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25/04/2006 | FRANCE | N°278105

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 25 avril 2006, 278105


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 23 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT », dont le siège est 6, rue Ludovic-Halévy à Sucy-en-Brie (94370), M. Claude A, demeurant ..., Mme Catherine B, demeurant ... et M. Patrice C, demeurant ...; l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT » et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2004-1427 du 23 décembre 2004 relatif à l'âge de cessation d'activité dans le transport aérien public du

personnel navigant inscrit à la section D du registre prévu à l'article L. 4...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 23 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT », dont le siège est 6, rue Ludovic-Halévy à Sucy-en-Brie (94370), M. Claude A, demeurant ..., Mme Catherine B, demeurant ... et M. Patrice C, demeurant ...; l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT » et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2004-1427 du 23 décembre 2004 relatif à l'âge de cessation d'activité dans le transport aérien public du personnel navigant inscrit à la section D du registre prévu à l'article L. 421-3 du code de l'aviation civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les protocoles additionnels à cette convention ;

Vu la charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, notamment son article 6 ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le décret n° 2004-320 du 8 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Maugüé, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT » et autres,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de la deuxième phrase introduite dans l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile par le a) du 2° de l'article 4 de la loi du 26 juillet 2004 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France : « Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section D du registre prévu au même article ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà d'un âge fixé par décret » ; qu'en application de cette disposition, l'article 1er du décret attaqué, du 23 décembre 2004, a ajouté au code de l'aviation civile un article D. 421-10 aux termes duquel : « L'âge au-delà duquel le personnel navigant de l'aéronautique civile inscrit à la section D du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut, en application de l'article L. 421-9, exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public est fixé à cinquante-cinq ans » ; que l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT » et les autres requérants demandent l'annulation de cette dernière disposition ;

Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué a pour seul effet d'empêcher le personnel navigant commercial de continuer à exercer une activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà de l'âge qu'il fixe ; qu'en revanche, il ne fait nullement obstacle à ce que les personnels ayant atteint cette limite d'âge continuent à exercer une activité professionnelle après reclassement dans un emploi au sol ; que la dernière phrase de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile pose, elle-même, le principe d'un tel reclassement et n'autorise la rupture du contrat de travail du navigant qu'en cas d'impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou de refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le décret aurait pour effet d'interdire l'accès à l'exercice d'une activité professionnelle et d'empêcher les personnels intéressés de gagner leur vie par le travail doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : « ... les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires... » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la limite d'âge de 55 ans fixée par le décret attaqué a été prise pour tenir compte de la spécificité des tâches du personnel navigant commercial lorsqu'il travaille en cabine ainsi que des sujétions particulières auxquelles celui-ci est soumis du fait de ses fonctions ; que la limite d'âge ainsi retenue est, en outre, celle qui s'appliquait à la plus grande partie de ce personnel avant l'entrée en vigueur du décret attaqué et coïncide avec celle retenue dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ; qu'ainsi, cette limite d'âge, qui répond à un objectif légitime de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de protection des travailleurs, est proportionnée à l'objectif poursuivi ; que la seule circonstance que les pilotes, qui n'exercent pas les mêmes fonctions que le personnel navigant commercial, puissent rester en activité jusqu'à 60 ans ne suffit pas à démontrer que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les objectifs fixés par la directive du 27 novembre 2000 ; que la circonstance, enfin, que la date d'entrée en vigueur du décret ait été fixée au 1er mai 2006, pour laisser aux compagnies aériennes une période transitoire d'adaptation, notamment pour étudier les possibilités de reclassement au sol du personnel navigant commercial ayant atteint l'âge de 55 ans, n'est pas non plus de nature à contredire les arguments avancés par l'administration pour justifier cette mesure ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué aurait méconnu les objectifs de la directive du 27 novembre 2000, le principe d'égalité ou l'un des principes constitutionnels du droit du travail ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ; que, par suite, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT » et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION « AVENIR NAVIGANT », à M. Claude A, à Mme Catherine B, à M. Patrice C, au Premier ministre et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - ABSENCE - DÉCRET FIXANT À CINQUANTE-CINQ ANS L'ÂGE LIMITE D'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ DE PERSONNEL DE CABINE POUR LES PERSONNELS NAVIGANT DES TRANSPORTS AÉRIENS (ART - D - 421-10 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE).

01-04 Article L. 421-9 du code de l'aviation civile prévoyant, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2004 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, qu'un décret fixe l'âge au delà duquel le personnel navigant de l'aéronautique civile ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public. En application de cette disposition, l'article 1er du décret du 23 décembre 2004 a ajouté au code de l'aviation civile un article D. 421-10 fixant cet âge à cinquante-cinq ans.... ...Ce décret a, en premier lieu, pour seul effet d'empêcher le personnel navigant commercial de continuer à exercer une activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà de l'âge qu'il fixe et ne fait en revanche nullement obstacle à ce que les personnels ayant atteint cette limite d'âge continuent à exercer une activité professionnelle après reclassement dans un emploi au sol, la dernière phrase de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile posant, elle-même, le principe d'un tel reclassement et n'autorisant la rupture du contrat de travail du navigant qu'en cas d'impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou de refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert. Par suite, rejet des moyens tirés de ce que le décret aurait pour effet d'interdire l'accès à l'exercice d'une activité professionnelle et d'empêcher les personnels intéressés de gagner leur vie par le travail.,,En second lieu, la limite d'âge de 55 ans fixée par le décret attaqué a été prise pour tenir compte de la spécificité des tâches du personnel navigant commercial lorsqu'il travaille en cabine ainsi que des sujétions particulières auxquelles celui-ci est soumis du fait de ses fonctions et est, en outre, celle qui s'appliquait à la plus grande partie de ce personnel avant l'entrée en vigueur du décret attaqué et coïncide avec celle retenue dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne. Ainsi, cette limite d'âge, qui répond à un objectif légitime de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de protection des travailleurs, est proportionnée à l'objectif poursuivi. La seule circonstance que les pilotes, qui n'exercent pas les mêmes fonctions que le personnel navigant commercial, puissent rester en activité jusqu'à 60 ans ne suffit pas à démontrer que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les objectifs fixés par la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dont l'article 6 dispose que : « (…) les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires (…).

TRANSPORTS - TRANSPORTS AÉRIENS - PERSONNELS - PERSONNELS DES COMPAGNIES AÉRIENNES - PERSONNEL NAVIGANT - DÉCRET FIXANT À CINQUANTE-CINQ ANS L'ÂGE LIMITE D'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ DE PERSONNEL DE CABINE (ART - D - 421-10 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE) - LÉGALITÉ.

65-03-01-01-03 Article L. 421-9 du code de l'aviation civile prévoyant, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2004 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, qu'un décret fixe l'âge au delà duquel le personnel navigant de l'aéronautique civile ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public. En application de cette disposition, l'article 1er du décret du 23 décembre 2004 a ajouté au code de l'aviation civile un article D. 421-10 fixant cet âge à cinquante-cinq ans.... ...Ce décret a, en premier lieu, pour seul effet d'empêcher le personnel navigant commercial de continuer à exercer une activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà de l'âge qu'il fixe et ne fait en revanche nullement obstacle à ce que les personnels ayant atteint cette limite d'âge continuent à exercer une activité professionnelle après reclassement dans un emploi au sol, la dernière phrase de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile posant, elle-même, le principe d'un tel reclassement et n'autorisant la rupture du contrat de travail du navigant qu'en cas d'impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou de refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert. Par suite, rejet des moyens tirés de ce que le décret aurait pour effet d'interdire l'accès à l'exercice d'une activité professionnelle et d'empêcher les personnels intéressés de gagner leur vie par le travail.,,En second lieu, la limite d'âge de 55 ans fixée par le décret attaqué a été prise pour tenir compte de la spécificité des tâches du personnel navigant commercial lorsqu'il travaille en cabine ainsi que des sujétions particulières auxquelles celui-ci est soumis du fait de ses fonctions et est, en outre, celle qui s'appliquait à la plus grande partie de ce personnel avant l'entrée en vigueur du décret attaqué et coïncide avec celle retenue dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne. Ainsi, cette limite d'âge, qui répond à un objectif légitime de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de protection des travailleurs, est proportionnée à l'objectif poursuivi. La seule circonstance que les pilotes, qui n'exercent pas les mêmes fonctions que le personnel navigant commercial, puissent rester en activité jusqu'à 60 ans ne suffit pas à démontrer que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les objectifs fixés par la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dont l'article 6 dispose que : « (…) les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires (…).


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 avr. 2006, n° 278105
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Christine Maugüé
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Date de la décision : 25/04/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 278105
Numéro NOR : CETATEXT000008238266 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-04-25;278105 ?
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