Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 19 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 16 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…)2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à une obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, ou si pendant la durée de validité de son visa ou pendant la période de trois mois précitée, son comportement constitue une menace pour l'ordre public. ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, ressortissante camerounaise, s'est maintenue sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de 14 jours de son visa d'entrée délivré pour un séjour du 18 octobre 2004 au 1er novembre 2004 ; qu'elle se trouvait ainsi, le 16 novembre 2004, dans un cas où, en application des dispositions du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mlle A fait valoir qu'à la date de l'arrêté attaqué, le 16 novembre 2004, elle était sur le point de contracter mariage avec un ressortissant français, ce mariage initialement fixé au 4 décembre 2004 a été reporté par décision en date du 8 novembre 2004 du procureur de la République d'Annecy qui a prononcé un sursis de trente jours dans l'attente des résultats de l'enquête qu'il a diligentée ; que dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'a pas agi avec précipitation en prenant la mesure d'éloignement à l'encontre de Mlle A ; qu'il a vérifié, comme il le devait, que la mesure en cause ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale de celle-ci et qu'il a fondé sa décision sur le seul motif de l'irrégularité de son séjour en France ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur la circonstance que cet arrêté aurait eu pour motif déterminant d'empêcher le mariage de Mlle A ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mlle A devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de reconduite à la frontière prise à l'encontre de Mlle A a été signée par le secrétaire général de la préfecture de Haute-Savoie qui a reçu délégation à cet effet par un arrêté préfectoral du 2 décembre 2002 régulièrement publié ; que la décision attaquée, qui énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le PREFET DE LA HAUTE ;SAVOIE a fondé la décision d'éloignement de Mlle A sur le seul motif tiré de l'irrégularité du séjour de celle-ci en France ; que, par suite, il n'a pas entaché son arrêté de détournement de pouvoir ni méconnu l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si Mlle A a formé le projet de se marier avec un ressortissant de nationalité française, sa relation avec celui-ci était récente ; qu'elle était célibataire à la date de l'arrêté et qu'il n'est pas contesté que toute sa famille d'origine réside au Cameroun ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision du 16 novembre 2004 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'a pas porté au droit de Mlle A au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue duquel elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que par son jugement du 19 novembre 2004, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 16 novembre 2004 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions de Mlle A dirigées contre l'arrêté du 16 novembre 2004 n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant qu'il soit enjoint au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 19 novembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE et à Mlle X... A.