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10/05/2006 | FRANCE | N°274040

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 10 mai 2006, 274040


Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'AVEYRON ; le PREFET DE L'AVEYRON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 12 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme A épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A épouse B devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention e

uropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la conventi...

Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'AVEYRON ; le PREFET DE L'AVEYRON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 12 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme A épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A épouse B devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du PREFET DE L'AVEYRON notifiant à Mme A épouse B la décision du 8 septembre 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été présentée au domicile de l'intéressée le 10 septembre 2004 ; que l'avis de réception de cette lettre recommandée a été retourné à la préfecture de l'Aveyron par les services postaux avec la mention « non réclamé - retour à l'envoyeur » ; que, par suite, la décision du 8 septembre 2004 doit être regardée comme ayant été notifiée à Mme A épouse B, le 10 septembre 2004, date de présentation du pli à son domicile ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'AVEYRON est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé, pour annuler son arrêté en date du 12 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme A épouse B, sur la circonstance que cet arrêté lui aurait été notifié moins d'un mois après la notification de la décision de refus de séjour ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A épouse B, tant devant le Conseil d'Etat que devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme A épouse B, de nationalité guinéenne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du PREFET DE L'AVEYRON lui refusant un titre de séjour ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que si Mme A épouse B, fait valoir qu'elle n'a plus de nouvelles de son père et de sa mère et qu'elle n'a ni frère, ni soeur, ni parent proche dans son pays d'origine, que son mari a quitté la Guinée pour fuir les persécutions, que leur retour les exposerait, ainsi que leur enfant, à des risques divers, de brimades, de persécutions ou d'emprisonnement, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de ce que l'intéressée n'établit pas n'avoir plus d'attaches familiales dans son pays, de ce qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques encourus, de ce qu'elle ne fait état d'aucun élément concret faisant obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine avec son mari, en situation irrégulière sur le territoire français et dont la légalité de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière en date du 13 avril 2004 a été confirmée par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 25 mai 2005, l'arrêté attaqué, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'en tout état de cause la circonstance que la requérante aurait attendu la naissance d'un nouvel enfant, postérieure à cet arrêté, n'a aucune influence sur sa légalité ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations des articles 1, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la mesure litigieuse ait, dans les circonstances de l'espèce, méconnu les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'AVEYRON est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 12 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme A épouse B ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2004 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'AVEYRON, à Mme X... A épouse B et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 mai. 2006, n° 274040
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Aguila

Origine de la décision
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 10/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 274040
Numéro NOR : CETATEXT000008241329 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-05-10;274040 ?
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