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22/03/2006 | FRANCE | N°266397

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 mars 2006, 266397


Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 17 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 12 mars 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Leïla A, épouse B, ainsi que la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi de l'intéressée ;

2°) de reje

ter les conclusions présentées par Mme B devant le tribunal administratif de Montpe...

Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 17 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 12 mars 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Leïla A, épouse B, ainsi que la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi de l'intéressée ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme B devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 79 ;587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu la loi n° 2000 ;321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 19 février 2003, de la décision du 18 février 2003 du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mme B fait valoir qu'elle vit en France depuis le 21 mars 2001 et qu'elle s'est mariée à Perpignan, le 12 novembre 2001, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, qui demeure en France depuis de nombreuses années, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment du caractère récent de sa présence et de sa vie familiale en France, du fait que ses parents, ses sept frères et ses deux soeurs résident en Algérie ainsi que de la possibilité d'un regroupement familial ultérieur, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté en date du 12 mars 2004 ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler cet arrêté, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par arrêté du 6 janvier 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, M. Ramon, directeur de cabinet, a reçu délégation du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Dorso, secrétaire général de la préfecture, pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B n'a pas contesté la décision du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES lui refusant un titre de séjour en date du 18 février 2003, notifiée le 19 février 2003, dans les deux mois suivant la date de la notification de cette décision ; que celle-ci est ainsi devenue définitive et que, par suite, Mme B ne peut se prévaloir de son illégalité pour contester celle de l'arrêté de reconduite dont elle a fait l'objet ;

Considérant que, pour les raisons déjà indiquées ci-dessus, Mme B ne peut pas non plus utilement se prévaloir des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue du troisième avenant signé le 11 juillet 2001 et entré en vigueur le 1er janvier 2003, qui sont relatives à la délivrance de certificats de résidence portant la mention « vie privée et familiale » pour contester la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière qu'elle attaque ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée : « La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au II de l'article 22 bis, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière que la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter » ; que Mme B a bénéficié des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et ne peut, par suite, invoquer utilement celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant l'Algérie, où l'intéressée a ses parents et des frères et soeurs, comme pays à destination duquel Mme B sera reconduite, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à demander l'annulation du jugement du 17 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 12 mars 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B et la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er du jugement du 17 mars 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES du 12 mars 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à Mme Leïla A, épouse B, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 mar. 2006, n° 266397
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/03/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 266397
Numéro NOR : CETATEXT000008243902 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-03-22;266397 ?
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