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03/05/2006 | FRANCE | N°271718

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 03 mai 2006, 271718


Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 5 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite de M. X... B et l'arrêté plaçant ce dernier en rétention administrative ;

2°) de rejeter

la demande présentée par M. B devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les...

Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 5 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite de M. X... B et l'arrêté plaçant ce dernier en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 52 ;893 du 25 juillet 1952, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003 ;1176 du 10 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, alors en vigueur : « Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par la présente ordonnance ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile, présente cette demande dans les conditions fixées à l'article 10 de la loi n° 52 ;893 du 25 juillet 1952 précitée » ; qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952, alors en vigueur, dans sa rédaction issue de la loi du 10 décembre 2003 : « L'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si (…) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente » ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 12 de la même loi : « … L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945 précitée ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B a fait valoir au moment de son interpellation qu'il demandait l'asile, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a présenté cette demande qu'après avoir été informé qu'un arrêté de reconduite à la frontière allait être pris à son encontre ; qu'il n'a fait état d'aucune circonstance permettant de fonder cette demande et que son intention était de se rendre en Grande-Bretagne ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la demande d'asile formée par M. B doit être regardée comme ayant un caractère dilatoire au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'absence de caractère dilatoire de sa demande d'asile pour annuler la mesure de reconduite à la frontière prise le 5 juillet 2004 à l'encontre de M. B, la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination et l'arrêté plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. B, de nationalité turque, est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cas visé par les dispositions précitées du 1°) du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée autorisant la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B est célibataire, sans enfant et a conservé toutes ses attaches dans son pays d'origine ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la brièveté de son séjour en France ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 5 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite de M. B et l'arrêté plaçant ce dernier en rétention administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille du 8 juillet 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU PAS-DE-CALAIS, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 271718
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mai. 2006, n° 271718
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271718.20060503
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