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05/04/2006 | FRANCE | N°276156

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05 avril 2006, 276156


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier et 4 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN, dont le siège est ZA Errobi à Itxassou (64250) ; la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de M. Jean-Christophe A, annulé, d'une part, le jugement du 27 juin 2002 du tribunal administratif de Pau rejetant la demande de ce dernier tendant à l'annulation de

la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 26 novem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier et 4 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN, dont le siège est ZA Errobi à Itxassou (64250) ; la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de M. Jean-Christophe A, annulé, d'une part, le jugement du 27 juin 2002 du tribunal administratif de Pau rejetant la demande de ce dernier tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 26 novembre 1999 autorisant son licenciement, d'autre part, la décision du ministre ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN et de Me Blanc, avocat M. A,

- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 29 mars 1999, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder à la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN l'autorisation de licencier M. A, salarié protégé ; que le ministre de l'emploi et de la solidarité, saisi du recours hiérarchique formé par l'employeur, a confirmé ce refus par décision du 9 août 1999 ; que, toutefois, à la suite d'un recours gracieux présenté par la société le 15 septembre 1999, le ministre a finalement accordé l'autorisation sollicitée par décision du 15 novembre 1999 ; que cette dernière décision, qui comportait une erreur matérielle, a été par la suite retirée et remplacée par une décision de même sens du 26 novembre 1999 ; que, par jugement du 27 juin 2002, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de cette décision ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par M. A, a annulé le jugement du tribunal administratif et la décision d'autoriser le licenciement de l'intéressé par un arrêt du 4 novembre 2004, contre lequel la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN se pourvoit en cassation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret du 20 juin 2001 : Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur ; que, dans le cas où l'inspecteur a refusé l'autorisation de licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit du salarié intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail ; que, toutefois, en prenant en compte des faits postérieurs à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail, le ministre n'entache pas sa décision d'illégalité s'il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il s'était placé, comme il devait le faire, à la date à laquelle l'inspecteur du travail avait statué et s'il n'avait pris en compte que les faits en raison desquels celui-ci s'était prononcé ; qu'ainsi, en se bornant, pour annuler la décision du ministre du travail autorisant le licenciement de M. A, à relever que le ministre s'était fondé essentiellement sur des faits survenus postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail, sans rechercher si le ministre aurait pris la même décision s'il s'était placé à la date de celle de l'inspecteur du travail, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de juger l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête d'appel de M. A :

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives et réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est entachée d'illégalité, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que ne sont pas au nombre des dispositions législatives et réglementaires dérogeant aux règles qui gouvernent le retrait des actes administratifs celles prévues par l'article R. 436-6 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 20 juin 2001, applicables à la décision attaquée, en vertu desquelles le ministre, saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'inspecteur du travail, dispose d'un délai de quatre mois pour statuer ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de l'inspecteur du travail des Pyrénées-Atlantiques du 29 mars 1999 a été retirée par le ministre chargé du travail le 15 novembre 1999, soit plus de quatre mois après qu'elle a été prise ; que, par suite, la décision de retrait du ministre est illégale et doit, dès lors, être annulée, ainsi que la décision confirmative du 26 novembre 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité des 15 et 26 novembre 1999 autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser, au même titre, à M. A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 novembre 2004, le jugement du tribunal administratif de Pau du 27 juin 2002 et les décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité des 15 et 26 novembre 1999 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LABORATOIRE RENAUDIN, à M. Jean-Christophe A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 avr. 2006, n° 276156
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: M. Struillou
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; BLANC

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 05/04/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 276156
Numéro NOR : CETATEXT000008262142 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-04-05;276156 ?
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