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28/04/2006 | FRANCE | N°291861

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 28 avril 2006, 291861


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ali A, demeurant Citak Kasabasi Civril à Denizli (Turquie) élisant domicile à la Selarl Eden avocats Madeline, Rouly, Falacho, 44 rue Jeanne d'Arc à Rouen (76000) ; M. A demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du Conseil d'Etat :

1) de suspendre l'exécution de la décision implicite du consul général de France à Istanbul, confirmée par le ministre des affaires étrangères, rejetant sa demande de dél

ivrance d'un visa de long séjour ;

2) d'enjoindre au consul général de Fr...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ali A, demeurant Citak Kasabasi Civril à Denizli (Turquie) élisant domicile à la Selarl Eden avocats Madeline, Rouly, Falacho, 44 rue Jeanne d'Arc à Rouen (76000) ; M. A demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du Conseil d'Etat :

1) de suspendre l'exécution de la décision implicite du consul général de France à Istanbul, confirmée par le ministre des affaires étrangères, rejetant sa demande de délivrance d'un visa de long séjour ;

2) d'enjoindre au consul général de France à Istanbul de lui délivrer ce visa dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ;

3) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1000 euros dont le règlement sera effectué à la Selarl Eden avocats Madeline, Rouly, Falacho qui s'engage à renoncer au versement de l'aide juridictionnelle ;

il expose que l'urgence tient à la circonstance qu'il a contracté mariage en France avec Mme GUERY le 21 juin 2002 ; que par jugement du 16 mars 2004, confirmé par la cour d'appel par arrêt du 2 juin 2005, le tribunal de grande instance d'Evreux a rejeté la demande du procureur de la République près ce tribunal tendant à voir prononcer la nullité de ce mariage ; qu'ainsi il se trouve séparé depuis plus de trois ans de son épouse en méconnaissance du droit des époux au respect de leur vie privée et familiale alors que leur mariage a été jugé sincère ; qu'en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la décision du consul général de France à Istanbul n'est pas motivée ; qu'elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement du tribunal de grande instance d'Evreux et l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rouen du 4 octobre 2004 qui a relaxé Mme GUERY et M. Omer A, frère du requérant, des fins des poursuites dirigées contre eux du chef de complicité du délit d'obtention indue de document administratif, établissent la sincérité du lien conjugal et l'absence de fraude ; qu'ainsi, en refusant le visa au motif que le requérant aurait épousé Mme GUERY dans un but étranger à l'institution du mariage, le consul général de France à Istanbul et le ministre des affaires étrangères ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que ces moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce refus ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistré le 19 avril 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les conditions dans lesquelles le requérant a cherché à se maintenir en France où il séjournait irrégulièrement, les circonstances de son mariage avec Mme GUERY, sa reconnaissance mensongère de la fille de cette dernière, établissent que ce mariage est dépourvu de toute sincérité et n'a eu pour but que de lui permettre de régulariser sa situation ; que le maintien d'une quelconque relation entre Mme GUERY et le requérant depuis son retour en Turquie n'a pas été démontré ; que la décision de la commission de recours contre les refus de visa étant destinée à se substituer à la décision attaquée, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette dernière est inopérant ; qu'aucun moyen n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus de visa ; qu'en l'absence de lien réel entre le requérant et son épouse et eu égard à la fraude commise, aucune atteinte excessive n'a été portée au droit du respect de la vie familiale du requérant ; que l'urgence n'est pas justifiée ; que la demande d'injonction, telle qu'elle a été formulée, est irrecevable ;

Vu, enregistré le 26 avril 2006, le mémoire en réplique présenté par M. A, qui persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les attestations qu'il produit établissent la fréquence des relations téléphoniques entre les époux ; que Mme GUERY qui a deux enfants et son emploi en France ne peut s'établir en Turquie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Ali A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 27 avril 2006 à 11 heures 15 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Ali A ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'il séjournait irrégulièrement en France, M. A, ressortissant de Turquie, a contracté mariage le 21 juillet 2002 devant l'officier d'état civil d'Evreux avec Mme GUERY, de nationalité française ; que M. A étant alors retourné en Turquie et y ayant demandé la délivrance d'un visa de long séjour afin de s'établir en France auprès de son épouse, diverses circonstances ont conduit à suspecter la sincérité de ce mariage ; que toutefois par un jugement en date du 16 mars 2004 le tribunal de grande instance d'Evreux a rejeté l'action en nullité présentée par le procureur de la République ; que l'appel formé par ce dernier a été rejeté par la cour d'appel de Rouen le 2 juin 2005 ; qu'auparavant cette cour d'appel statuant en chambre correctionnelle avait relaxé Mme GUERY et M. Omer A, frère du requérant, des poursuites formées à leur encontre pour avoir organisé un mariage de complaisance et favorisé l'obtention d'un titre de séjour au profit du requérant ; que, dans ces conditions et eu égard à la circonstance que pour continuer à dénier toute sincérité au lien matrimonial et refuser pour ce motif le visa sollicité, l'administration s'appuie sur les éléments déjà produits à l'occasion des procédures juridictionnelles mentionnées ci-dessus, le moyen tiré de ce que le refus de visa repose sur une erreur manifeste d'appréciation apparaît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard à la difficulté pour Mme GUERY, qui a la charge de deux enfants et un emploi en France, de séjourner en Turquie et au délai qui s'est écoulé depuis la séparation des époux, la condition de l'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision refusant de délivrer le visa à M. A et, compte tenu de l'interprétation donnée au cours de l'audience des conclusions de sa requête à fin d'injonction, d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de réexaminer sa demande au regard de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'Etat, la somme demandée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du consul général de France à Istanbul, confirmée par la décision du ministre des affaires étrangères du 22 novembre 2005, rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande de M. A.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ali A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 291861
Date de la décision : 28/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2006, n° 291861
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Durand-Viel
Rapporteur ?: M. Marc Durand-Viel

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:291861.20060428
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