La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2006 | FRANCE | N°275991

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 09 juin 2006, 275991


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE ; le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 045123 du 29 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 15 novembre 2004 en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays vers lequel Mme Karina A sera reconduite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegard

e des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention inte...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE ; le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 045123 du 29 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 15 novembre 2004 en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays vers lequel Mme Karina A sera reconduite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Charlotte Avril, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante arménienne, s'est trouvée, à compter du 29 novembre 2004, date à laquelle la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 octobre 2004 rejetant sa nouvelle demande d'admission au statut de réfugiée lui a été notifiée, dans la situation visée au 6° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 mentionnée ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet article stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ;

Considérant que si Mme A soutient qu'elle-même et ses enfants, seraient exposés à des risques en cas de retour dans leur pays d'origine et si elle se prévaut, notamment, au soutien de ces affirmations, de persécutions dont elle aurait été l'objet en Arménie du fait de ses origines yézides, des conditions suspectes dans lesquelles son mari serait décédé et des accusations portées contre elle par la police arménienne, il ne résulte pas des pièces du dossier que de telles affirmations puissent être regardées comme établies ; qu'ainsi, le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 29 novembre 2004, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 15 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme A en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du dossier par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif de Nantes et le Conseil d'Etat ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE ait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Arménie comme pays à destination duquel Mme A doit être reconduite ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant qui imposent que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant soit une considération primordiale ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, applicables à la reconduite à la frontière, que le législateur a entendu exclure l'application des dispositions de la loi du 12 avril 2000 qui prévoient que les décisions qui doivent être motivées, en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peuvent légalement intervenir qu'après que les intéressés ont été mis à même de produire des observations écrites, et qu'un tel arrêté ne peut intervenir sans que soit préalablement observée une procédure contradictoire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE aurait dû entendre contradictoirement la requérante préalablement à l'édiction de son arrêté doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 novembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé son arrêté du 18 novembre 2004 en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mme A ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2004 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE du 18 novembre 2004 en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mme A.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision du PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE fixant l'Arménie comme pays de destination de sa reconduite à la frontière sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE, à Mme Karina A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 275991
Date de la décision : 09/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2006, n° 275991
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: Mme Charlotte Avril
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:275991.20060609
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award