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05/05/2006 | FRANCE | N°259957

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 05 mai 2006, 259957


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE MULLERHOF, dont le siège est Mullerhof Muhlbach à Urmatt (67280), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MULLERHOF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 8 janvier 1998 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté la demande de M. X... A tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 1996 du ministre du tr

avail et des affaires sociales confirmant, après réformation, la décisi...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE MULLERHOF, dont le siège est Mullerhof Muhlbach à Urmatt (67280), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MULLERHOF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 8 janvier 1998 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté la demande de M. X... A tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 1996 du ministre du travail et des affaires sociales confirmant, après réformation, la décision de l'inspecteur du travail du 27 décembre 1995 autorisant la SOCIETE MULLERHOF à procéder à son licenciement ;

2°) statuant au fond, de rejeter la requête formée par M. A à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 janvier 1998 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu les lois d'amnistie n° 95-884 du 3 août 1995 et n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de la SOCIETE MULLERHOF et autres,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE MULLERHOF a obtenu, par décision du 19 juin 1996 du ministre du travail et des affaires sociales confirmant, après réformation, la décision de l'inspecteur du travail du 27 décembre 1995, l'autorisation administrative de licencier M. A, salarié protégé ; que le jugement du 8 janvier 1998 du tribunal administratif de Strasbourg, qui avait rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de cette autorisation, a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 26 juin 2003 ; que la SOCIETE MULLERHOF se pourvoit contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'après avoir communiqué la veille de l'audience au conseil de la SOCIETE MULLERHOF le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer, le commissaire du gouvernement a modifié celui-ci lors de l'audience sans en avoir préalablement prévenu ce conseil ; que cette circonstance doit être regardée comme ayant porté atteinte à la régularité de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel même si, informé de ce fait, le conseil de la société a pu produire une note en délibéré après l'audience ; qu'ainsi la SOCIETE MULLERHOF est fondée à soutenir que l'arrêt de la cour doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Considérant qu'il résulte du dossier que M. A était responsable des méthodes de la SOCIETE MULLERHOF et à ce titre chargé de diverses recherches ; que son épouse a déposé, au nom de la société unipersonnelle dont elle était la gérante, un brevet concernant un procédé relevant du champ de recherche confié à M. A ; que M. A a informé la SOCIETE MULLERHOF de l'existence de ce brevet le 6 juin 1995 ; que la SOCIETE MULLERHOF a cherché à parfaire et compléter son information par une enquête et en recourant à une sommation interpellative délivrée à M. A le 29 septembre suivant ; qu'il est constant toutefois que l'état de l'information de la SOCIETE MULLERHOF n'était pas différent à cette dernière date, ou le 15 novembre 1995, date d'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de M. A, de celui qui était le sien dès le 6 juin ; que la circonstance que M. A ait, le 29 septembre, répondu de manière inexacte à la sommation interpellative, est sans incidence dans la mesure où ce comportement n'est pas celui qui a fondé les poursuites disciplinaires et la demande d'autorisation de licenciement ; qu'ainsi, en application des dispositions de l'article L. 122-44 ci-dessus rappelées, les faits constatés le 6 juin ne pouvaient plus légalement servir de fondement à un licenciement pour faute plus de deux mois après cette date ; qu'il en résulte que M. A est fondé à soutenir que c'est en méconnaissance de ces dispositions que le jugement attaqué a rejeté sa requête dirigée contre la décision du ministre confirmant après l'avoir en partie réformée la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler ce jugement, ensemble la décision attaquée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante les sommes que la SOCIETE MULLERHOF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 26 juin 2003 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 8 janvier 1998 est annulé.

Article 3 : La décision du 19 juin 1996 du ministre du travail et des affaires sociales est annulée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A et les conclusions de la SOCIETE MULLERHOF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MULLERHOF, à M. Jean ;Michel A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - VIOLATION - MODIFICATION DU SENS DES CONCLUSIONS DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT LORS DE L'AUDIENCE SANS INFORMATION PRÉALABLE DE LA PARTIE À QUI LE SENS INITIAL DES CONCLUSIONS AVAIT ÉTÉ COMMUNIQUÉ.

26-055-01-06-02 Après avoir communiqué la veille de l'audience au conseil de l'une des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer, le commissaire du gouvernement a modifié celui-ci lors de l'audience sans en avoir préalablement prévenu ce conseil. Cette circonstance doit être regardée comme ayant porté atteinte à la régularité de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel même si, informé de ce fait, le conseil en cause a pu produire une note en délibéré après l'audience.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - TENUE DES AUDIENCES - SENS DES CONCLUSIONS DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT COMMUNIQUÉ À L'UNE DES PARTIES AVANT L'AUDIENCE - MODIFICATION DU SENS DES CONCLUSIONS LORS DE L'AUDIENCE SANS INFORMATION PRÉALABLE DE CETTE PARTIE - IRRÉGULARITÉ DE L'ARRÊT - ALORS MÊME QUE LA PARTIE EN CAUSE A PU PRODUIRE UNE NOTE EN DÉLIBÉRÉ.

54-06-02 Après avoir communiqué la veille de l'audience au conseil de l'une des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer, le commissaire du gouvernement a modifié celui-ci lors de l'audience sans en avoir préalablement prévenu ce conseil. Cette circonstance doit être regardée comme ayant porté atteinte à la régularité de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel même si, informé de ce fait, le conseil en cause a pu produire une note en délibéré après l'audience.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2006, n° 259957
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Sauron
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : COSSA ; SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Date de la décision : 05/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 259957
Numéro NOR : CETATEXT000008224884 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-05-05;259957 ?
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