Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 15 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant marocain, est entré irrégulièrement sur le territoire français et que sa situation n'a pas été régularisée par la suite ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que M. A souffrait, à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, d'une ostéite chronique au niveau du fémur droit qui, en l'absence d'intervention chirurgicale, comportait un risque de complication générale avec septicémie, voire de choc septique ; qu'il ressort également des pièces du dossier que le patient avait déjà subi au Maroc quatre opérations liées aux infections contractées à la suite notamment des fractures des deux fémurs à l'origine de la pathologie susmentionnée ; que sans avoir une connaissance de l'ensemble de ces faits, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME avait été informé par le requérant de son état et de la proximité d'une nouvelle opération lors de sa venue en France en vue d'y être opéré ; qu'à la date de l'arrêté litigieux, une intervention chirurgicale était prévue au département d'orthopédie-traumatologie et chirurgie plastique de l'hôpital Charles Y..., établissement faisant partie du centre hospitalier universitaire de Rouen ; qu'en décidant le 15 avril 2004 que M. A devait être reconduit à la frontière, alors qu'il devait subir cette intervention chirurgicale le 6 mai suivant, circonstance suffisamment établie par le requérant par l'invocation d'un rendez-vous avec un anesthésiste lors de sa garde à vue, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a commis une erreur manifeste sur l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 15 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier la somme de 1 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.