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28/04/2006 | FRANCE | N°278738

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 28 avril 2006, 278738


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 18 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 21 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, infirmant le jugement du 7 décembre 2000 du tribunal administratif de Melun, a déchargé la société Atys France, venant aux droits de la société SIAS France de la retenue à la source à laquelle celle-ci a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991 et

1992 et des pénalités y afférentes ;

Vu les autres pièces ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 18 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 21 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, infirmant le jugement du 7 décembre 2000 du tribunal administratif de Melun, a déchargé la société Atys France, venant aux droits de la société SIAS France de la retenue à la source à laquelle celle-ci a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 et des pénalités y afférentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Atys France,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats imposables de la société SIAS France les sommes de 668 237 F, 689 895 F et 978 479 F, respectivement pour les exercices clos en 1990, 1991 et 1992, représentant diverses charges sociales et indemnités d'expatriation concernant des cadres français employés par la société mexicaine SIAS Port et la société américaine Ramsey, filiales comme elle de la société SIAS MPA ; que la société SIAS France a contesté la retenue à la source mise à sa charge en conséquence de ces redressements ; que par l'arrêt attaqué en date du 21 janvier 2005, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir confirmé l'analyse faite par le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 7 décembre 2000, selon laquelle les charges sociales litigieuses constituaient un avantage consenti sans contrepartie suffisante par la société SIAS France au profit de ses sociétés soeurs, a néanmoins, contrairement à ce jugement, déchargé la société SIAS France de la retenue à la source, au motif que l'avantage susmentionné aurait pu constituer une charge déductible pour la société SIAS MPA, membre du même groupe fiscal intégré que la société SIAS France ;

Considérant que l'option pour le régime dit de l'intégration fiscale implique que les résultats de chacune des sociétés du groupe fiscal intégré, dont la somme algébrique constitue le résultat d'ensemble servant d'assiette à l'impôt sur les sociétés dû par la société ayant exercé l'option, soient déterminés dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit l'article 223 B du code général des impôts, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception ; qu'aucune de ces dispositions n'autorise l'une des sociétés d'un groupe fiscal intégré à déduire, dans des conditions différant de celles du droit commun, un avantage consenti à une société extérieure à ce groupe ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la seule circonstance que l'avantage consenti par une société du groupe fiscal intégré à des sociétés extérieures au groupe intégré avait une contrepartie suffisante pour une autre société de ce groupe suffisait à justifier que son coût soit déduit des résultats de la société qui l'a consenti ; que le ministre est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 12 avril 1996, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code : Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (…)./ A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus à l'alinéa précédent, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ; qu'il résulte de ces dispositions, invoquées par l'administration, qu'il appartient à l'entreprise française qui a consenti un avantage à une entreprise étrangère qui lui est liée, de justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes à son coût ;

Considérant que, pour justifier la déduction des charges sociales et indemnités d'expatriation de ceux de ses cadres qui étaient détachés dans des sociétés étrangères du groupe Pernod-Ricard, la société Atys France, qui vient aux droits de la société SIAS France, fait principalement valoir, d'une part, l'intérêt que présentait, non pas pour elle mais pour le groupe tel qu'il existait à l'époque des faits, le fait d'assurer à ses cadres une carrière internationale et, d'autre part, la difficulté de faire supporter par la société d'accueil les surcoûts d'un cadre expatrié ; que ces éléments, s'ils pourraient justifier que ces coûts soient supportés par la société SIAS MPA, qui, à la tête du sous-groupe concerné, élaborait la politique centralisée de l'encadrement et percevait en contrepartie les redevances d'assistance générale, ne sont en revanche pas de nature à démontrer l'intérêt propre de la société SIAS France, qui produit et commercialise des préparations de jus de fruits et ne détient aucune participation, directe ou indirecte, dans les sociétés étrangères susmentionnées ; que si cette société invoque également le fait que la société SIAS Port lui fournissait, au prix du marché, des fraises prétranchées de qualité, et que la société Ramsey lui aurait permis de nouer des relations commerciales avec la société Haagen-Dazs, ces éléments ne constituent pas une contrepartie suffisante à la prise en charge des frais litigieux, lesquels ne pouvaient donc pas être déduits des résultats de la société SIAS France ;

Considérant toutefois, que les droits contestés ont été établis sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, selon lequel les sommes regardées comme distribuées en vertu notamment des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 de ce code donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'elles bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les sommes réintégrées dans les résultats de la société SIAS France ont bénéficié non pas aux sociétés SIAS Port ou Ramsey, dont l'administration ne soutient pas que les redevances qu'elles versaient à la société MPA n'auraient pas intégralement couvert le surcoût impliqué par le maintien ou l'octroi, aux cadres qu'elles employaient, d'avantages dont ne bénéficiaient pas les cadres locaux, mais à la société SIAS MPA, qui a son siège en France ; qu'ainsi la société Atys France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a maintenu à sa charge les rappels de retenue à la source contestés ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par la société Atys France et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 21 janvier 2005 et le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 7 décembre 2000 sont annulés.

Article 2 : La société SIAS France, aux droits de laquelle vient la société Atys France, est déchargée des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 et des pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Atys France la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Atys France.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 278738
Date de la décision : 28/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - RÈGLES GÉNÉRALES. - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - GROUPES FISCALEMENT INTÉGRÉS (ART. 223 A ET 223 B DU CGI) - A) INCIDENCE DE L'OPTION POUR LE RÉGIME DIT DE L'INTÉGRATION FISCALE SUR LA DÉTERMINATION DU RÉSULTAT DE CHACUNE DES SOCIÉTÉS DU GROUPE - ABSENCE, SAUF DÉROGATIONS AU DROIT COMMUN EXPRESSÉMENT AUTORISÉES PAR CE RÉGIME D'EXCEPTION - CONSÉQUENCE - DÉDUCTIBILITÉ D'UNE AIDE ACCORDÉE PAR UNE DES SOCIÉTÉS DU GROUPE À UNE SOCIÉTÉ N'APPARTENANT PAS À CE GROUPE RÉPONDANT AUX RÈGLES DU DROIT COMMUN [RJ1] - B) CONSÉQUENCES EN MATIÈRE D'ACTE ANORMAL DE GESTION - 1) COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL SE FONDANT, POUR RECONNAÎTRE LE CARACTÈRE NORMAL D'UNE AIDE CONSENTIE À UN TIERS PAR UNE SOCIÉTÉ APPARTENANT À UN GROUPE FISCALEMENT INTÉGRÉ, SUR L'INTÉRÊT D'UNE AUTRE SOCIÉTÉ DE CE GROUPE - ERREUR DE DROIT - 2) AVANTAGES CONSENTIS À UNE ENTREPRISE ÉTRANGÈRE (ART. 57 DU CGI) - ACTE ANORMAL DE GESTION - CONDITION - AVANTAGE CONSENTI DANS LE SEUL INTÉRÊT DU GROUPE PAR UNE SOCIÉTÉ AUTRE QUE LA TÊTE DU GROUPE.

19-04-01-04-03 a) L'option pour le régime dit de l'intégration fiscale, défini par les articles 223 A et suivants du code général des impôts, implique que les résultats de chacune des sociétés du groupe fiscal intégré, dont la somme algébrique constitue le résultat d'ensemble servant d'assiette à l'impôt dû par la société ayant exercé l'option, soient déterminés dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit l'article 223 B du code général des impôts, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception. Aucune de ces dispositions n'autorise l'une des sociétés d'un groupe fiscal intégré à déduire, dans des conditions différant de celles du droit commun, une aide apportée à une société n'appartenant pas à ce groupe.... ...b) 1) Par suite, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant que la seule circonstance que l'avantage consenti par une société du groupe fiscal intégré à des sociétés extérieures au groupe intégré a une contrepartie suffisante pour une autre société de ce groupe suffit à justifier que son coût soit déduit des résultats de la société qui l'a consenti.,,2) Il résulte des dispositions de l'article 57 du code général des impôts qu'il appartient à l'entreprise française qui a consenti un avantage à une entreprise étrangère qui lui est liée, de justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes à son coût. Pour justifier la déduction des charges sociales et indemnités d'expatriation de ceux de ses cadres qui étaient détachés dans des sociétés étrangères du groupe auquel elle appartenait, la société requérante faisait principalement valoir, d'une part, l'intérêt que présentait, non pas pour elle mais pour le groupe tel qu'il existait à l'époque des faits, le fait d'assurer à ses cadres une carrière internationale et, d'autre part, la difficulté de faire supporter par la société d'accueil les surcoûts d'un cadre expatrié. Ces éléments, s'ils pourraient justifier que ces coûts soient supportés par la société qui, à la tête du sous-groupe concerné, élaborait la politique centralisée de l'encadrement et percevait en contrepartie les redevances d'assistance générale, ne sont en revanche pas de nature à démontrer l'intérêt propre de la société requérante, qui ne détient aucune participation, directe ou indirecte, dans les sociétés étrangères en cause.


Références :

[RJ1]

Cf. 10 mars 2006, Société Sept, n° 263183 à publier, feuilles roses p. 31 ;

28 avril 2006, Société SEEEE, n°277572 à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2006, n° 278738
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:278738.20060428
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