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19/06/2006 | FRANCE | N°266435

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 19 juin 2006, 266435


Vu 1° enregistrée sous le n° 266435 la requête, enregistrée le 14 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, dont le siège est sis à la maison de l'agriculture, boulevard Réaumur, à La-Roche-sur-Yon (85103), représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté, en date du 18 décembre 2003, par lequel le préfet de l

a région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, préfet coordonnateur pour ...

Vu 1° enregistrée sous le n° 266435 la requête, enregistrée le 14 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, dont le siège est sis à la maison de l'agriculture, boulevard Réaumur, à La-Roche-sur-Yon (85103), représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté, en date du 18 décembre 2003, par lequel le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, préfet coordonnateur pour le « site Natura 2000 du marais poitevin » (zone de protection spéciale FR 54-10100), a approuvé le document d'objectifs de ce site ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2° enregistrée sous le n° 282702, l'ordonnance en date du 15 juillet 2005, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 20 juillet 2005, par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par l'association COSYMDAH, M. Guy A, M Jean-Louis B, M. Jean-Baptiste B, M. Pascal C, et M. Denis D ;

Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers, le 3 août 2004, présentée par l'association COSYMDAH dont le siège est à la maison commune de Petit Poitou à Challé les Marais (85450), M. Guy A demeurant ..., M. Jean-Louis B demeurant ..., M. Jean-Baptiste B demeurant ..., M. Pascal C demeurant ... et M. Denis D demeurant ... et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision née du silence gardé par le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, préfet coordonnateur pour le « site Natura 2000 du marais poitevin » (zone de protection spéciale FR 54-10100), sur leur demande du 15 avril 2004 tendant au retrait de son arrêté, en date du 18 décembre 2003, approuvant le document d'objectifs de ce site, ensemble ledit arrêté ;

…………………………………………………………………………

Vu 3° enregistrée sous le n° 283079 l'ordonnance en date du 15 juillet 2005, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 juillet 2005 , par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE et la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES ;

Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers, le 17 août 2004, présentée pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, dont le siège est à Saint Julien de l'Escap BP 64 à Saint Jean d'Angely (17414 Cedex), représentée par son président en exercice, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE, dont le siège est aux Minées, route de Château Fromage, BP 393, à La Roche Sur Yon (85010 Cedex), représentée par son président en exercice et la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES, dont le siège est 7, route Champ Picard à La Crèche (79260), représentée par son président en exercice, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision née du silence gardé par le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, préfet coordonnateur pour le « site Natura 2000 du marais poitevin » (zone de protection spéciale FR 54-10100), sur leur demande du 15 avril 2004 tendant au retrait de son arrêté, en date du 18 décembre 2003, approuvant le document d'objectifs de ce site, ensemble dudit arrêté et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 2002-285 du 28 février 2002 autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, ensemble le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de cette convention ;

Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu la directive 92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n°82-390 du 10 mai 1982 modifié relatif aux pouvoirs des préfets de région, à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans la région et aux décisions de l'Etat en matière d'investissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE et de la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur les règles applicables :

Considérant que, pour la mise en oeuvre des objectifs posés par la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « Oiseaux ») et par la directive 92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive « Habitats »), l'article L. 414-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige, institue des zones spéciales de conservation qui « sont des sites à protéger comprenant / - soit des habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faibles dimensions ou offrant des exemples remarquables des caractéristiques propres aux régions alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne ; / - soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; - soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d'une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation » et des zones de protection spéciale qui sont « soit des sites maritimes et terrestres particulièrement appropriés à la survie et à la reproduction des espèces d'oiseaux sauvages figurant sur une liste arrêtée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / - soit des sites maritimes ou terrestres qui servent d'aires de reproduction, de mue, d'hivernage ou de zones de relais, au cours de leur migration, à des espèces d'oiseaux autres que celles figurant sur la liste susmentionnée./(…) » et que les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l'autorité administrative concourent, sous l'appellation commune de sites Natura 2000, à la formation du réseau écologique européen Natura 2000 ; que selon les articles R.* 214-19 et R*. 214-20 du code de l'environnement, applicables à la date de l'arrêté attaqué, les zones de protection spéciales sont désignées comme sites Natura 2000 par arrêté du ministre chargé de l'environnement et les zones spéciales de conservation ne le sont, dans les mêmes formes, qu'après avoir fait l'objet de propositions à la Commission européenne et après inscription, par celle-ci, de ces zones sur la liste des sites d'importance communautaire ; qu'aux termes de l'article L. 414-2 du même code, dans sa version applicable à l'affaire : « l'autorité administrative établit pour chaque site, en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements et les représentants des propriétaires et exploitants de terrains inclus dans le site, un document d'objectifs qui définit les orientations de gestion et de conservation, les modalités de leur mise en oeuvre et les dispositions financières d'accompagnement » ; que l'article R*. 214-24 du code de l'environnement, dans sa version applicable à l'affaire, précise que ce document contient : « 1º Une analyse décrivant l'état initial de conservation et la localisation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du site, les mesures réglementaires de protection qui y sont le cas échéant applicables, les activités humaines exercées sur le site, notamment les pratiques agricoles et forestières ; /2º Les objectifs de développement durable du site destinés à assurer la conservation et, s'il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces ainsi que la sauvegarde des activités économiques, sociales et culturelles qui s'exercent sur le site ;/3º Des propositions de mesures de toute nature permettant d'atteindre ces objectifs ;/4º Un ou plusieurs cahiers des charges types applicables aux contrats Natura 2000 prévus aux articles R. 414-13 et suivants précisant notamment les bonnes pratiques à respecter et les engagements donnant lieu à contrepartie financière ;/5º L'indication des dispositifs en particulier financiers destinés à faciliter la réalisation des objectifs ; /6º Les procédures de suivi et d'évaluation des mesures proposées et de l'état de conservation des habitats naturels et des espèces » ; qu'enfin, pour l'application de ce document d'objectifs, l'article L. 414-3 prévoit que les titulaires de droits réels et personnels portant sur les terrains inclus dans le site peuvent conclure avec l'autorité administrative des contrats dénommés « contrats Natura 2000 » qui comportent « un ensemble d'engagements conformes aux orientations définies par le document d'objectifs, portant sur la conservation et, le cas échéant, le rétablissement des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la création du site Natura 2000 » ;

Sur les requêtes :

Considérant qu'un document d'objectifs a été établi en décembre 2003 pour la mise en oeuvre de « Natura 2000 » dans le marais poitevin ; que l'arrêté du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, préfet coordonnateur pour le site Natura 2000 du Marais poitevin, daté du 18 décembre 2003, l'a approuvé en ce qui concerne la zone de protection spéciale FR5410100 (directive «oiseaux ») ; que les requêtes susvisées qui sont toutes dirigées contre cet arrêté, ainsi que, s'agissant des requêtes n°s 282702 et 283079, également contre les rejets implicites de leurs recours gracieux tendant à son abrogation, posent à juger des questions similaires ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'écologie et du développement durable :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'environnement qui viennent d'être mentionnées qu'un document d'objectifs contient des dispositions susceptibles de produire des effets juridiques ; qu'il en va ainsi, notamment, selon l'article L. 414-3 du code de l'environnement, au regard des « contrats Natura 2000 » ; que, par suite, l'arrêté préfectoral l'approuvant peut, dans cette mesure, être déféré au juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'écologie et du développement durable et tirée de ce que les requêtes ne seraient pas recevables faute d'être dirigées contre un acte susceptible de recours contentieux doit être rejetée ;

Considérant, en second lieu, que, d'une part, la FEDERATION DEPARTEMENTALE D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, d'autre part, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE et la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES justifient d'un intérêt pour agir contre l'arrêté qu'elles attaquent, approuvant un tel document d'objectifs pour le marais poitevin ; que, par suite, l'autre fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de ce que les requérantes n'auraient pas intérêt pour agir, doit également être rejetée ;

Sur la compétence de l'auteur de l'acte attaqué :

Considérant que l'arrêté attaqué a approuvé le document d'objectifs élaboré pour le marais poitevin en tant qu'il concerne la zone de protection spéciale « FR 5410100-Marais poitevin » ; que cette zone s'étend sur trois départements - le département de la Charente-Maritime, le département des Deux-Sèvres et le département de la Vendée-, relevant de deux régions - la région Poitou-Charentes et la région Pays de la Loire ; qu'aux termes de l'article 33-1 du décret n° 82-390 du 10 mai 1982, puis en Conseil d'Etat et délibéré en conseil des ministres, relatif aux pouvoirs des préfets de région, à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans la région et aux décisions de l'Etat en matière d'investissements publics, introduit par l'article 2 du décret du 4 juillet 2002 relatif aux compétences interdépartementales et interrégionales des préfets et aux compétences des préfets coordonnateurs de massif : « I. Lorsqu'une politique d'aménagement et de développement durable du territoire intéresse plusieurs régions, le Premier ministre peut, par arrêté, confier au préfet de l'une de ces régions une mission interrégionale de mise en oeuvre de cette politique./II. Pour l'accomplissement de cette mission interrégionale, le préfet de région désigné en application du I ci-dessus, anime et coordonne l'action des préfets des départements et des régions intéressés. Il assure la programmation et est ordonnateur des dépenses afférentes aux crédits qui lui sont délégués dans le cadre de sa mission./Il négocie et conclut, au nom de l'Etat, toutes conventions avec les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. Lorsqu'une convention a un champ d'application limité à un seul département ou à une seule région, le préfet de ce département ou de cette région reçoit du préfet chargé d'une mission interrégionale délégation pour la négocier et la conclure au nom de l'Etat » ; que l'article R* 214-23 du code de l'environnement, issu du décret n° 2001-1216 du 20 décembre 2001 qui, s'il a été pris en Conseil d'Etat n'a pas été délibéré en conseil des ministres, ne peut fixer pour la désignation du préfet coordonnateur une règle contraire à celle qui résulte de la modification apportée au décret du 10 mai 1982 par le décret du 4 juillet 2002 ; que sur le fondement de ce dernier décret, le Premier ministre a pu légalement, par son arrêté du 17 juin 2003, publié au Journal officiel le 19 juin suivant, désigner le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, comme « préfet coordonnateur du plan d'action gouvernemental pour le Marais poitevin » qui prévoyait notamment de mener à son terme la procédure « Natura 2000 » et l'investir ainsi de la mission de coordonner l'élaboration du document d'objectifs pour le marais poitevin puis de l'approuver ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité qui n'avait pas qualité pour approuver le document d'objectifs du marais poitevin doit être écarté ;

Sur l'omission de la signature du commandant de la région terre :

Considérant qu'aux termes de l'article R* 214-23 du code de l'environnement : « (…) Lorsque des terrains relevant du ministère de la défense sont inclus dans le périmètre d'un site Natura 2000, le document d'objectifs est arrêté conjointement avec le commandant de la région terre. Lorsque le site est entièrement inclus dans un terrain relevant du ministère de la défense, le document d'objectifs est arrêté par le commandant de la région terre » ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral aurait dû être pris conjointement avec le commandant de la région terre en raison de ce qu'il y aurait des terrains militaires dans le périmètre du site Natura 2000 du marais poitevin concerné par le document d'objectifs ne peut, faute d'être assorti des précisions permettant d'en examiner le bien-fondé, qu'être écarté ;

Sur la régularité de la procédure de concertation préalable :

Considérant que selon l'article L. 414-2 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, le document d'objectifs est établi par l'autorité administrative, « en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements et les représentants des propriétaires et exploitants des terrains inclus dans le site » ; qu'en vertu de l'article R.*214-23 du même code, dans sa version alors applicable, le comité de pilotage Natura 2000 mentionné à l'article R.* 214-25 est associé à l'élaboration du document d'objectifs qui est arrêté par le préfet de département, ou, si le site s'étend sur plusieurs départements, par le préfet coordonnateur qui est désigné ; qu'aux termes de l'article R. * 214-25 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « (…) Il peut être constitué un comité de pilotage Natura 2000 commun à plusieurs sites. / Le comité de pilotage Natura 2000 est présidé par le préfet ou son représentant, ou si le site s'étend sur plusieurs départements ou si le comité est commun à plusieurs sites situés dans plusieurs départements, par le préfet coordonnateur (…). / Le comité comprend les représentants des collectivités territoriales intéressées et de leurs groupements et les représentants des propriétaires et exploitants de biens ruraux compris dans le site. Lorsque le site Natura 2000 inclut pour partie des terrains relevant du ministère de la défense, le commandant de la région terre ou son représentant est membre de droit du comité(…)/La composition de chaque comité de pilotage Natura 2000 est arrêtée par le préfet compétent ou, lorsque le site est entièrement inclus dans un terrain relevant du ministère de la défense, par le commandant de la région terre » ;

Considérant que les circonstances qu'avant même sa désignation comme préfet coordonnateur, le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, d'une part, avait institué, par un arrêté du 27 décembre 2000, modifié le 5 décembre 2002, le comité de pilotage du site Natura 2000 du marais poitevin, d'autre part, en avait présidé les séances, n'ont pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché la procédure d'irrégularités substantielles ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité de pilotage, tel qu'issu de l'arrêté du 5 décembre 2002, comprenait les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements et les représentants des propriétaires et exploitants des terrains inclus dans le site ainsi que l'exigeaient les dispositions précitées du code de l'environnement ; qu'en revanche, les allégations selon lesquelles le commandant de la région terre aurait dû aussi y être représenté ne sont pas assorties des précisions permettant d'en examiner le bien-fondé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité de pilotage a été associé à l'élaboration et la validation du document d'objectifs pour le marais poitevin ; que l'article R*. 214-24, dans sa rédaction alors en vigueur, n'imposait pas que soient formalisées, préalablement au document d'objectifs, une étude socio-économique ou une étude de l'état initial des habitats naturels concernés qui auraient dû lui être transmises ; que, dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la procédure a été régulière ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la concertation autour du projet de documents d'objectifs, qui s'est traduite tant par les travaux du comité de pilotage que par diverses réunions publiques, aurait été insuffisante ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le 4° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui prévoit la participation du public au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire aurait été méconnu, ne peut qu'être écarté ; qu'il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 6 de la convention de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, dont la ratification a été autorisée par la loi du 28 février 2002, qui a été publiée par un décret du 12 septembre 2002 aux termes desquelles : «Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus ;

Sur les sites Natura 2000 concernés par le document d'objectifs :

Considérant que les articles L. 414-2, R*. 214-23 et R*. 214-25 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable à l'affaire, imposent que le document d'objectifs soit élaboré pour un « site » ; qu'il en résulte qu'un document d'objectifs ne saurait être approuvé avant la désignation du site qu'il concerne ; qu'en revanche, il peut, le cas échéant, commencer à être élaboré avant la désignation de ce site ; que dès lors, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle attaque qui approuve le document d'objectifs du marais poitevin en tant qu'il concerne la zone de protection spéciale FR5410100 (directive «oiseaux »), serait entaché d'illégalité du seul fait qu'il aurait commencé à être élaboré avant la désignation de cette zone de protection spéciale ;

Considérant que l'arrêté désignant un site Natura 2000 n'a pas le caractère d'un acte réglementaire dont les intéressés peuvent exciper, après l'expiration du délai de recours contentieux, de l'illégalité ; que, par suite et en tout état de cause, les requérants ne sont pas recevables à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 27 août 2002, publié au Journal officiel du 17 novembre 2002, qui désigne la zone de protection spéciale FR5410100 (directive «oiseaux »), dès lors que le délai de recours contentieux contre cet acte était, à la date à laquelle ils ont introduit leur requête, expiré ; qu'en outre, ils ne sauraient davantage se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 3 décembre 2003, publié au Journal officiel du 26 décembre suivant, qui a modifié l'arrêté du 27 août 2002, dès lors qu'il est postérieur à l'arrêté attaqué et que ce dernier ne saurait ainsi, en tout état de cause, en constituer une mesure d'application ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des termes mêmes du document d'objectifs qu'il a été établi tant pour la zone de protection spéciale FR5410100 (directive «oiseaux ») que pour deux propositions de sites d'intérêt communautaire que se superposent partiellement à elle, la proposition de site FR5400446 de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres (directive « Habitats »), et la proposition de site d'intérêt communautaire de la Vendée FR 5200659 (directive « Habitats ») et qu'il en résulte que les analyses et les mesures qu'il contient, au titre de ces deux catégories de sites, sont étroitement imbriquées ; que toutefois, rien ne s'opposait à ce que le préfet approuve, par l'arrêté attaqué, le document d'objectifs en tant seulement qu'il concerne la zone de protection spéciale FR5410100 (directive «oiseaux ») ; qu'au contraire, d'ailleurs, il lui appartenait, à la date de son arrêté, et alors que les propositions de sites d'intérêt communautaire n'avaient pas encore donné lieu à la désignation de zones spéciales de conservation, de procéder ainsi, dès lors que, quelles que soient les modalités de conception et d'établissement du document d'objectifs, les mesures que ce document prévoit au titre de la mise en oeuvre de la directive « oiseaux » ne sauraient recevoir application ailleurs que dans une zone de protection spéciale incluse dans le site Natura 2000 qu'il couvre et que les mesures que ce même document mentionne au titre de la mise en oeuvre de la directive « Habitats » ne sauraient davantage recevoir application ailleurs que dans les zones désignées au titre de cette dernière directive et incluses dans le périmètre qu'il couvre ;

Sur le contenu du document d'objectifs :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le document d'objectifs pour le marais poitevin ne comprenne pas les éléments visés à l'article R*. 214-24 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable et notamment les objectifs de développement durable du site « destinés à assurer la conservation, et s'il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces ainsi que la sauvegarde des activités économiques, sociales et culturelles qui s'exercent sur le site » et « les dispositifs (…) financiers destinés à faciliter la réalisation des objectifs » ; qu'il n'avait pas, en outre, à reprendre l'ensemble des éléments qui ont été transmis à la Commission européenne dans le cadre de la désignation des sites Natura 2000 qu'il concerne ;

Considérant qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'arrêté approuvant le document d'objectifs soit entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en ce que l'action n° 27 du document d'objectifs prévoirait, pour la protection du busard cendré, d'étendre les surfaces en prairie, ses actions n°s 3, 5, 45 et 47 n'auraient pas suffisamment pris en compte les particularités du marais poitevin, ses actions n°s 1, 2 et 3 bis viseraient, par diverses mesures, le maintien et la reconquête des prairies et menaceraient la pérennité des activités agricoles, et ses actions n°s 2, 5 et 17 mettraient également en danger les activités agricoles ;

Considérant, enfin, que la mention, par le document d'objectifs approuvé par l'arrêté attaqué, que la chasse peut avoir un effet en termes de dérangement sur les oiseaux ne fait pas grief et ne saurait, dès lors, avoir méconnu le V de l'article L. 414-1 du code de l'environnement, qui, au surplus, s'applique aux seules mesures de gestion qui peuvent être mises en oeuvre, notamment dans le cadre des contrats Natura 2000, pour la gestion d'un site Natura 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, l'association COSYMDAH et les autres requérants qui ont présenté la requête n°282702, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE et la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, en date du 18 décembre 2003, approuvant le document d'objectifs du « site Natura 2000 du marais poitevin » (zone de protection spéciale FR 54-10100) ni, s'agissant de l'association COSYMDAH et des autres requérants et de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE, la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES , de la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elles ont formé le 15 avril 2004 contre cet arrêté ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme que demandent, d'une part, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, d'autre part, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE, la FEDERATION DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, de l'association COORDINATION DES SYNDICATS DE MARAIS DE LA BAIE DE L'AIGUILLON, de M. Guy A, de M. Jean-Louis B, de M. Jean-Baptiste B, de M. Pascal C, de M. Denis D, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE et de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE LA VENDEE, à l'association COORDINATION DES SYNDICATS DE MARAIS DE LA BAIE DE L'AIGUILLON, à M. Guy A, à M. Jean-Louis B, à M. Jean-Baptiste B, à M. Pascal C, à M. Denis D, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA CHASSE DE LA CHARENTE-MARITIME, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA VENDEE, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES DEUX-SEVRES, au ministre de l'écologie et du développement durable et au préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 266435
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - SITES NATURA 2000 - DOCUMENT D'OBJECTIFS D'UN SITE NATURA 2000 - ACTE FAISANT GRIEF.

44-01-006 Il résulte des articles L. 414-1 et suivants et R. 214-19 et suivants du code de l'environnement qu'un document d'objectifs contient des dispositions susceptibles de produire des effets juridiques. Il en va ainsi, notamment, selon l'article L. 414-3 du code de l'environnement, au regard des « contrats Natura 2000 », que les titulaires de droits réels et personnels portant sur les terrains inclus dans le site peuvent conclure avec l'autorité administrative et qui comportent « un ensemble d'engagements conformes aux orientations définies par le document d'objectifs, portant sur la conservation et, le cas échéant, le rétablissement des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la création du site Natura 2000 ». Par suite, l'arrêté préfectoral approuvant le document d'objectifs peut, dans cette mesure, être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - DOCUMENT D'OBJECTIFS D'UN SITE NATURA 2000.

54-01-01-01 Il résulte des articles L. 414-1 et suivants et R. 214-19 et suivants du code de l'environnement qu'un document d'objectifs contient des dispositions susceptibles de produire des effets juridiques. Il en va ainsi, notamment, selon l'article L. 414-3 du code de l'environnement, au regard des « contrats Natura 2000 », que les titulaires de droits réels et personnels portant sur les terrains inclus dans le site peuvent conclure avec l'autorité administrative et qui comportent « un ensemble d'engagements conformes aux orientations définies par le document d'objectifs, portant sur la conservation et, le cas échéant, le rétablissement des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la création du site Natura 2000 ». Par suite, l'arrêté préfectoral approuvant le document d'objectifs peut, dans cette mesure, être déféré au juge de l'excès de pouvoir.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2006, n° 266435
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:266435.20060619
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