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12/05/2006 | FRANCE | N°254903

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 12 mai 2006, 254903


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 10 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'OISE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai d'une part, a annulé le jugement du 17 décembre 1999 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il condamnait les participants à l'exécution du marché pour la reconstruction du collège Edo

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 10 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'OISE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai d'une part, a annulé le jugement du 17 décembre 1999 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il condamnait les participants à l'exécution du marché pour la reconstruction du collège Edouard Herriot à l'indemniser du surcoût des travaux et d'autre part, a confirmé sa condamnation à verser une somme de 308 413,96 francs à la société Spie Nord-Est Picardie ;

2°) statuant au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de M. Richard A, de la société Bureau Véritas, de la société Logabat Ingénierie et de la société Spie Citra Nord la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du DEPARTEMENT DE L'OISE, de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la société Spie Citra Nord, de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la société Forage et Fondations, de la SCP Boulloche, avocat de M. A et de la SCP Gatineau, avocat de la société Bureau Veritas,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le DEPARTEMENT DE L'OISE a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de reconstruction du collège Edouard Herriot à Nogent sur Oise à un groupement représenté par M. A, architecte, au sein duquel figurait le bureau d'études techniques Logabat Ingénierie ; que la société Bureau Veritas a été chargée d'une mission de contrôle technique portant sur les fondations de l'ouvrage alors que les travaux de fondations et de gros oeuvre étaient assurés par la société Spie Nord-Est Picardie, aux droits de laquelle est venue la société Spie Citra Nord ; que par un jugement en date du 17 décembre 1999, le tribunal administratif d'Amiens d'une part, a condamné les maîtres d'oeuvre, la société Bureau Veritas et la société Spie Citra Nord à indemniser le DEPARTEMENT DE L'OISE à hauteur des frais supplémentaires qu'il a supportés à la suite de la modification des pieux utilisés pour les fondations et d'autre part, a condamné le DEPARTEMENT DE L'OISE à indemniser la société Spie Citra Nord à concurrence des frais supplémentaires nés de ce changement pour l'entreprise ; que par un arrêt en date du 20 décembre 2002, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il condamnait les constructeurs et l'a confirmé en tant qu'il condamnait le département à indemniser la société Spie Citra Nord ; que le DEPARTEMENT DE L'OISE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que si le DEPARTEMENT DE L'OISE soutient que la minute de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Douai ne serait pas signée, ce moyen manque en fait ;

Sur l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur la demande de la société Spie Citra Nord :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la société Spie Citra Nord a présenté, pour la première fois dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 14 décembre 1999, des conclusions tendant à la condamnation du DEPARTEMENT DE L'OISE à l'indemniser des frais supplémentaires restés à sa charge à la suite de la modification des fondations, le tribunal a alors réouvert l'instruction et le département a déposé, le 16 décembre, un mémoire en réponse ; que, dans les circonstances de l'affaire et compte-tenu de l'argumentation développée à l'appui de conclusions certes nouvelles mais qui portaient sur une somme qui avait déjà fait l'objet de discussions entre les parties au cours de l'instance, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le tribunal, en maintenant l'examen de l'affaire à la séance publique du 17 décembre 1999, n'avait pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

Considérant que si le DEPARTEMENT DE L'OISE soutient que les conclusions de la société Spie Citra Nord tendant au remboursement des frais supplémentaires restés à sa charge étaient irrecevables faute pour l'entreprise d'avoir contesté le décompte dans les formes prévues par le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département, après avoir invoqué ce moyen devant le tribunal administratif d'Amiens, ne l'avait pas repris en appel ; qu'un tel moyen n'étant pas d'ordre public, le DEPARTEMENT DE L'OISE n'est pas recevable à l'invoquer en cassation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en jugeant que le département n'apportait aucun élément de nature à contredire utilement les énonciations du rapport d'expertise sur les frais supportés par la société Spie Citra Nord du fait de la modification des fondations, la cour n'a pas dénaturé les écritures du DEPARTEMENT DE L'OISE ;

Sur l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur la responsabilité des constructeurs :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que si le caractère définitif du décompte s'oppose aux demandes postérieures des cocontractants fondées sur leur responsabilité contractuelle, il n'a ni pour objet, ni pour effet d'interdire au maître de l'ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle des autres constructeurs qui ne sont pas parties au marché en cause ; qu'ainsi en jugeant, sans distinguer entre la situation de la société Spie Citra Nord et celle des autres constructeurs, que le caractère définitif du décompte du marché conclu entre le DEPARTEMENT DE L'OISE et la société Spie Citra Nord s'opposait à la demande du département de condamnation de tous les constructeurs sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE L'OISE est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs autres que la société Spie Citra Nord ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, dans cette mesure, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le DEPARTEMENT DE L'OISE a mis en cause la responsabilité contractuelle des constructeurs dans une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 28 octobre 1994 ; que la réception des travaux de reconstruction du collège a été prononcée le 5 octobre 1992 avec effet au 17 juin 1992 et n'a pas été assortie de réserves sur les travaux supplémentaires de fondation ; que la réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs sous réserve du cas où la réception a été acquise aux constructeurs à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de leur part ; qu'ainsi, le département ne pouvait plus rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs à raison du surcoût engendré par les travaux de fondation de l'ouvrage ; que par suite, M. A, la société Logabat Ingénierie et la société Forage et Fondations sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en date du 17 décembre 1999 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il les a condamnés à indemniser le DEPARTEMENT DE L'OISE à hauteur des travaux supplémentaires de fondation ; que leurs conclusions à fin d'appel en garantie doivent en conséquence être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 7 750,64 euros, à la charge du DEPARTEMENT DE L'OISE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des constructeurs, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que le DEPARTEMENT DE L'OISE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE L'OISE la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés respectivement par la société Spie Citra Nord, la société Bureau Veritas et la société Forages et Fondations et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 20 décembre 2002 en tant qu'il statue sur la responsabilité des constructeurs autres que la société Spie Citra Nord et les articles 1, 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 17 décembre 1999 sont annulés.

Article 2 : La requête du DEPARTEMENT DE L'OISE devant le tribunal administratif d'Amiens et les conclusions à fin d'appel en garantie de la société Bureau Veritas, de la société Spie Citra Nord et de la société Logabat Ingenierie sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 7 750,64 euros sont mis à la charge du département de l'Oise.

Article 4 : Le DEPARTEMENT DE L'OISE versera respectivement à la société Spie Citra Nord, la société Bureau Veritas et la société Forages et Fondations une somme de 2 500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'OISE, à la société Spie Citra Nord, la société Bureau Veritas, la société Logabat Ingenierie, à la société Forage et Fondations et à M. Richard A.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 254903
Date de la décision : 12/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2006, n° 254903
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Nathalie Escaut
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP GATINEAU ; SCP BOULLOCHE ; SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:254903.20060512
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