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31/03/2006 | FRANCE | N°279664

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 31 mars 2006, 279664


Vu 1°) sous le n° 279664, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 2005 et 16 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Yolande A, demeurant 7 ..., Mme Anita A, demeurant 7 ..., M. Clément A, demeurant ..., M. Jean A, demeurant 7 ..., M. Vincent A, demeurant ..., Mme Laureta A, demeurant ..., Mme Dominique A, demeurant ... ; les consorts A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté leur demande tendant à l

'annulation de l'arrêté du maire de Gentilly (Val-de-Marne) en date...

Vu 1°) sous le n° 279664, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 2005 et 16 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Yolande A, demeurant 7 ..., Mme Anita A, demeurant 7 ..., M. Clément A, demeurant ..., M. Jean A, demeurant 7 ..., M. Vincent A, demeurant ..., Mme Laureta A, demeurant ..., Mme Dominique A, demeurant ... ; les consorts A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Gentilly (Val-de-Marne) en date du 13 septembre 2002 les mettant en demeure de faire cesser l'état de péril affectant l'immeuble dont ils sont propriétaires au 7 rue Jean-Louis à Gentilly et les a, d'autre part, mis en demeure de faire cesser l'état de péril affectant le bâtiment A de leur propriété située au 7 rue Jean-Louis à Gentilly en faisant procéder à la démolition de ce bâtiment, dans un délai de quatre mois, et enfin, les a condamnés à supporter les frais d'expertise et à verser à la commune de Gentilly la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) statuant au fond, d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2002 du maire de Gentilly ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gentilly la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°) sous le n° 284091 la requête, enregistrée le 16 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Yolande A, demeurant 7 ..., Mme Anita A, demeurant 7 ..., M. Clément A, demeurant ..., M. Jean A, demeurant 7 ..., M. Vincent A, demeurant ..., Mme Laureta A, demeurant 7 ..., Mme Dominique A, demeurant ... ; les consorts A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement susvisé du 31 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Gentilly (Val-de-Marne) en date du 13 septembre 2002 les mettant en demeure de faire cesser l'état de péril affectant l'immeuble dont ils sont propriétaires au 7 rue Jean-Louis à Gentilly, et les a, d'autre part, mis en demeure de faire cesser l'état de péril affectant le bâtiment A de leur propriété située au 7 rue Jean-Louis à Gentilly en faisant procéder à la démolition de ce bâtiment, dans un délai de quatre mois, et enfin, les a condamnés à supporter les frais d'expertise et à verser à la commune de Gentilly la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Gentilly le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Sanson, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme A et autres,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, sous les n° 279664 et 284091, les consorts A demandent l'annulation et le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Melun du 31 janvier 2005 les mettant en demeure de faire cesser l'état de péril affectant le bâtiment A de l'immeuble dont ils sont propriétaires au 7 rue Jean-Louis à Gentilly (94250) en faisant procéder à sa démolition dans un délai de quatre mois ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique (...) » ; que les pouvoirs ainsi reconnus au maire doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; qu'en revanche, le maire ne saurait légalement fonder l'exercice de ces pouvoirs sur la seule circonstance que ce danger ne proviendrait pas d'une cause naturelle ;

Considérant que, pour confirmer la légalité de l'arrêté du 13 septembre 2002 du maire de la commune de Gentilly, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'état de péril serait la conséquence d'un glissement du sous-sol lui même résultant, non d'un accident naturel, mais d'infiltrations d'eau en provenance de canalisations ; qu'en retenant un tel motif, tiré du caractère non naturel de la cause des désordres, qui était inopérant et en s'abstenant de rechercher si les désordres de l'immeuble provenaient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres, le tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, son jugement du 31 janvier 2005 doit par suite être annulé ;

Considérant qu'il y lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Melun que l'état de péril est la conséquence d'un glissement de la surface de remblais et du front de taille d'une ancienne carrière provoqué par la fuite d'une canalisation publique ; que, alors même que le rapport de l'expert relève que les fondations de l'immeuble en cause sont posées à une profondeur insuffisante, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de ce vice de construction aurait permis d'éviter le désordre ; que le glissement du sous-sol, qui ne constitue pas une cause propre à l'immeuble, constitue dès lors la cause prépondérante de l'état de péril ; qu'il suit de là que le maire de Gentilly ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation pour prendre l'arrêté du 13 septembre 2002 ; que cet arrêté doit, par suite, être annulé ; que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif doivent, en conséquence, être mis à la charge de la commune de Gentilly ;

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Melun du 31 décembre 2005 :

Considérant que la présente décision statue sur la requête en annulation du jugement du 31 janvier 2005 du tribunal administratif de Melun ; que les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, par suite, devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les consorts A tant devant le tribunal administratif de Melun que devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gentilly le versement aux consorts A de la somme globale de 4000 euros ; qu'en revanche les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que demandait la commune de Gentilly devant le tribunal administratif soit mise à la charge des consorts A qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2005 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Gentilly du 13 septembre 2002 est annulé.

Article 3 : La commune de Gentilly versera aux consorts A la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Gentilly tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Melun du 16 avril 2003 sont mis à la charge de la commune de Gentilly.

Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 31 janvier 2005.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Yolande A, Mme Anita A, M. Clément A, M. Jean A, M. Vincent A, Mme Laureta A et Mme Dominique A, à la commune de Gentilly et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ATTRIBUTIONS - POLICE - POLICE DE LA SÉCURITÉ - IMMEUBLES MENAÇANT RUINE - PROCÉDURE DE PÉRIL - CHAMP D'APPLICATION - CRITÈRE EXCLUSIF - DANGER PROVENANT À TITRE PRÉPONDÉRANT DE CAUSES PROPRES À L'IMMEUBLE [RJ1] - ABSENCE EN L'ESPÈCE.

135-02-03-02-02-02-01 Les pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. En revanche, le maire ne saurait légalement fonder l'exercice de ces pouvoirs sur la seule circonstance que ce danger ne proviendrait pas d'une cause naturelle. En l'espèce, il ressort du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif que l'état de péril est la conséquence d'un glissement de la surface de remblais et du front de taille d'une ancienne carrière provoqué par la fuite d'une canalisation publique. Alors même que le rapport de l'expert relève que les fondations de l'immeuble en cause sont posées à une profondeur insuffisante, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de ce vice de construction aurait permis d'éviter le désordre. Le glissement du sous-sol, qui ne constitue pas une cause propre à l'immeuble, constitue dès lors la cause prépondérante de l'état de péril. Il suit de là que le maire ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation pour prendre l'arrêté de péril contesté.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GÉNÉRALE - SÉCURITÉ PUBLIQUE - IMMEUBLES MENAÇANT RUINE - PROCÉDURE DE PÉRIL - CHAMP D'APPLICATION - CRITÈRE EXCLUSIF - DANGER PROVENANT À TITRE PRÉPONDÉRANT DE CAUSES PROPRES À L'IMMEUBLE [RJ1] - ABSENCE EN L'ESPÈCE.

49-04-03-02-01 Les pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. En revanche, le maire ne saurait légalement fonder l'exercice de ces pouvoirs sur la seule circonstance que ce danger ne proviendrait pas d'une cause naturelle. En l'espèce, il ressort du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif que l'état de péril est la conséquence d'un glissement de la surface de remblais et du front de taille d'une ancienne carrière provoqué par la fuite d'une canalisation publique. Alors même que le rapport de l'expert relève que les fondations de l'immeuble en cause sont posées à une profondeur insuffisante, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de ce vice de construction aurait permis d'éviter le désordre. Le glissement du sous-sol, qui ne constitue pas une cause propre à l'immeuble, constitue dès lors la cause prépondérante de l'état de péril. Il suit de là que le maire ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation pour prendre l'arrêté de péril contesté.


Références :

[RJ1]

Cf. 27 juin 2005, Ville d'Orléans, n° 262199 à mentionner aux tables, feuilles roses p. 20.


Publications
Proposition de citation: CE, 31 mar. 2006, n° 279664
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Marc Sanson
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/03/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 279664
Numéro NOR : CETATEXT000008258915 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-03-31;279664 ?
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