Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 2004 et 15 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, dont le siège est 263 rue de Paris à Montreuil Cedex (93516) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 8, 24, 25, 28, 29, 39, 40, 41, 42 et 43 du décret du 20 août 2004 portant modification de la procédure civile ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur-rapporteur,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 8, 24, 25, 28, 29 et 39 à 43 du décret du 20 août 2004 portant modification de la procédure civile ;
En ce qui concerne l'article 8 relatif à l'arrêt de l'exécution provisoire :
Considérant que l'article 8 du décret attaqué ajoute à l'article 524 du nouveau code de procédure civile, qui prévoit notamment les cas dans lesquels le premier président de la cour d'appel statuant en référé peut, en cas d'appel, arrêter l'exécution provisoire lorsque celle-ci a été ordonnée, un sixième alinéa ainsi rédigé : « Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives » ;
Considérant que la faculté ainsi ouverte au premier président est de nature à apporter aux justiciables des garanties supplémentaires, en cas de violation du principe du caractère contradictoire de la procédure par le jugement dont l'exécution est de plein droit ainsi que dans les cas où le juge a méconnu de façon manifeste les devoirs qui lui incombent en vertu de l'article 12 du nouveau code de procédure civile ; que le syndicat requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la disposition attaquée méconnaîtrait le principe du procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne les articles 24, 25, 28 et 29 relatifs à l'enregistrement de l'appel :
Considérant que les dispositions des articles 24, 25, 28 et 29 du décret attaqué étendent aux matières dans lesquelles la représentation n'est pas obligatoire, notamment en matière prud'homale, la règle fixée par l'article 902 du nouveau code de procédure civile selon laquelle la déclaration d'appel est remise au greffe de la cour d'appel ; qu'en mettant ainsi fin à un dispositif dérogatoire, le pouvoir réglementaire s'est borné à harmoniser les règles gouvernant la procédure civile ; qu'à supposer même qu'une telle mesure n'ait pas pour effet de simplifier la procédure, elle ne méconnaît nullement le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne les articles 39 à 43 relatifs à la représentation obligatoire en cassation :
Considérant que le Gouvernement est compétent pour édicter les règles fixant la procédure devant les juridictions civiles ; que, dans l'exercice de sa compétence, il doit se conformer tout à la fois aux règles et principes de valeur constitutionnelle, aux principes généraux du droit ainsi qu'aux engagements internationaux introduits dans l'ordre juridique interne ;
Considérant que les dispositions contestées, qui mettent fin à des dispenses de ministère d'avocat devant la Cour de cassation, ont pour objet tant d'assurer aux justiciables la qualité de leur défense que de concourir à une bonne administration de la justice en imposant le recours à des mandataires professionnels offrant des garanties de compétence ; qu'eu égard à l'institution par le législateur d'un dispositif d'aide juridictionnelle, l'obligation du ministère d'avocat ne saurait être regardée comme portant atteinte au droit constitutionnel des justiciables d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; qu'elles ne sont pas davantage contraires à un principe de libre choix du mode de défense en matière prud'homale, qui ne ressort d'aucun des principes ni des règles mentionnés plus haut ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions attaquées et que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.