La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2006 | FRANCE | N°283476

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 15 mars 2006, 283476


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 19 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TRELANS (Lozère), représentée par son maire ; la COMMUNE DE TRELANS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 juillet 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu, à la demande de M. Guy A, l'exécution de la délibération du 3 mai 2005 du conseil municipal de Trélans qui a annulé des délibérations précédentes concernant les biens de la s

ection de Montfalgoux, défini les conditions d'attribution des biens de cette ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 19 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TRELANS (Lozère), représentée par son maire ; la COMMUNE DE TRELANS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 juillet 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu, à la demande de M. Guy A, l'exécution de la délibération du 3 mai 2005 du conseil municipal de Trélans qui a annulé des délibérations précédentes concernant les biens de la section de Montfalgoux, défini les conditions d'attribution des biens de cette section et procédé à l'allotissement des terres sectionales à vocation agricole et pastorale ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Bouthors, avocat de la COMMUNE DE TRELANS et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Guy A,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 11 mars 2005, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé la suspension de l'exécution de la délibération en date du 28 avril 2004 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE TRELANS a procédé à l'allotissement des terres de la section de commune de Montfalgoux sous la forme de baux emphytéotiques ; qu'à la suite de cette suspension, le conseil municipal a, par délibération en date du 3 mai 2005, annulé ses délibérations précédentes et décidé que les terres en cause seraient dévolues par application de l'article L. 142-6 du code rural sous forme d'une convention de mise à disposition à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de la Lozère, à charge pour cet organisme de procéder à l'aménagement des parcelles en cause et de conclure des baux avec Mme Lafond et M. Boissonnade, nommément désignés comme allocataires par la délibération ;

Considérant que la COMMUNE DE TRELANS se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 12 juillet 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, sur la demande de M. A, suspendu l'exécution de cette nouvelle délibération ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que les représentants des parties ont été entendus lors des audiences publiques tenues les 28 juin et 8 juillet 2005 ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que cette ordonnance ne ferait pas la preuve par ses mentions de la convocation régulière des parties à l'audience ne peut qu'être écarté ;

Sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, applicable à la date de la décision attaquée : (…) Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section ;

Considérant, d'autre part, que l'article L. 142-6 du code rural dispose : Tout propriétaire peut, par convention, mettre à la disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural, en vue de leur aménagement parcellaire ou de leur mise en valeur agricole, pour autant que cette dernière soit effectuée par des agriculteurs, conformément au but fixé par les articles L. 141-1 à L. 141-5, des immeubles ruraux libres de location. Ces conventions sont dérogatoires aux dispositions de l'article L. 411-1. Leur durée ne peut excéder trois ans. Toutefois pour une superficie inférieure à deux fois la surface minimum d'installation, cette durée peut être portée à six ans, renouvelable une seule fois./ (…) A cet effet, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural consent des baux qui ne sont soumis aux règles résultant du statut du fermage que pour ce qui concerne le prix (…)/ A l'expiration de ce bail, lorsque celui-ci excède une durée de six ans, le propriétaire ne peut donner à bail dans les conditions de l'article L. 411-1 le bien ayant fait l'objet de la convention ci-dessus sans l'avoir préalablement proposé dans les mêmes conditions au preneur en place ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code figurant au titre Ier du livre IV consacré au statut du fermage et du métayage : Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2 ; qu'aux termes de l'article L. 411-2 : Les dispositions de l'article L. 411-1 ne sont pas applicables : / - aux conventions conclues en application de dispositions législatives particulières (…) ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la commune, ni les dispositions précitées de l'article L. 142-6 du code rural, ni les conditions contractuelles convenues avec la SAFER, ne donnent à celle-ci la qualité de mandataire du propriétaire ; qu'elles lui confèrent, en revanche, celle de preneur des immeubles en cause, à charge pour cet organisme de procéder à leur sous-location, par des baux qui ne relèvent pas, sauf pour leur prix, des dispositions du titre Ier du livre IV du code rural relatif au statut du fermage et du métayage ; qu'ainsi, en estimant qu'au regard des dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, qui ne prévoient qu'une location directe aux exploitants sous forme de bail rural ou de convention pluriannuelle d'exploitation, le régime d'allotissement retenu par la COMMUNE DE TRELANS était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés s'est fondé, pour prononcer la suspension de la délibération attaquée dans son ensemble, sur le moyen tiré de ce que l'intervention de la SAFER en application de l'article L. 142-6 du code rural n'était pas compatible avec les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ; que s'il a également mentionné deux autres motifs susceptibles selon lui de conduire à la suspension de la délibération dans certains de ses éléments, ces motifs ont un caractère surabondant ; que, par suite, les moyens dirigés contre eux par la COMMUNE DE TRELANS dans son pourvoi sont inopérants ;

Sur la condition d'urgence :

Considérant qu'il est constant que M. A exploitait des terres sur la section de commune en cause ; que la délibération contestée a pour effet de faire obstacle à l'exploitation de ces terres par l'intéressé ; que, dès lors, en jugeant que la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 était remplie, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE TRELANS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a prononcé la suspension de l'exécution de la délibération adoptée le 3 mai 2005 par son conseil municipal en ce qui concerne l'attribution des biens de la section de commune de Montfalgoux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE TRELANS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE TRELANS la somme de 3 000 euros que M. A demande au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE TRELANS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE TRELANS versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE TRELANS, à M. Guy A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035 PROCÉDURE. - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. - ORDONNANCES DU JUGE DES RÉFÉRÉS RENDUES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES L. 521-1 ET L. 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE - MENTION OBLIGATOIRE À PEINE D'IRRÉGULARITÉ - CONVOCATION DES PARTIES (ART. R. 522-6 DU CJA) - EXCEPTION - RÉGULARITÉ D'UNE ORDONNANCE MENTIONNANT QUE LES REPRÉSENTANTS DES PARTIES ONT ÉTÉ ENTENDUS [RJ1].

54-035 Dès lors qu'il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que les représentants des parties ont été entendus lors des audiences publiques tenues par le juge des référés, le moyen tiré de ce que cette ordonnance ne ferait pas la preuve par ses mentions de la convocation régulière des parties à l'audience doit en tout état de cause être écarté.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. 5 décembre 2001, Thomas, p. 1119.


Publications
Proposition de citation: CE, 15 mar. 2006, n° 283476
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : BOUTHORS ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Date de la décision : 15/03/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 283476
Numéro NOR : CETATEXT000008260603 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-03-15;283476 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award