de l'ordre d'achat des titres par la banque Hapoalim ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M. A, qui n'était pas présent sur son lieu de travail lors de la transaction, n'est intervenu qu'à l'appui du salarié de la société KBL qui a mené celle-ci ; qu'un accord sur la chose et sur le prix a bien été donné téléphoniquement par le représentant de la banque Hapoalim ; que l'écart de prix entre l'achat et la vente du titre ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce, d'établir que M. A se serait montré déloyal envers la banque Hapoalim ; qu'il suit de là que la participation de M. A à cette opération ne justifiait pas qu'une sanction fût prononcée à son égard ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. A, en ce qui concerne la deuxième opération, a acheté des titres Alcatel à la société Nomura INTL Londres et les a revendus à la société Conseil et Gestion, client de la société KBL France, sans aucunement répercuter l'importante baisse de prix obtenue du vendeur ; qu'il a ainsi méconnu l'intérêt de son client ; qu'il n'est toutefois pas démontré qu'il aurait, ainsi que l'a estimé la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, demandé au vendeur d'afficher un cours erroné pour tromper son client ;

Considérant enfin que, s'agissant de la quatrième opération, M. A a vendu à la société Gottex, grâce au concours d'un salarié de BNP Paribas, des titres « Axa perpétuel » à un cours largement supérieur à celui auquel il les avait acquis, dans des conditions manifestant, là encore, une méconnaissance de l'intérêt de son client ;

Considérant qu'eu égard à leur gravité, ceux des faits reprochés à M. A qui peuvent être retenus sont de nature à justifier, outre une interdiction d'exercice professionnel de deux ans, une sanction pécuniaire dont il y a lieu de fixer le montant à 30 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 3000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'Autorité des marchés financiers ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La sanction prise le 25 octobre 2004 à l'encontre de M. A par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est ramenée à une interdiction d'exercer, pendant une durée de deux ans, l'une quelconque des activités à l'occasion desquelles il a commis les manquements retenus, assortie d'une sanction pécuniaire d'un montant de 30 000 euros.

Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est modifiée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : L'Autorité des marchés financiers versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Autorité des marchés financiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent A, à l'Autorité des marchés financiers, à la société KBL France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 276370
Date de la décision : 15/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - POUVOIR DE SANCTION - OFFICE DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX.

13-01-02-01 Saisi d'une requête tendant à l'annulation d'une sanction reposant sur différents griefs, le Conseil d'Etat examine la régularité de la notification et le bien-fondé de chaque grief attaqué, écarte les griefs non régulièrement notifiés et ceux qui ne lui paraissent pas fondés, et adapte la sanction à la gravité des faits qui peuvent être valablement reprochés au requérant.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX - CAPITAUX - MONNAIE - BANQUE - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - POUVOIR DE SANCTION - OFFICE DU JUGE.

54-07-03 Saisi d'une requête tendant à l'annulation d'une sanction reposant sur différents griefs, le Conseil d'Etat examine la régularité de la notification et le bien-fondé de chaque grief attaqué, écarte les griefs non régulièrement notifiés et ceux qui ne lui paraissent pas fondés, et adapte la sanction à la gravité des faits qui peuvent être valablement reprochés au requérant.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2006, n° 276370
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:276370.20060315
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