Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 1er octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Gabriel A, a enjoint à ses services de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification dudit jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Charlotte Avril, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE a délivré un titre de séjour à M. A aux seuls fins d'exécution du jugement du président du tribunal administratif de Paris ; que, dans ces conditions, la délivrance de ce titre de séjour n'a pas pour effet de rendre sans objet l'appel du préfet contre ledit jugement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité cubaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 23 août 2004 de l'arrêté du 19 août 2004 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière M. A a fait valoir qu'il est arrivé en France le 13 décembre 2003 et a conclu le 19 décembre 2003 un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français qu'il avait rencontré en février 2001 à Paris, puis au Niger en mars 2001 et qui était venu à Cuba en mars 2002 et septembre 2003 ; que compte tenu de la brièveté de la vie commune ainsi invoquée et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté en cause ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler ledit arrêté, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la régularité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A :
Considérant que, par un arrêté du 2 janvier 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le PREFET DE POLICE a donné à M. de Croone, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Sur la légalité de la décision du 19 août 2004 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 26 décembre 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le PREFET DE POLICE a donné à M. Dingreville, délégation pour signer notamment les décisions de refus de séjour des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus quant aux effets de l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision de refus de titre de séjour du 19 août 2004 notifiée à M. A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision ; qu'ainsi, l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions prévues au 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il ne soutient pas qu'il entrait dans le champ d'application des autres dispositions de l'article 12 bis ou de celles de l'article 15 de ladite ordonnance ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de titre de séjour litigieuse ;
Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; que cet arrêté n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 17 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 1er octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. A est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Gabriel A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.