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10/05/2006 | FRANCE | N°258857

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 10 mai 2006, 258857


Vu 1°), sous le n° 258857, la requête, enregistrée le 25 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... A épouse B, demeurant ... ; Mme A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excè

s de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de...

Vu 1°), sous le n° 258857, la requête, enregistrée le 25 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... A épouse B, demeurant ... ; Mme A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu 2°), sous le n° 258961, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 29 juillet et le 4 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme X... A épouse B, demeurant ... ; Mme A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1945 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes nos 258857 et 258961 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu des les joindre pour qu'il soit statué par une même décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris, Mme A épouse B a soutenu que la décision du préfet de police du 9 janvier 2003 ayant refusé de l'admettre au séjour avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du médecin-inspecteur de la santé publique en date du 5 novembre 2002 sur lequel elle se fonde méconnaissait les dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application des dispositions de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 modifié, faute de lui avoir été communiqué et d'être suffisamment motivé ; qu'il ressort du jugement attaqué en date du 23 juin 2003 que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur ce moyen et que dès lors Mme A épouse B est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A épouse B, de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 janvier 2003, de la décision du préfet de police du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée qui ne subordonne pas la possibilité pour le préfet de prendre une mesure de reconduite à la frontière à la circonstance que la décision de refus de titre de séjour qui la fonde soit devenue définitive ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant que la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de police à l'encontre de Mme A épouse B, comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; qu'aux termes du 8° de l'article 25 de la même ordonnance : (…) ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...). Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi au médecin-inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ; qu'il ressort de l'avis rendu par le médecin chef du service médical de la préfecture de police du 5 novembre 2002, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait la communication, que l'intéressée peut faire l'objet d'un suivi médical et de traitements appropriés au Maroc ; que dès lors, cet avis étant suffisamment circonstancié, le refus de titre de séjour contesté a été pris suivant une procédure régulière et n'est en conséquence pas entaché d'illégalité ;

Considérant que si Mme A épouse B soutient qu'elle souffre d'une hypertension artérielle dont le suivi médical ne peut être assuré qu'en France, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, et notamment de l'avis précité du médecin chef du service médical de la préfecture de police ainsi que des certificats médicaux produits par l'intéressée, que son état de santé ne puisse faire l'objet d'un traitement médical approprié au Maroc ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour n'a méconnu ni les dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni les dispositions du 8° de l'article 25 de la même ordonnance ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;

Considérant que si Mme A épouse B, entrée en France le 30 juin 2002, soutient que son mari réside depuis 1970 en France et est titulaire d'une carte de résident, que son fils mineur est régulièrement scolarisé sur le territoire national et que sa soeur réside en France depuis 1981, il ne résulte toutefois pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée de son séjour en France, du fait qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ou résident trois de ses quatre enfants et de la possibilité pour son époux de solliciter le bénéfice de la procédure de regroupement familial, la décision de refus de titre de séjour ait porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A épouse B au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si, aux termes des dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15, il résulte de ce qui précède que Mme A épouse B n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° ou du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il résulte toutefois de ce qui précède qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment en l'absence de toute circonstance mettant Mme A épouse B dans l'impossibilité d'emmener son fils mineur avec elle, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, pour les raisons exposées ci-dessus, et compte tenu de l'absence de changement dans sa situation, Mme A épouse B n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière aurait méconnu les dispositions des 7° et 11° de l'article 12 bis ainsi que du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il n'a en outre méconnu les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme A épouse B devant le président du tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A épouse B demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 23 juin 2003 rendu par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... A épouse B et au préfet de police.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 258857
Date de la décision : 10/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2006, n° 258857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:258857.20060510
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